Le Deccan Mujahedeen, qui a revendiqué l’attaque en publiant un courriel, est certainement un nouveau nom choisi spécialement pour celle-ci. Mais la spéculation bat son plein. Un officier de haut rang de la marine indienne a affirmé que les attaquants (qui sont arrivés par bateau, le M V Alpha) étaient liés aux pirates somaliens impliquant que c’était une vengeance suite à l’attaque sanglante réussie par la flotte indienne contre des pirates dans le Golfe d’Arabie qui a fait de nombreuses victimes chez les pirates il y a quelques semaines.
Le premier ministre indien, Manmohan Sungh, a insisté pour dire que les terroristes étaient basés en dehors du pays. Les médias indiens se sont fait l’écho de ce point de vue en pointant vers le Pakistan (via le groupe Lashkar-e-Talba) et Al Qaeda, les suspects habituels.
Mais c’est une construction de l’esprit, une politique imaginaire de l’Inde. Son but c’est de nier que les terroristes pourraient être une fabrication maison, produit de la radicalisation de jeunes musulmans indiens qui ont finalement renoncé à s’appuyer sur le système politique autochtone. Accepter ce point de vue ce serait impliquer que les docteurs es-politique du pays doivent se soigner eux-mêmes.
Al Qaeda, comme l’a dit clairement la CIA récemment, est un groupe sur le déclin. Il n’a jamais été à même de reproduire quelque chose ressemblant vaguement au 11 Septembre.
Il se pourrait que son principal dirigeant, Osama Ben Laden, soit mort (il n’a certainement pas fait diffusé d’intervention vidéo pour l’élection présidentielle US de cette année) et les menaces et bravades de son bras droit ont régressé.
Qu’en est-il du Pakistan ?
L’armée est lourdement engagée dans des actions sur sa frontière Nord-ouest où les débordements de la guerre afghane ont déstabilisé la région. Les politiciens actuellement au pouvoir font des ouvertures à répétition vers l’Inde. Le groupe Lashkar-e- Taiba, qui a l’habitude de revendiquer ses actions, a strictement nié toute implication dans les attaques de Bombay.
Pourquoi serait-ce une surprise que ceux qui les ont commises soient des musulmans indiens ? Ce n’est un secret pour personne qu’il y a beaucoup de colère au sein des couches les plus pauvres de la communauté musulmane contre la discrimination systématique et les actes de violence perpétrés à leur encontre, dont le pogrom anti musulman de 2002 dans la province du Gujarat (qui a fait 2000 victimes musulmanes tuées par des extrémistes hindous ndlt) a été récemment l’épisode le plus marquant et le plus rapporté, soutenu par le ministre en chef de l’état et les responsables des institutions locales.
Ajouter à cela la blessure continuelle du Cachemire qui depuis des décennies a été traité comme une colonie par les troupes hindoues avec rafles, tortures et viols d’habitants, et ce quotidiennement. Les conditions sont bien pire qu’au Tibet, mais ont suscité peu de sympathie en Occident, où la défense des droits de l’homme est fortement instrumentalisée.
Les services de renseignement indiens sont parfaitement au courant de tout ceci et ils ne devraient pas encourager les élucubrations de leurs dirigeants politiques. Le mieux, c’est de reconnaître et accepter qu’il y a des problèmes graves à l’intérieur du pays. L’Inde compte 1 milliard d’habitants : 80% d’Hindous et 14% de Musulmans. Une importante minorité dont on ne peut pas entreprendre le nettoyage ethnique sans provoquer un conflit plus vaste.
Aucune de ces raisons ne justifie des actes de terrorisme, mais cela devrait au moins obliger les dirigeants de l’Inde à orienter leur regard directement sur leur propre pays et les conditions qui y prévalent. Les disparités économiques sont profondes. L’idée absurde que les effets et répercussions de la mondialisation capitaliste résoudrait la plupart des problèmes peut maintenant être vue pour ce qu’elle a toujours été : une feuille de vigne pour cacher des nouvelles formes d’exploitation.
Tariq Ali 211/08 -www.counterpunch.org