De plus en plus de migrants et de réfugiés dans le monde : un phénomène que marque la Journée mondiale des réfugiés, le 20 juin. C’est aussi pour marquer cette préoccupation croissante que Reporterre s’est associé au Festival de cinéma des foyers, par solidarité avec les migrants qui doivent quitter leur pays. Ce soir, le film Hamou Béya, pêcheurs de sable, montre comment un environnement changeant oblige à changer de vie. Nous avons aussi rencontré Christel Cournil, professeur à l’Université Paris 13. Elle a corédigé le livre Les migrations environnementales, avec Benoît Mayer, paru en 2014 aux Presses de SciencesPo.
Reporterre - Le terme de « réfugié climatique », très utilisé dans les médias, est aujourd’hui critiqué. Pourquoi ?
Christel Cournil - Le mot de « réfugié » implique que la personne ait franchi une frontière. Or la plupart des migrants environnementaux sont des déplacés internes. Ils partent de leur village pour une ville voisine ou une région proche. Le terme entretient donc une confusion. Pour ceux qui défendent le terme de « réfugié », il s’agit surtout de demander un statut protecteur et des droits pour les migrants. De même, l’adjectif « climatique » est réducteur, car il n’inclut que certaines causes : augmentation du niveau de la mer, stress hydrique ou accident climatique extrême. Or la crise écologique provoque aussi la dégradation des sols ou la déforestation, qui peuvent aussi pousser les gens à partir.
Qui sont aujourd’hui les migrants environnementaux ?
L’environnement a toujours eu une influence sur les comportements migratoires, mais aujourd’hui, le phénomène prend une ampleur sans précédent. On estime qu’il y aura en 2050 entre 150 et 300 millions de migrants environnementaux. C’est un défi majeur du XXIe siècle. Pour la plupart, ces personnes vivent dans des pays pauvres, comme le Bangladesh, l’Inde, ou en Afrique. Cela pose un problème de justice climatique. Car le réchauffement global est principalement le fait des pays riches. C’est une question de responsabilité. Il faut un système de péréquation pour que les pays industrialisés viennent en aide, financièrement, aux populations vulnérables des pays du Sud.
Que faut-il faire ?
Il faut créer une protection, soit en s’appuyant sur les textes existants, comme la Convention de Genève, soit en rédigeant une nouvelle convention internationale sur les migrations environnementales. Rendre possible le regroupement familial, mettre en place des aides.... mais tout dépendra du volontarisme des États, très crispés sur les questions migratoires.
Offrir la même protection aux migrants environnementaux qu’aux réfugiés politiques est sans doute utopique. Par contre, on peut imaginer plus de coopération régionale, en Asie du Sud-Est par exemple, pour organiser l’accueil dans les nouvelles villes. Une autre piste, c’est la prévention : on peut aujourd’hui savoir quelles seront les futures zones touchées par le changement climatique. Il faut anticiper, accompagner les déplacements : on peut d’ores et déjà réfléchir à relocaliser les populations insulaires.
Est-ce que les choses bougent d’après vous ?
D’un côté, la thématique est entrée à l’agenda international. Grâce aux ONG, aux chercheurs, les conférences environnementales abordent la question. Mais il n’y a toujours pas d’autorité clairement désignée pour se charger de cette mission : le HCR (Haut commissariat aux réfugiés) n’en a pas les moyens.
La conférence sur le climat à Paris en 2015 va être déterminante. Soit on avance sur la question de l’adaptation au changement climatique, sur les montants alloués aux pertes et préjudices, soit les négociations échouent, et alors ça va être compliqué. Les migrations environnementales requièrent une coopération et une collaboration relativement inédites.
Propos recueillis par Lorène Lavocat
Infos sur le livre : http://www.pressesdesciencespo.fr/livre/?GCOI=27246100080620