Depuis l’élection de Biden en 2020, une organisation nommée « Payday’s Report » fait le décompte des grèves qui traversent le pays, avec un outil appelé le « COVID-19 Strike Wave Interactive Map ». En date d’octobre 2021, la carte dénombrait 1 600 grèves dans l’ensemble du pays. Les petites, moyennes et grandes entreprises ont vu leurs travailleurs et leurs travailleuses prendre les lignes de piquetage surtout pour de meilleures conditions de travail. Depuis le début de la pandémie, les conditions de travail se sont effectivement empirées, avec des rotations de quart de travail sans avertissement et des diminutions d’équipe qui ont forcé les syndiqué-e-s à faire la grève, mais aussi, dans plusieurs cas, à quitter leur travail. La confrontation vise non seulement des entreprises aux mains des Républicains, mais aussi celles aux mains des Démocrates. Nous sommes actuellement témoins d’une remontée de la lutte de classes aux États-Unis, et d’une augmentation du radicalisme dans les syndicats, en particulier dans ceux où la majorité des membres sont issu-e-s des communautés hispanophones et afro-américaines. Le mouvement syndical américain connaît depuis quelques années une remontée importante dans les adhésions, notamment avec l’aide des militants et des militantes socialistes, qui se sont implanté-e-s dans divers lieux de travail ou qui offrent un soutien au sein de la communauté.
Dans les industries comme Kellogg et John Deere, les salaires sont très bas, mais il y a aussi un système à deux niveaux mis en place pour miner la solidarité entre les travailleurs et les travailleuses. Ceux et celles qui ont plus d’ancienneté et une certaine permanence ont effectivement droit à de meilleurs salaires et bénéfices que les jeunes, les nouveaux travailleurs et les nouvelles travailleuses, qui sont avant tout des temporaires avec des promesses d’atteindre éventuellement de meilleures conditions de travail et salariales.
Ce système inventé durant les années 1970 a été mis en place pour réduire le nombre de travailleurs et travailleuses — avec les multiples fusions de compagnies qui ont mené à la formation de larges conglomérats — et avoir plus de pouvoir sur les employé-e-s. Mais ultimement, ce système a été mis en place pour empêcher la syndicalisation dans les grandes usines après les fusions, et pour consolider la division entre les travailleurs et les travailleuses sur la base des salaires et des conditions de travail. Ce n’est pas par hasard que les syndicats ont connu une baisse dans les années 1970 et que les profits ont augmenté pour la classe capitaliste. Ce système existe toujours, et il a été repris avec un nouveau discours enthousiaste par nul autre que Amazon, une des compagnies le plus antisyndicales au monde.
Dans le numéro du New York Times daté du 24 octobre 2021, les journalistes ont démontré comment les travailleurs, mais surtout les travailleuses, sont traité-e-s comme des esclaves. La majorité des travailleuses chez Amazon sont des Afro-Américaines monoparentales, selon l’enquête du Times. Amazon, qui déclare avec fierté atteindre des profits de plusieurs milliards annuellement, congédie les travailleurs et les travailleuses qui osent parler de syndicalisme et qui demandent des congés parentaux et médicaux.
Certaines employées ont dévoilé, dans l’enquête du Times, que souvent leurs chèques de paie sont réduits de 90 $ à 120 $ sur un salaire hebdomadaire de 450 $, parce qu’elles avaient une urgence médicale pour un des leurs enfants. Cette pratique est courante dans les entrepôts d’Amazon. Quand les employées contestent ces réductions arbitraires, Amazon les traîne en cours avec leurs avocats. Devinez qui l’emporte ?
La situation s’empire pour la classe ouvrière américaine. Biden veut faire passer son plan social, pour tenter de démontrer qu’il est un progressiste, mais en même temps il félicite les grandes compagnies comme Amazon de soutenir l’économie américaine. Ce que Biden ne dit pas, c’est que ces félicitations pour Amazon sont aussi des félicitations pour l’ensemble de la classe capitaliste. En passant, Jeff Bezos, PDG d’Amazon et du Washington Post, a soutenu Biden aux élections de 2020.
L’idée d’une grève générale pour l’ensemble du pays circule depuis quelques mois. Au début de la pandémie, l’idée avait rencontré un certain écho, et dans certains États l’idée a pris racine et des syndicats ont connu des succès locaux, avec la lutte menée à la base par les travailleurs et les travailleuses. Avec la fin, pour plusieurs travailleurs et travailleuses, des prestations de chômage et des autres bénéfices pour supplémenter leurs revenus, il semble que l’idée d’une grève générale reprend de l’ampleur, mais une grève générale sans l’appui des directions syndicales s’avérerait probablement un échec. Le mouvement syndical américain se développe, mais demeure relativement faible. Les directions syndicales, surtout dans les grandes centrales comme les Teamsters, l’AFL-CIO et les Débardeurs, sont très contrôlées par des leaders attaché-e-s au Parti démocrate, ou encore à un certain banditisme.
Si l’idée d’une grève générale continue à faire son chemin, il faut aussi, comme le disent certains militants et certaines militantes, jumeler cette grève générale à une lutte pour une nouvelle démocratie syndicale, un rejet du contrôle des grandes centrales par le Parti démocrate et un nettoyage du banditisme. Si cette lutte ne fait pas partie intégrante de la grève générale, cette dernière va s’avérer une action nécessaire, mais qui ne parviendra pas à reconstruire un syndicalisme véritablement militant et politique.
L’idée d’une grève générale continue de circuler, et avec les négociations prévues pour 2022 dans le secteur de l’enseignement primaire et secondaire (nous devons nous rappeler des grèves rotatives qui ont débuté à Chicago et qui se sont répandues ensuite à travers le pays), une grève pourrait servir de catalyseur pour les travailleurs et les travailleuses, ainsi que pour la gauche socialiste. Les socialistes, avec l’appui des progressistes, pourraient jouer un rôle de soutien dans certaines circonstances et un rôle de direction dans d’autres circonstances. À suivre, certainement.
Lotta Continua.
Un message, un commentaire ?