C’est aussi la formule qui s’est imposée à moi pour résumer le très beau film Nous sommes Gold d’Éric Morin avec comme trio vedette Mona Chokri, Emmanuel Schwartz et Patrick Hivon. En effet, ce film relativement lent dans lequel on ne s’ennuie pas une seconde illustre la tension entre la volonté d’affranchissement et le besoin essentiel d’appartenance à quelque chose de plus grand : une famille, une communauté, un groupe, une société.
Dans une atmosphère intense, rythmée par le son rock caverneux de Philippe B. (tous les commentateurs font avec raison référence à Nick Cave), les personnages évoluent comme ils peuvent pendant que nous découvrons leurs drames personnels, ce qui les unit et les désunit.
À partir d’ici, je recommande aux lectrices·lecteurs qui croient que le but d’un film ou d’un récit est de faire connaître une histoire d’arrêter leur lecture et de programmer ce film pour l’une de leur prochaine sortie, car il en vaut la peine.
Les autres, qui croient comme moi qu’un long métrage ou un roman vaut par sa manière et non pour le prétendu punch (il faudra d’ailleurs que j’écrive un billet sur le sujet), peuvent me suivre pour le reste du commentaire.
Marianne (rôle de Monia Choukri), membre d’un groupe rock vedette en Allemagne, revient faire un séjour à Rouyn-Noranda dix ans après une catastrophe, qui a coûté la vie à ses deux parents et à nombre de mineurs. On s’apprête justement à commémorer ce terrible événement et à dévoiler un mémorial. Elle retrouve, outre sa sœur mère et mariée, son jeune frère et les deux hommes avec qui elle faisait partie d’un groupe appelé Gold.
L’un, Kevin Laplante, est le seul survivant de l’effondrement de la mine. Il a des problèmes psychologiques et mène une vie instable. L’autre, Christopher, est professeur au secondaire et compose des chansons pour son band.
Tout le monde finit par se rattacher à un collectif. Marianne se rebricole une famille avec sa sœur et ramène symboliquement ses parents, dont on n’a jamais retrouvé les corps, en prenant de la terre extraite de la mine pour en remplir une « urne » d’occasion. Elle songe aussi à réparer les pots cassés avec les membres de son groupe allemand, dont les liens s’effilochent.
Christopher fait des efforts pour s’entendre avec sa famille, tente de faire vivre son groupe de musique, mais surtout essaie de transmettre du sens à ses élèves en voulant leur faire comprendre que tou·te·s et chacun·e ont un lien quelque part avec l’Histoire.
Les membres de la communauté, par les activités de commémoration, cherchent aussi à se rassembler pour créer un lien qui transcendera la catastrophe.
Finalement, Kevin vole de l’or et fonde de petits lingots numérotés du matricule de chaque camarade disparu pour les restituer au sol de la mine d’où ce minerai provient. Dans un geste ultime, il rejoint ses camarades estimant que sa place est avec eux, incapable d’appartenir à ce monde autre, celui des endeuillés, dans lequel on ne lui a pas vraiment fait de place.
Chacun·e passe du « je suis » mineur, travailleuse, mère, musicienne, professeur au « nous sommes » Gold. L’or de la terre n’est rien sans l’or de la société.
LAGACÉ, Francis
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