Dans de récentes notes de recherche (http://www.iris-recherche.qc.ca/publications/conseildesuniversites), l’IRIS arrête son regard sur le Rapport issu du chantier sur le Conseil national des universités (CNU) déposé par Claude Corbo en juin dernier et dont le mandat était d’élaborer une proposition de structure et de mandat du futur CNU. Dans la mesure où une annonce du ministre de l’enseignement supérieur est prévue cet automne à propos des suites à donner au Rapport ainsi que de l’encadrement législatif proposé, il est important d’y faire retour et d’en proposer une analyse complète.
Alors que ce Rapport sur la mise en place du futur CNU pouvait s’avérer prometteur et donner lieu à des recommandations qui auraient pu apparaître comme des réponses adéquates face aux problématiques soulevées durant le printemps étudiant de 2012, nous faisons au contraire face à des recommandations qui appellent à une perpétuation d’une tendance déjà à l’œuvre : celle d’une soumission des universités à la concurrence internationale ainsi qu’à la gouvernance managériale.
Une soumission qui passe par l’adoption des « meilleures pratiques observables à travers le monde », véritable leitmotiv du Rapport dont on retrouve 26 fois l’occurrence. Or si le Rapport reste volontairement très flou sur la nature de ces meilleures pratiques, plusieurs points défendus assignent pourtant une orientation précise aux universités et les inscrit de plain-pied dans l’économie du savoir. On peut relever la valorisation de la présence de membres externes au détriment de membres internes au sein du Conseil, l’éloge des mécanismes externes d’évaluation de la qualité, la présentation du rôle de l’université comme devant s’adapter aux nouveaux besoins de la société et l’imposition d’objectifs d’efficience et d’efficacité à l’université. Bref, une conception calquée sur les modèles managériaux d’entreprises tels que définis par l’Institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP).
Ainsi, alors que le Conseil des universités devrait se donner pour rôle de mettre de l’avant l’importance de l’institution universitaire pour notre société en tant que création et diffusion de connaissances et de savoirs porteurs de changements sociaux et culturels (et non comme simple production d’un savoir commercialisable), le modèle préconisé de gouvernance managériale participe au contraire à l’instauration d’un rapport de non-confiance envers l’institution universitaire, cette dernière étant décrite comme incapable de poursuivre la mission qui lui est assignée, d’où le recours à l’expertise extérieure et « indépendante » pour évaluer la qualité de ses programmes.
Le premier devoir du futur CNU posé dans le Rapport est donc de concourir à l’évaluation de la qualité de l’ensemble des formations universitaires. Une évaluation externe de la qualité dont la seule justification est que « vu que cela se fait ailleurs, il faut aussi le faire ici » sans qu’il n’y ait d’interrogations sur le bienfait ou non d’une telle mission en regard de la préservation de l’autonomie et de la liberté académique ni que la comparaison soit élargie en dehors du monde anglophone.
Le premier devoir du futur CNU posé dans le Rapport est donc de concourir à l’évaluation de la qualité de l’ensemble des formations universitaires. Une évaluation externe de la qualité dont la seule justification est que « vu que cela se fait ailleurs, il faut aussi le faire ici » sans qu’il n’y ait d’interrogations sur le bienfait ou non d’une telle mission en regard de la préservation de l’autonomie et de la liberté académique ni que la comparaison soit élargie en dehors du monde anglophone.
Pourtant, il aurait été possible que le Rapport s’attarde sur d’autres propositions telles que des fonctions de coordination largement mises de l’avant par la communauté universitaire et qui pourraient prendre la forme de recommandations quant au maintien par exemple d’une offre d’enseignement diversifiée ou la création d’un comité qui se pencherait sur la délocalisation des programmes et des universités.
De la même façon, plutôt que d’endosser l’évolution nouvelle de l’université et de la société, un comité chargé de se pencher sur l’administration des universités et l’exercice de la démocratie universitaire, sur le manque de vision commune de la finalité des universités et le devenir des filières issues des humanités ou encore sur l’emprise de plus en plus forte des entreprises sur la recherche serait un outil précieux. Bref, un comité chargé de tracer un état des lieux de la situation globale des universités québécoises.
Enfin, afin de redonner à l’institution universitaire la place qui lui revient au sein de notre société, le futur Conseil gagnerait à mettre sur place un comité chargé de rappeler le rôle de l’université comme lieu de transmission de l’histoire, de la culture, de la littérature, comme lieu de la mémoire sociale. Mais aussi comme lieu porteur de nouvelles découvertes, de nouvelles créations, comme lieu de production d’un savoir émancipateur et du déploiement de nos facultés humaines. Car avant de devenir une organisation, l’université est cette institution où l’humain développe sa libre activité de pensée et son jugement sur les finalités de la société.
Source graphique : 2012 QS World University Rankings