Édition du 17 décembre 2024

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Économie

Le commerce mondialisé victime d’une thrombose

Le système circulatoire qui irrigue le moteur du capitalisme planétaire a une artère bouchée à force d’avoir les yeux plus gros que le ventre. Le canal de Suez a du mal à digérer un gros caillot, un navire ventripotent sensible à la brise du désert. Il aura suffi d’un minuscule virus ou d’une petite rafale de vent pour gripper la machine infernale du commerce mondialisé.

Tiré du blogue de l’auteur.
ancien journaliste et paysan, anarco-écolo-humaniste, donc militant des causes afférentes mais encarté dans aucun parti politique.

Ce n’est pas encore l’infarctus fatal mais le système circulatoire du commerce mondialisé de tout, et surtout n’importe quoi, vient de subir encore une sérieuse alerte, une thrombose dans l’une de ses plus grosses artères, et rien à voir avec le vaccin AstraZeneca. Et les conséquences sont tout de suite astronomiques : ce sont près de quatre cents navires bloqués (dont certains avec des milliers d’animaux vivants, du moins pour l’instant) , des dizaines de milliards de dollars immobilisés (huit milliards par jour de blocage) et des sueurs froides pour les capitalistes du transport maritimes. Les traders du pétrole se sont un temps affolés faisant bondir les cours.

Lorsqu’un malade entre à l’hôpital avec un tel diagnostic, on en recherche tout de suite les causes. Pour le commerce mondial, il est clair qu’à force de se goinfrer de babioles et colifichets fabriqués par notamment des esclaves Ouïghours, l’Occident consommateur a mis le transport maritime et ses multinationales en surchauffe. C’est par lui que transitent 90 % du commerce. Ce sont, en temps normal, plus de 50 000 navires qui sillonnent chaque jour les océans et, au passage, polluent en nettoyant leurs cuves, transportent des espèces invasives dans leurs ballasts à travers la planète, perturbent les cétacés dans leurs communications, sans compter les milliers de conteneurs perdus en mer tous les ans lors de chaque tempête. Et, pour rentabiliser les déplacements, les sociétés de fret ont versé dans le gigantisme en se dotant de monstres flottants à l’image de l’Ever Given : 400m de long, 220 000 tonnes et plus de 18 000 conteneurs. Des navires exigeant de nouvelles infrastructures à leurs mesures et frôlant les limites des plus anciennes.

Bref, le transport maritime a eu un problème de transit dans le canal de Suez, mais ce n’est pas le seul. Les Occidentaux continuant de compter leurs morts et étant au régime confiné depuis un an, les transporteurs, qui n’ont pas le temps d’attendre les bénéfices, ont déplacé navires et conteneurs vers l’Asie et surtout la Chine qui a remis très tôt le pied sur l’accélérateur de la croissance. Résultat, les usines européennes, qui peinent déjà à produire et à exporter, ne trouvent plus de conteneurs et voient les coûts de transport s’envoler devant la rareté des navires. L’occlusion guette l’économie européenne (enfin surtout allemande). Dans l’autre sens, il y a aussi asphyxie avec une pénurie de matières premières et composants venant d’Asie pour fabriquer. L’économie mondialisée et libérale est décidément dans un état clinique inquiétant après l’arrêt respiratoire de la flotte aérienne, les AVC des chaînes de montage de bagnoles, l’état de stase du tourisme de masse… Un diagnostic d’instabilité qui fait palpiter d’inquiétude les portefeuilles des gros bonnets du capitalisme mondialisé.

Presque rigolards fin 2019 face à l’apparition d’un minuscule-virus-coupable-de-grippette-qu’on-n’a-même-pas-besoin-de-masque, gouvernements et grands patrons ont été dans le déni au bénéfice du business-as-usual, « quel qu’en soit le prix ». Macron reste obstinément dans cette ligne de déni concernant les moyens à allouer aux services de santé et clamant depuis janvier, du haut de sa tour d’ivoire, que le confinement, comme les masques, est inutile, voire néfaste, et qu’il voit les vaccins arriver à l’horizon dans la poussière qui poudroie. Comme dans les westerns à la John Ford, la cavalerie va arriver à la fin de la bataille pour compter les morts.

Yves Guillerault

Paysan et journaliste, tous les deux en retraite active
A la campagne - France
ancien journaliste et paysan, anarco-écolo-humaniste, donc militant des causes afférentes mais encarté dans aucun parti politique.

https://blogs.mediapart.fr/yves-guillerault/blog

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