Dans les Länder où le SPD représente encore le monde ouvrier, comme en Rhénanie – Westphalie du Nord (NRW), les adhérents du SPD ne comprennent plus leurs patrons. Et c’est surtout l’annonce d’Andrea Nahles de vouloir ouvrir le parti à de futures coopérations avec « Die Linke » qui irrite. Car actuellement, une telle coalition SPD-Die Linke-Verts disposerait d’une majorité au Bundestag et pourrait tout simplement prendre le pouvoir. Mais la direction du SPD a décidé de laisser passer cette chance – et les membres du SPD ne comprennent pas pourquoi le parti annonce cette ouverture pour un avenir incertain, tandis que la mathématique voudrait que cette coalition de la gauche se fasse maintenant où elle est possible.
Depuis bientôt deux mois, CDU/CSU et SPD négocient. Et les négotiations pourront encore durer, puisqu’il y a discorde entre les deux groupes concernant bon nombre de dossiers. Et pendant que les émissaires des deux partis négocient, se disputent et se font la bise devant les caméras, les membres du SPD se posent la question pourquoi ils ont voté pour le plus grand parti populaire de la gauche si celui-ci n’ose pas prendre le pouvoir. A quoi bon voter pour le SPD si le SPD n’a qu’un souci – aider la CDU et Angela Merkel à faire un troisième mandat ?
Le SPD se trouve désormais dans une situation très inconfortable. Avec le deuxième plus mausvais résultat de son histoire d’après-guerre, le SPD ne sait plus dans quelle direction regarder. Et bizarrement, ce n’est pas la possibilité de diriger le pays (SPD, Die Linke et les Verts totalisent 320 sièges au Bundestag contre 311 de la CDU/CSU), mais la personne d’Angela Merkel qui semble rassurer les socio-démocrates. Le SPD est en train de commettre une erreur historique – au lieu de former un gouvernement de la gauche pour mener une politique plus sociale, il soutient le gouvernement d’Angela Merkel. Pour une poignée de fauteuils de ministres.
Soutenir la CDU et Angela Merkel au lieu de former un gouvernement de gauche, cela pourra coûter très cher au SPD. Le parti est en train de bouger doucement du centre-gauche vers le centre-droite, laissant ainsi la place à gauche à « Die Linke » qui elle, a de beaux jours devant elle. Car « Die Linke » est le seul parti à ne pas avoir cherché à câliner avec la chancelière. Les Verts étaient les premiers à chercher une coopération avec Angela Merkel, suivis maintenant par le SPD. Reste donc un seul parti de la gauche, « Die Linke », qui risque de récupérer pas mal de votes de la part des électeurs du SPD et des Verts frustrés d’avoir voté pour Angela Merkel en votant pour le SPD ou les Verts.
Les adhérents du SPD auront un choix très démocatique et très difficile à faire début décembre lorsqu’ils voteront sur la proposition d’une Grande Coalition. En rejetant la proposition, ils maintiendraient un profil « de gauche » pour le SPD, tout en l’éloignant du pouvoir et ce, pour longtemps. En acceptant la Grande Coalition, le SPD pourra encore une fois passer le temps d’une mandature au pouvoir avant de se voir présenter la facture lors des prochaines échéances électorales.
Et une personne regarde tout cela avec un grand sourire – Angela Merkel qui observe tranquillement comment ses adversaires politiques s’auto-déchirent. Drôle de pays qui a confié une sorte de pouvoir absolu à une femme qui se distingue depuis des années par une inertie inexpliquable, par un manque de visions et de programme. Mais c’est peut être justement ce côté là qui rassure les Allemands. Lorsque la gauche gagne les élections et laisse le pouvoir à la droite, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Le réveil sera très dur pour le SPD...