À quoi peut-on s’attendre du pape François lors de son séjour au Canada ? Sans doute l’expression, encore une fois, d’une honte profonde accompagnée d’une écoute sincère et empathique et d’un engagement de tout faire afin que…
Tout faire ? Permettez-moi d’en douter.
Certes, il faut se réjouir de l’attitude progressiste du pape François en termes de justice sociale, œcuménisme, environnement, et respect des peuples autochtones ainsi que du courage qu’il démontre lorsqu’il énumère publiquement les nombreux péchés et faiblesses de la bureaucratie du Vatican. Cependant, il faut déplorer le fait que les mesures qu’il adopte jusqu’à maintenant pour venir à bout de la crise des abus sexuels se limitent à augmenter discipline, transparence et redevabilité. Sa racine la plus profonde - une théologie cléricaliste et patriarcale où la chasteté est perçue comme une vocation menant à une vie spirituelle plus intense - il la laisse, à toutes fins pratiques, intacte.
Encore en 2022, seuls les hommes peuvent aspirer au sacerdoce, et ceux-ci doivent, au nom d’un plus grand dévouement à l’Église et sa mission, renoncer à toute vie sexuelle. En plus, ces hommes sont perçus comme détenant un pouvoir spirituel que ne possèdent aucun autre être humain.
Tu exagères, me disent de nombreux Catholiques progressistes qui admirent énormément François. Le pape n’est pas du tout cléricaliste. Depuis le début de sa papauté il s’en prend même constamment au cléricalisme. Il mène une lutte acharnée afin que le clergé cesse de se percevoir comme étant supérieur à tout le monde et veut que celui-ci s’en tienne aux valeurs évangéliques fondamentales que sont l’amour et la compassion !
D’ailleurs, regarde tous les ennemis qu’il s’est fait au Vatican et dans l’aile conservatrice de l’Église, surtout aux Etats-Unis, à cause de ses nombreuses prises de position progressistes, poursuivent-ils.
Le 16 juin dernier, Louis Cornellier publie un article très louangeur dans la revue Présence intitulé « François, mon pape ». Et dans le numéro printemps 2022 de Relations intitulé « Violences sexuelles : faire corps contre le pouvoir », Frédéric Barriault affirme que le pape François « critique vigoureusement le cléricalisme qu’il juge être l’une des principales causes des abus spirituels, des abus sexuels, et des abus de pouvoir qui paralysent et décrédibilisent l’Église ».
On peut facilement comprendre que ceux qui s’inquiètent de la montée des forces conservatrices dans l’Église s’identifient au pape François et voient en lui une grande source d’espoir. Cependant, on peut se demander pourquoi ces mêmes personnes passent toujours sous silence le fait que François, le grand pape anticlericaliste, approuve formellement, le 21 juin 2019, un document du Vatican qui représente le fondement théologique on ne peut plus clair du cléricalisme ! Ce document stipule qu’au moment de la consécration et de la confession, le prêtre agit ‘non ut homo, sed ut Deus — non en tant qu’homme, mais en tant que Dieu’, ce qui place carrément le prêtre dans une élite à part, connectée, de façon tout à fait spéciale, à Dieu.
Rappelons qu’en octobre 2019, les 185 évêques présents à Rome pour le Synode sur l’Amazonie approuvent aux deux tiers l’ordination sacerdotale d’hommes mariés autochtones jouissant d’une bonne réputation dans leur communauté ainsi que l’ordination au diaconat de femmes autochtones. Cependant, dans Querida Amazonia, le pape François refuse de donner suite à ces deux recommandations, alléguant qu’il ne sent pas « que l’Esprit Saint va présentement dans cette direction ». Il exhorte tout de même les fidèles à prier pour qu’il y ait davantage de vocations sacerdotales, et rappelle à tous que seul le prêtre est qualifié « pour présider à l’Eucharistie » qui représente « sa fonction particulière, principale, et non-délégable ».
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