Owen Schalk, Canadian Dimenson, 22 mars 2024
Traduction, Alexandra Cyr
Lundi le 18 mars 2024, Mme Heather McPherson, députée NPD et critique en matière d’affaires étrangères, a présenté à la Chambre des Communes, cette résolution sur la situation au Proche Orient. Elle était endossée par le chef du Parti, M. Jagmeet Singh. La proposition a été adoptée. Elle était non contraignante et appelait à ce que la politique canadienne envers la sécurisation de la paix au Proche Orient soit reconsidérée à la lumière des attaques israéliennes contre la Bande de Gaza.
La première version de cette résolution était beaucoup plus étoffée que celle mise aux voix. Mais quand même pas au niveau adéquat. Dans cette première version, on demandait à ce que le Canada se joigne aux 139 autres nations qui ont reconnu, sans équivoque, l’État de Palestine. Cela représente 72% des membres des Nations Unies. Elle demandait aussi que toutes les transactions de matériel militaire soient suspendues et que des sanctions soient prises contre les élus.es israélien.nes qui incitent au génocide.
Comme le souligne Yves Engler, le NPD aurait pu et dû inclure l’annulation du Traité de libre-échange entre les deux pays qui est en place depuis 1997 ou tout au moins restreindre les importations des produits issus de la Cisjordanie, de déclarer qu’il y aurait des enquêtes sur les Canadiens.nes qui se battent à Gaza pour savoir s’ils et elles ont commis de potentiels crimes de guerre, que les efforts de l’armée israélienne pour recruter des combattants.es au Canada sont illégaux selon la loi sur les engagements à l’étranger et réviser la définition d’antisémitisme donnée par l’Alliance pour la mémoire de l’holocauste qui est libellée pour minimiser toutes les critiques sérieuses contre Israël.
Mais, même ces additions n’auraient pas suffi à mettre fin à la participation complice du Canada à la violence israélienne contre les Palestiniens.nes.
Le retrait des articles de principes du texte d’origine a été décidé entre le NPD et les Libéraux après des discussions en aparté. Les parties se sont entendues pour que la critique du Hamas soit plus étoffée, de remplacer la référence à la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU par « la négociation d’une solution à deux États pour les Israéliens.nes et les Palestiniens.nes » et de remplacer également la suspension du commerce de matériel militaire entre les deux pays par la promesse de : « cesser les futures autorisations de transfert d’armes vers Israël ».
Fondamentalement, les Libéraux n’ont consenti à voter en faveur de la résolution qu’après qu’elle ait été épurée de ses articles les plus solides. La résolution a été adoptée par 204 voix pour et 117 contre.
Après avoir salué la version finale de la résolution comme « un petit pas vers la fin de la complicité du Canada dans la guerre génocidaire d’Israël à Gaza », Canandians for Justice and Peace in the Middle East, (CJPME) a exprimé sa déception que : « la majorité des termes de la résolution aient été dilués ou modifiés de telle manière que les fausses présentations israéliennes soient promues et que l’adhésion à l’horrible statut quo se maintienne ».
Loin de suspendre les exportations d’armes vers Israël, l’article tel qu’amandé, permet au Canada de continue à armer les forces de défense israéliennes (IDF en Anglais). Comme le rapporte The Maple, Ottawa, « ne retirera pas les permis existants d’exportation de matériel militaire vers Israël ». C’est un geste significatif considérant que selon le Ministère des affaires mondiales, il y a 315 de ces permis valides.
D’avoir retiré les permis existants de la résolution signifie que les composantes de munitions, les équipements et d’autres technologies dont les détecteurs vont encore être expédiés alors que la Cour internationale de justice a trouvé qu’il était plausible de penser qu’Israël commettait un génocide à Gaza. Le Canada lui-même doit se présenter devant ce tribunal pour complicité dans ce génocide.
Après le 7 octobre, le gouvernement Trudeau a autorisé de nouvelles exportations de matériel militaire vers Israël à hauteur de 30 millions de dollars. Comme le souligne le vice-président de CJPME, Michael Bueckert : « c’est tout comme si le Canada avait accru ses exportations d’armes au beau milieu d’une entreprise génocidaire ».
Affaires mondiales Canada assure que les équipements militaires envoyés à Israël sont non létaux. Il semble que le gouvernement fédéral fasse une distinction entre les « armes proprement dites » avec les pièces détachées qui tombent arbitrairement dans la catégorie « non létale » même si elles peuvent servir dans toute une série d’armements et de véhicules dont des avions militaires.
On a accusé les Libéraux de délibérément créer une confusion à propos de la nature des exportations d’armes vers Israël. Ils peuvent ainsi repousser les critiques faites à leur programme. La distinction entre « armes proprement dites » et armes « non létales » pour les pièces détachées en serait un exemple. La ministre des affaires étrangères, Mélanie Joly soutient aussi qu’il n’y a plus de transferts d’armes vers Israël malgré que le gouvernement honore encore les 315 permis actifs.
Est-ce qu’Ottawa va continuer à autoriser des exportations d’armes vers Israël pendant qu’on nous assure qu’il n’approuve que les pièces non létales ? Est-ce que des armes canadiennes aboutissent en Israël via des pays tiers ? L’assouplissement des termes de la résolution permet de penser que c’est possible.
Malgré son ton peu offensif, les politiciens.nes qui soutiennent Israël l’ont critiquée comme certaines aitres organisations. Dans leurs grands titres, les médias ont réagi avec enthousiasme disant que le Canada cessait de livrer des armes à Israël. Même l’élue démocrate à la Chambre des représentants des États-Unis, Mme Ilhan Omar, a salué l’adoption de cette résolution. Elle ne semble pas avoir été au courant que cela n’empêche pas d’honorer les contrats existants et que le transfert de technologie militaire « non létales » va se poursuivre.
Certains.es voient la résolution comme un petit pas important qui permettrait de modifier le statut quo envers Israël. Y. Engler note que contrairement à la position absolument favorable à Israël de l’ancien leader du NPD, Thomas Mulcair, celle de « Jagmeet Sing se montrant plus sévère envers Israël sur les réseaux sociaux, est un progrès ».
On a aussi vu la résolution comme une démonstration que les protestations publiques peuvent faire bouger les aiguilles sur d’autres politiques questionnables. Selon Y. Engler, « ce pas en avant c’est produit parce que des centaines de milliers de personnes ont envahi les rues, interpelé les politiciens.nes, écrit aux élus.es, occupé des bureaux, etc. ces derniers mois. Quelle leçon en tirer ? Que nous devons accroitre la pression contre l’establishment canadien qui donne à Israël les moyens d’opérer sa tuerie de masse à Gaza et d’y installer la famine ».
Les marchandages autour de la résolution dans les coulisses, nous indiquent que les exigences du public sont toujours à la merci de dangers de récupération ou de manipulation. CJPME note que : « des dizaines et des centaines de Canadiens.nes ont envoyé des requêtes de soutient à une certaine résolution à leurs députés.es, et voilà qu’elle n’existe plus. L’assouplissement des termes de cette résolution du NPD affaiblit la portée du vote des parlementaires. Il s’agissait d’une concession importante aux Libéraux pour permettre son adoption ».
Ce sont les événements à venir qui seront le véritable test de ce qu’elle peut signifier. Si le gouvernement adopte un embargo sur le soutient militaire à Israël, la résolution aura été un succès. Si au contraire, rien ne change, elle sera vue comme une occasion manquée de plus.
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