Nous avons l’impression d’assister après des années de dormance à un réveil et une mobilisation d’une frange importante de la population même si elle demeure probablement minoritaire pour le moment face à un gouvernement libéral qui faisant la sourde oreille fait de l’austérité son seul crédo gardant contre vents et marées le cap, allant même à l’encontre de l’avis de plusieurs économistes et organisations internationales qui discréditent de plus en plus cette approche dommageable pour l’économie et l’emploi selon eux tout en accentuant les inégalités.
Si nous pouvons nous réjouir de ce réveil et des promesses d’un automne chaud même si le printemps est demeuré plutôt tiède, il nous faut cependant constater que pour le moment la mobilisation citoyenne demeure très dispersée, parfois même corporatiste et bureaucratique tellement chacun est concentré sur ses intérêts propres. L’unité est encore bien faible même si c’est la seule façon d’établir un véritable rapport de forces et éventuellement de gagner. Un autre obstacle est peut-être que ce, ou plutôt ces mouvements, n’ont pas d’assises politique et idéologique bien campées à gauche et qu’ils sont traversés par différents courants d’opinion surtout au sein des syndicats. Un courant plus conservateur y est sans doute présent influencé par le fort vent de droite porté pour nos gouvernements, une bonne partie de notre élite et dans les médias, d’où la difficulté à s’unir. Sur le plan politique un parti comme Québec Solidaire qui devrait canaliser à gauche le mécontentement n’arrive pas à le faire, lui-même concentré sur ses priorités et la finalisation de son programme. Un question qui se pose est comment réunir toutes ces luttes pour en faire dès la rentrée un mouvement unitaire et puissant tout en demeurant ouvert aux divergences, qui amenant un contre discours articulé et occupant l’avant scène pourra rivaliser de façon plus efficace avec le discours gouvernemental dominant qu’il vienne de Québec ou d’Ottawa ?
Nous avons également vu au cours des derniers mois la question de l’indépendance du Québec refaire surface à l’occasion de la course à la chefferie du Parti Québécois et de l’élection de Pierre-Karl Péladeau à la tête du parti et plus récemment avec le décès de Jacques Parizeau. D’ors et déjà nous pouvons prédire que l’élection de 2018 portera en totalité ou en partie sur l’indépendance et nous ne voyons pas pour le moment comment se grefferont à l’enjeu identitaire les enjeux environnementaux, pacifiste, sociaux et économiques.
Est-ce que comme les plus vieux d’entre nous l’avons connu au cours des années 60 et 70 il y aura de nouveau une jonction entre l’enjeu de l’indépendance et les autres enjeux qui entraînera la naissance d’un fort mouvement populaire indépendantiste et progressiste ou nous sommes maintenant dans une autre époque et une autre réalité qui rend la chose impossible ? Est-ce que le projet de pays et la formulation d’un projet de société pour le nouveau pays à naître pourrait jouer ce rôle et est-ce que ce projet de pays s’il est basé sur la paix, le respect de l’environnement, l’égalité hommes/femmes, le vivre ensemble et la justice sociale pourrait susciter l’adhésion d’un majorité de la population ?
Nous avons l’été pour reprendre notre souffle et se clarifier les idées en parlant avec nos concitoyens et concitoyennes de partout au Québec et pourquoi pas aussi avec les gens d’ailleurs dans le monde qui sont souvent confrontés aux mêmes questionnements que nous.
Yves Chartrand