« Le mouvement environnemental a échoué, dit l’ex-commissaire au développement durable québécois et « ex-environnementaliste », Harvey Mead. Plus de 40 ans après le premier rapport du Club de Rome sur les limites de la croissance, on n’est toujours pas parvenu à convaincre les populations et leurs dirigeants de changer de paradigme économique. Il est désormais trop tard pour espérer entreprendre un virage en douceur vers le développement durable et éviter la collision avec la réalité. »
Les ravages de l’austérité
En faisant abstraction des limites écologiques que doit prendre en compte tout système économique, il est clair que la perspective néo-keynésienne devient particulièrement pertinente dans le contexte des mesures d’austérité qui frappent différents peuples dans le monde. Des experts du FMI et des économistes éclairés comme Joseph Stiglitz reconnaissent que l’austérité sous-estime l’effet multiplicateur en contexte de crise, celle-ci aggravant non seulement les inégalités sociales, mais retardant du même coup la reprise économique. Un simple cours de macro-économie montre que la stabilisation du cycle économique doit se faire par un équilibre budgétaire étendu dans le temps, et non par un déficit zéro court-termiste comprimant les dépenses publiques en cas de stagnation ou de récession.
Au contraire, l’augmentation des dépenses publiques doit avoir lieu précisément lorsque l’économie ralentit, afin de compenser la crise et relancer la croissance, l’État devant ensuite se retirer progressivement en laissant le marché prendre le relais. C’est pourquoi la cure d’austérité imposée par le Parti québécois ne donne qu’une apparence de gestion rigoureuse des deniers publics, alors que la réalité induite par cette vision néolibérale génère des effets contre-productifs : la croissance n’est pas au rendez-vous, et les revenus de l’État continuent de chuter. Qui plus est, la rhétorique de la croissance comme condition de la prospérité sociale préconisée par les élites économiques et politiques masque en fait une stratégie de classe ; il peut y avoir accumulation du capital sans relance économique et sans travail, via la financiarisation du capitalisme et les paradis fiscaux. Nous pouvons même aller jusqu’à dire que le néolibéralisme consiste à déployer un paradis fiscal non pas en dehors, mais à l’intérieur même de la société !
Pour revenir à la question de la social-démocratie verte, une croissance génératrice d’emplois par la modernisation écologique des industries est incontestablement supérieure à l’austérité, qui ne fait qu’accentuer la crise sociale, économique, politique et écologique. De plus, la réduction des inégalités sociales et un virage vert sérieux permettent de réduire significativement l’empreinte écologique d’un pays comme le Danemark, par opposition à la société américaine qui conjugue inégalités, stagnation et destruction de l’environnement. Paradoxalement, une croissance verte peut avoir une empreinte écologique moindre qu’une période d’austérité économique, car l’impact environnemental de l’économie n’est pas seulement fonction de la croissance des activités économiques, mais de la qualité de celles-ci. « On sait pourtant – c’est un thème cher à Joseph Stiglitz – que la belle décennie de croissance américaine entre 1998 et 2008 était selon lui un « mirage », en ce sens que 90 % des Américains ont alors connu une décennie de stagnation ou de déclin de leurs conditions de vie. Et que l’empreinte écologique et les émissions de gaz à effet de serre par habitant ont poursuivi leur folle progression alors que ce pays détient pourtant les records du monde « développé » pour ces indicateurs de destruction massive de la planète. »
L’impossible découplage
Pourtant, le meilleur Plan vert de relance économique ne peut éviter la reprise de la croissance, c’est-à-dire l’augmentation de la consommation matérielle de ressources. L’amélioration significative de l’éco-efficience, c’est-à-dire l’utilisation optimale d’énergie et de ressources naturelles par unité de produit, est malheureusement contrebalancée par l’effet rebond. Celui-ci fait en sorte que les gains d’efficience prévus par l’introduction de nouvelles technologies vertes sont compensés par l’augmentation de leur utilisation. Par exemple, la meilleure performance des véhicules hybrides ne réduit pas la pollution, car les utilisateurs profitent des économies d’argent pour faire des trajets plus longs et s’installer plus loin de leur lieu de travail. C’est pourquoi l’efficience et la productivité croissante de la modernisation industrielle n’ont pas contribué à réduire, mais à augmenter la consommation globale de ressources matérielles.
De plus, la dématérialisation rendue possible par les nouvelles technologies d’information et de communication (NTIC) n’a pas réussi à réduire de la consommation de matières premières ou d’énergie, bien au contraire. L’émergence d’une économie de l’immatériel accélère l’exploitation de ressources non renouvelables (métaux rares), consomme énormément d’énergie (sept grammes d’émission de gaz carbonique par recherche Google) et accroît l’énorme accumulation de déchets électroniques. Tout cela est aggravé par le phénomène de l’obsolescence programmée, provoquée par la forte compétitivité de ce secteur économique. Bien qu’une politique social-démocrate verte pourrait mettre un frein à la surproduction et surconsommation de marchandises électroniques, celles-ci continueraient à progresser au-delà de la capacité de charge de la biosphère.
Si on accepte la thèse qu’il n’est pas possible d’opérer le découplage matériel de l’économie, c’est-à-dire la croissance et les conséquences environnementales du développement, et qu’il n’est pas possible de substituer le capital naturel par du capital artificiel (compensation des ressources non renouvelables par un fonds des générations ou des gains de productivité), alors il faut conclure que le développement économique sous toutes ses formes est, à long terme, incompatible avec la préservation des écosystèmes. Ce raisonnement implique le rejet de l’idée de la croissance matérielle infinie, qu’elle soit basée sur un modèle économique inégalitaire (capitalisme libéral) ou égalitaire (social-démocratie, socialisme).
« Actuellement, l’environnement et l’économie sont fondamentalement irréconciliables. » [Harvey Mead] juge tout aussi sévèrement tous ces environnementalistes qui affirment qu’une poursuite de la croissance économique est possible si l’on entreprend une révolution industrielle verte qui s’appuierait, entre autres, sur les sources d’énergie renouvelables et sur des procédés de production tenant compte du cycle de vie des biens. « Il est trop tard pour cela. On n’a plus le temps », croit-il. »
Gagner du temps pour la transition écologique
Si l’austérité est intolérable et la croissance verte reste non viable à long terme, sommes-nous condamnés à la fatalité de l’effondrement du système économique mondial ? Si les États n’ont presque aucune chance d’opérer un changement de cap prochainement, devons-nous nous résigner à « sauver les meubles », construire des abris et nous replier dans un survivalisme généralisé ? Bien sûr que non ! L’important est de donner un sens au virage vert, c’est-à-dire le considérer comme une transition orientée vers un autre type de société qu’il s’agit de construire. L’important est de concevoir le Plan vert comme un tremplin, « un programme de transition visant à définir les bases d’une nouvelle société post-capitaliste », pour reprendre les mots d’Andrés Fontecilla.
En fait, ce grand plan de modernisation écologique de l’économie provoquera inéluctablement la croissance du PIB, de sorte qu’il ne peut pas représenter une solution définitive à la crise environnementale. Le mur écologique, situé autour de 2025-2030 selon les prédictions du Club de Rome (dont les données ont été corroborées depuis les quarante dernières années), représente l’horizon temporel du Plan vert. Nous devrons ainsi entreprendre une véritable transition civilisationnelle d’ici les quinze prochaines années ! La restructuration des villes, des transports, des infrastructures alimentaires, énergétiques et industrielles permettra de nous préparer à la descente énergétique, afin qu’elle soit juste et démocratiquement planifiée.
Il n’est donc pas question de relancer l’économie en augmentant le pouvoir d’achat afin de consommer de nouvelles marchandises vertes ; il s’agit avant tout de gagner du temps, de libérer de nouvelles initiatives personnelles et collectives, des coopératives et d’autres inventions qui renforceront la résilience locale et nationale. C’est pourquoi il est essentiel de sortir du paradigme de la social-démocratie verte et de prendre la transition écologique vers une société postcapitaliste comme le véritable objectif de ce projet. Comme le dit André Gorz : « il est temps de penser à l’envers : de définir les changements à réaliser en partant du but ultime à atteindre et non les buts en partant des moyens disponibles, des replâtrages immédiatement réalisables. »
Réforme sociale ou révolution ?
Définir l’orientation du Plan vert à partir du but ultime, c’est-à-dire le dépassement du capitalisme, présuppose une critique du réformisme. Les réformes proposées par Québec solidaire ne s’opposent pas à la révolution sociale, mais doivent être conçues comme les moyens d’une lutte politique visant le renversement de l’ordre établi. « Pour la social-démocratie, lutter à l’intérieur même du système existant, jour après jour, pour les réformes, pour l’amélioration de la situation des travailleurs, pour des institutions démocratiques, c’est la seule manière d’engager la lutte de classe prolétarienne et de s’orienter vers le but final, c’est-à-dire de travailler à conquérir le pouvoir politique et à abolir le système du salaire. Entre la réforme sociale et la révolution, la social-démocratie voit un lien indissoluble : la lutte pour la réforme étant le moyen, et la révolution sociale le but. »
http://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1898/r_ou_r0.html
Cette interprétation luxemburgiste de la social-démocratie se rapproche davantage du marxisme révolutionnaire et de l’écosocialisme que des partis réformistes qui ont fleuri au XXe siècle sous l’influence de la pratique opportuniste et de la pensée d’Eduard Bernstein. « Sa théorie tout entière tend pratiquement à une seule chose : à nous faire abandonner le but final de la social-démocratie, la révolution sociale, et à faire inversement de la réforme sociale, simple moyen de la lutte de classe, son but ultime. Bernstein lui-même a formulé ses opinions de la façon la plus nette et la plus caractéristique, écrivant : » Le but final, quel qu’il soit, n’est rien, le mouvement est tout « . »
Malgré la critique théorique foudroyante de Luxemburg, le réformisme a continué de rayonner dans la majorité des partis de gauche jusqu’à aujourd’hui. D’après Pierre Rosanvallon dans La société des égaux (2012), « Bernstein perdra la bataille idéologique dans les congrès de la social-démocratie. Mais il triomphera dans les faits, les partis socialistes se fixant à partir de ce début du XXe siècle des objectifs réformateurs pratiques. » C’est pourquoi il est essentiel de rappeler certains éléments clés de cette critique, notamment les limites de l’économie coopérative et du syndicalisme.
Les limites du coopérativisme
Tout d’abord, le Plan vert cherche à développer le domaine de l’économie sociale et solidaire par le biais des entreprises collectives comme les coopératives. Malheureusement, celles-ci demeurent des entreprises démocratiques dominées par des échanges marchands, c’est-à-dire des unités de production situées dans une économie de marché. Les coopératives doivent intérioriser les normes capitalistes de rendement et de compétitivité afin d’assurer leur survie. « Pratiquement, cela se traduit par la nécessité d’intensifier le travail, d’en raccourcir ou d’en prolonger la durée selon la conjoncture, d’embaucher ou de licencier la force de travail selon les besoins du marché, en un mot de pratiquer toutes méthodes bien connues qui permettent à une entreprise capitaliste de soutenir la concurrence des autres entreprises. D’où, pour la coopérative de production, la nécessité, contradictoire pour les ouvriers, de se gouverner eux-mêmes avec toute l’autorité absolue nécessaire et de jouer vis-à-vis d’eux-mêmes le rôle d’entrepreneurs capitalistes. »
http://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1898/r_ou_r2_2.html
Pour surmonter cette contradiction entre le mode de production démocratique et le mode d’échange capitaliste, la coopérative doit se soustraire artificiellement à la concurrence en créant son propre marché, par le biais d’un réseau de consommateurs. D’où l’importance des coopératives de consommation et de solidarité, généralement plus durables que les simples coopératives de travailleurs. « On constate donc que l’existence des coopératives de production est liée actuellement à l’existence des coopératives de consommation ; il en résulte que les coopératives de production doivent se contenter, dans le meilleur des cas, de petits débouchés locaux et qu’elles se limitent à quelques produits de première nécessité, de préférence aux produits alimentaires. Toutes les branches les plus importantes de la production capitaliste : l’industrie textile, minière, métallurgique, pétrolifère, ainsi que l’industrie de construction de machines, des locomotives et des navires sont exclues d’avance de la coopérative de consommation et, par conséquent, des coopératives de production. »
Un contre-exemple important à ce diagnostic est celui de la Corporation Mondragon au Pays basque, gigantesque système coopératif qui regroupe 256 entreprises dans quatre secteurs : finance, industrie, distribution, recherche et développement. Né des idées mutualistes et autogestionnaires du jeune vicaire de paroisse José María Arizmendiarrieta en 1956, Mondragon représente aujourd’hui le plus grand groupe industriel basque (environ 100 000 employé-es). Bien que ce modèle soit vanté partout dans le monde par les adeptes de l’économie sociale, il demeure néanmoins difficilement exportable. La raison de ce succès local est probablement le développement d’un système intercoopératif très sophistiqué à l’intérieur d’un contexte social particulier, tout comme l’exemple du budget participatif de Porto Alegre qui fut le résultat de conjonctures exceptionnelles. D’où les tentatives généralement infructueuses et caricaturales d’imitation de ce modèle ailleurs dans le monde.
La perspective de Rosa Luxemburg demeure valide en ce qui concerne le développement des coopératives à l’intérieur d’une économie capitaliste. L’économie sociale fleurit déjà à l’intérieur du système actuel. Elle constitue la béquille du mode de production dominant, au même titre que l’économie domestique qui assure la reproduction sociale. S’il faut cesser de voir les coopératives et le milieu communautaire comme la roue de secours permettant d’assurer la cohésion sociale, c’est d’abord en reconnaissant que ce domaine est actuellement subordonné à l’économie de marché. L’économie sociale plafonne, tout comme le marché du biologique et du commerce équitable, qui ne font pas le poids devant la domination des firmes multinationales. « De ce fait, la réforme socialiste basée sur le système des coopératives abandonne la lutte contre le capital de production, c’est-à-dire contre la branche maîtresse de l’économie capitaliste, et se contente de diriger ses coups contre un capital commercial, et plus exactement le petit et le moyen capital commercial ; elle ne s’attaque plus qu’aux branches secondaires du tronc capitaliste. »
La faiblesse congénitale du syndicalisme
Nul ne peut nier la faiblesse actuelle du mouvement syndical. Celle-ci peut être expliquée par la férocité de la restructuration économique postfordiste, les nombreuses lois anti-syndicales imposées par les gouvernements des années 1980 à aujourd’hui, l’idéologie néolibérale et libertarienne, puis le retrait progressif du syndicalisme de combat au profit d’un concertationnisme entre l’État, les centrales syndicales et le patronat. Néanmoins, ces explications historiques et contingentes n’éclairent pas la raison fondamentale pour laquelle le syndicalisme, même vigoureux, n’a pas la capacité de renverser, par lui-même, le capitalisme.
« Les syndicats servent le prolétariat en utilisant dans leur propre intérêt, à chaque instant, ces conjonctures du marché. Mais ces conjonctures elles-mêmes, c’est-à-dire d’une part la demande de force de travail déterminée par l’état de la production, et d’autre part l’offre de force de travail créée par la prolétarisation des classes moyennes et la reproduction naturelle de la classe ouvrière, enfin le degré de productivité du travail sont situées en dehors de la sphère d’influence des syndicats. Aussi ces éléments ne peuvent-ils pas supprimer la loi des salaires. Ils peuvent, dans le meilleur des cas, maintenir l’exploitation capitaliste à l’intérieur des limites « normales » dictées à chaque instant par la conjoncture, mais ils sont absolument hors d’état de supprimer l’exploitation elle-même, même progressivement. »
http://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1898/r_ou_r1_3.html
En d’autres termes, si les syndicats ont un rôle essentiel à jouer dans l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière, il est contre-intuitif pour eux de lutter pour la réduction du temps de travail, pour le revenu minimum garanti, et a fortiori pour l’abolition du salariat. De plus, une transition écologique qui impliquerait la fermeture de centrales nucléaires, de raffineries, d’usines d’automobiles, d’industries minières et d’autres secteurs nuisibles pour l’environnement, ne manquerait de susciter de vives réactions chez les travailleurs et syndicats affectés par ces mesures. Cela ne représente pas une situation insoluble, mais manifeste la nécessité de conscientiser le mouvement ouvrier et de proposer des mesures sociales et économiques permettant la reconversion écologique et systématique des emplois sales en emplois verts. Des syndicats pourraient lutter en ce sens, et plusieurs le réclament déjà à travers la notion de « transition juste ». Il n’en demeure pas moins que ceux-ci luttent avant tout pour des emplois, et non pour l’abolition du capitalisme.
Entre production et répartition
La question centrale est de savoir si le but ultime du Plan vert consiste à améliorer la manière dont la richesse est répartie entre les différents secteurs de la société, ou plutôt à transformer le mode de production économique lui-même. Le premier objectif renvoie à la question de la redistribution, comme la fiscalité progressive (redevances), la sécurité sociale (revenu minimum garanti), les services publics et la régulation du capitalisme par des incitatifs économiques (chantier d’efficacité énergétique), tandis que le second objectif s’attaque aux relations de production comme les rapports de propriété, la démocratisation de la planification économique, etc. Vraisemblablement, le second objectif n’apparaît pas dans le Plan vert mais dans le programme de Québec solidaire qui vise, à long terme, la socialisation de l’économie. Malheureusement, les coopératives, le mouvement syndical et les réformes sociales sont incapables, en eux-mêmes, de transformer le mode de production capitaliste.
« Bernstein en a lui-même une conscience plus ou moins claire ; il ne les regarde que comme des moyens de réduire le profit capitaliste et d’enrichir les ouvriers, ce qui revient à renoncer à lutter contre le mode de production capitaliste ; il oriente le mouvement socialiste vers la lutte contre le mode de répartition capitaliste. […] Il est vrai que l’aiguillon qui pousse d’abord vers le mouvement socialiste les masses populaires, c’est le mode de répartition « injuste » du régime capitaliste. En luttant pour la socialisation de toute l’économie, la social-démocratie témoigne en même temps de son aspiration naturelle à une répartition « juste » de la richesse sociale. Mais nous avons appris, grâce à Marx, que le mode de répartition d’une époque déterminée n’est que la conséquence naturelle du mode de production de cette époque : en conséquence, la social-démocratie intensifie sa lutte non pas contre le système de la répartition dans le cadre de la production capitaliste, elle vise à supprimer la production marchande capitaliste elle-même. En un mot, la social-démocratie veut établir un mode de répartition socialiste en supprimant le mode de production capitaliste, tandis que la méthode bernsteinienne consiste à l’inverse à combattre le mode de répartition capitaliste dans l’espoir d’arriver à établir progressivement par ce moyen même, un mode de production socialiste. »
http://www.marxists.org/francais/luxembur/works/1898/r_ou_r2_2.html
Luxemburg ne croit pas qu’il soit possible de socialiser complètement l’économie par une série de réformes successives luttant contre le mode de répartition capitaliste. De plus, il serait faux de croire qu’une réforme représente une sorte de « révolution diluée dans le temps, et la révolution comme une réforme condensée. Une révolution sociale et une réforme légale ne sont pas des éléments distincts par leur durée, mais par leur contenu ; tout le secret des révolutions historiques, de la prise du pouvoir politique, est précisément dans le passage de simples modifications quantitatives en une qualité nouvelle ou, pour parler concrètement, dans le passage d’une période historique d’une forme de société donnée à une autre. Quiconque se prononce en faveur de la réforme légale, au lieu et à l’encontre de la conquête du pouvoir politique et de la révolution sociale, ne choisit pas en réalité une voie plus paisible, plus sûre et plus lente conduisant au même but ; il a en vue un but différent : au lieu de l’instauration d’une société nouvelle, il se contente de modifications superficielles apportées à l’ancienne société. Ainsi les thèses politiques du révisionnisme conduisent-elles à la même conclusion que ses théories économiques. Elles ne visent pas, au fond, à réaliser l’ordre socialiste, mais à réformer l’ordre capitaliste, elles ne cherchent pas à abolir le système du salariat, mais à doser ou à atténuer l’exploitation, en un mot elles veulent supprimer les abus du capitalisme et non le capitalisme lui-même. »
Si nous voulons affronter sérieusement les défis de la crise sociale, politique, économique et environnementale actuelle, nous devons prendre au sérieux la sortie de la croissance et le dépassement du système qui nous propulse tout droit vers le mur écologique. C’est pourquoi une véritable transition ne peut être le fruit que d’une synthèse entre l’écologie anti-capitaliste et la gauche anti-productiviste. Un Plan vert qui ne remet pas en question les bases du capitalisme reste limité à l’approche honorable mais vaine de la social-démocratie verte. L’émancipation sociale contenue en germe dans la transition écologique ne peut être déployée qu’à travers un projet global et radical, comme une chair rouge sucrée enveloppée dans un manteau vert : l’écosocialisme.