Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Assises sur l’écosocialisme

Assises de l’écosocialisme

Le savoir au cœur du Commun, une ressource qui augmente quand on la partage

Dans un monde de plus en plus complexe l’enjeu du partage des savoirs n’est pas seulement une question de modèle économique, ni même de partage des pouvoirs : c’est une condition première du vivre ensemble, une question de survie collective si, comme André Gorz, on se pose comme objectif une sortie civilisée du capitalisme. Ce savoir qui n’a pas de limites, participe de la créativité humaine dont les ressources sont inépuisables contrairement aux ressources naturelles sur lesquelles s’adosse le capitalisme.

Pour construire une société écosocialiste en accord avec l’approche d’André Gorz, nous avons alors à nous réapproprier ce savoir sous toutes ses formes si nous voulons remettre l’humain au centre : de l’espace public à la biosphère, des processus de production aux rapports sociaux eux-mêmes. Nous avons à faire de tous ces savoirs un Commun, en se fixant pour but et pour moyen la gestion démocratique et l’épanouissement de l’intelligence collective. Dans cette société nouvelle, pour laquelle nous militons, l’accès à ce Commun ne peut être soustrait à quiconque par un droit de propriété, au risque de détruire le processus de création même. Nous ne pouvons donc pas laisser le système productiviste en place empêcher la construction commune, comme il le fait avec détermination depuis de nombreuses années, en privatisant et en marchandisant cultures et savoirs afin d’accroitre toujours plus ses profits.

Pour se faire, nous disposons dorénavant d’un outil pouvant porter nos luttes, le réseau Internet. Comme toute technique, Internet est le reflet d’un rapport de force social. Basé sur une architecture ouverte et décentralisée, il a été conçu et développé avec l’objectif de ne pas être contrôlable : dès l’origine, le réseau des réseaux s’est trouvé imprégné de la culture libertaire des campus scientifiques américains. Par conséquent, si le capitalisme souhaite, tente et réussit parfois à en faire une source de profit, il ne peut faire disparaître le principe de l’échange de pair à pair, et dès lors est incapable à long terme d’imposer la rareté dont il a besoin pour se reproduire. Ainsi se dessine un changement fondamental dans le procès de production social et culturel qui progressivement devient réticulaire, au détriment des anciennes hiérarchies devenues inefficaces voire contre productives.
Alors que le capitalisme entend faire d’Internet un outil d’hyper marchandisation, nous postulons qu’il est d’ores et déjà possible de l’utiliser pour faire de la culture et de la création un Commun fondamental au cœur du projet politique écologiste.

Une période historique s’annonce alors, où l’avènement d’un mode de production alternatif, articulé autour de la reconnaissance du Commun, devient possible. Un mode de production qui étendrait toujours plus la gratuité, ferait du travail un mode d’expression de la créativité, et où chaque humain serait un multi-créateur. Donner accès à la culture et à la création, ouvrir grandes les portes à l’imagination et à l’intelligence collective, partager et échanger sans spolier quiconque est possible et aisé si l’on donne à chacun les moyens d’exercer son pouvoir d’expression dès le plus jeune âge.

Pour cela, cette révolution doit être structurée par les luttes contre le capitalisme numérique et pour l’expression universelle des richesses informationnelles.

Ce combat concerne l’humanité toute entière. Il est celui du rétablissement d’un rapport de force politique permettant de dépasser la société de consommation, ses pollutions, sa publicité et sa rareté artificielle, pour construire ensemble une véritable société écologiste, une société de l’usage fondée sur le partage.


Anita Rozenholc & Emmanuel Dessendier – membres du comité de rédaction de la revue critique d’écologie politique EcoRev’

NB : pour une réflexion plus poussée sur le concept du commun, nous vous renvoyons au site du séminaire Du public au commun (http://dupublicaucommun.com/) ainsi qu’au numéro 39 d’EcoRev’ : « Le Commun ou la relocalisation du politique » (http://www.ecorev.org/spip.php?article912).

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