Journal des Alternatives (JdA) : Pourquoi avoir choisi le thème de l’extraction des ressources ?
Roger Rashi (RR) : À cause de la multiplication de protestations dans le monde contre les méfaits des minières canadiennes. Et non seulement en Afrique et en Amérique latine, mais aussi en Europe ! En Grèce, dans la région de Thessalonique, dans le nord de la Grèce, la compagnie minière canadienne Eldorado Gold s’est récemment mise à dos toute la population locale. Étant donné ces protestations qui n’en finissent pas, étant donné la protection que le gouvernement canadien offre aux minières canadiennes, nous avons décidé que cette année, il fallait absolument en parler.
JdA : Est-ce que les compagnies minières canadiennes causent souvent des problèmes ?
RR : En fait, la grande spécialité des compagnies minières canadiennes, c’est l’exploration aurifère. Et comme le prix de l’or a beaucoup augmenté depuis cinq ou six ans, elles se sont vraiment étendues à travers le monde. Elles sont très agressives, en particulier contre les populations locales. Souvent, elles corrompent les gouvernements centraux et même locaux, et elles s’adjugent d’incroyables avantages de cette façon-là.
Ce que nous avons découvert, c’est que le gouvernement canadien met de plus en plus ses services gouvernementaux à l’appui des minières canadiennes. Il est même allé jusqu’à redéfinir la mission de la coopération internationale canadienne pour faire de l’ACDI [Agence canadienne de développement international] une succursale des minières canadiennes au niveau de l’aide étrangère. Le Canada est devenu un expert dans le domaine de la division internationale du travail dans la mondialisation que l’on connaît, la mondialisation commerciale capitaliste.
JdA : Et quel lien peut-on faire avec la mission d’Alternatives ?
RR : Comme Alternatives se définit comme une organisation altermondialiste qui lutte pour la justice sociale ici et dans le monde, il nous incombe d’une certaine façon de faire connaître les luttes qui sont menées en Amérique latine, en Afrique ou en Europe contre les minières canadiennes, ainsi que d’appuyer les mouvements de solidarité qui existent ici. Parce qu’il en existe plusieurs.
Il y a l’organisation Mining Watch, très connue au Canada. Il y a des organisations équivalentes au Québec : le CDHAL [Comité pour les droits humains en Amérique latine] sur l’Amérique du Sud, JUSTE [Justice transnationales extractives] par rapport aux méfaits des minières canadiennes, et plusieurs autres.
De plus en plus d’organismes qui s’occupent de la coopération internationale avec l’Amérique latine ajoutent à leurs actions l’appui aux populations locales aux prises avec les minières canadiennes. Nous nous sommes dit que, puisque c’était devenu un élément important de notre travail international, qu’il fallait le souligner et avertir le public québécois de l’importance de cette question.
JdA : La formule du Festival est-elle différente de celle de l’année passée ?
RR : Non, je dirais que c’est la même formule, la même idée. Ce sont des thèmes internationaux et des thèmes locaux qui s’appuient les uns les autres. Cette année, avec le thème des minières et de l’extractivisme, on touche à l’exploitation pétrolière et minière faite par des compagnies canadiennes à l’étranger, de même qu’à l’exploitation pétrolière et minière qu’elles font chez nous.
La seule différence cette année, c’est l’endroit. En 2012, nous avons tenu le Festival à l’école Le Plateau. Cette année, nous avons choisi un lieu plus urbain, l’Usine C, où l’amphithéâtre et les salles où il y aura des ateliers et des conférences sont un peu plus confortables.
JdA : Pourriez-vous nous parler un peu de la programmation et des invités ?
RR : Nous aurons quelques invités de marque. Le premier, Nnimmo Bassey, est un environnementaliste nigérien très connu en Europe et en Afrique. Il s’est fait connaître pour son opposition à la pétrolière Shell au Nigéria, ce qui l’a mené à fonder un l’organisme Oil Watch International (OWI), dont il est encore le directeur général. OWI est un observatoire sur les compagnies pétrolières au niveau international qui se penche particulièrement sur le cas de l’Afrique. Nnimmo Bassey a gagné deux prix très importants : un prix Nobel alternatif en 2010 et le prix Rafto, qui est un prix européen donné à ceux qui se sont distingués dans le domaine environnemental.
Il y a aussi Carlos Torres, un militant chilien qui travaille beaucoup sur la question de minières canadiennes en Amérique latine et qui œuvre avec des mouvements liés à l’organisation des communautés affectées par ces minières. Ce sont les deux principaux invités internationaux que nous avons.
Il y aura aussi beaucoup d’invités importants venant de chez nous. Il y aura Patrick Bonin de Greenpeace, qui est le coordonnateur de la campagne Énergie et climat et qui s’occupe, entre autres, de la question des pipelines qui passeront bientôt à travers le Québec. Il y aura les organisatrices d’Idle No More Québec, Widia Larivière et Melissa Mollen Dupuis, qui vont se joindre à nous et participer à plusieurs ateliers. Il y aura l’organisatrice et certains membres d’une nouvelle coalition, la Coalition vigilance oléoducs (CoVO), mise sur pied par des citoyens et citoyennes des Laurentides qui s’opposent à l’inversion du pipeline d’Enbridge.
La première conférence du matin sera animée par Gabriel Nadeau-Dubois, l’ancien porte-parole de la CLASSE lors de la grève étudiante de 2012. Et la conférence d’après-midi, celle de Nnimmo Bassey, sera animée par Dominic Champagne, le metteur en scène et environnementaliste très connu au Québec. Finalement, en soirée, il y aura à partir de dix-huit heures un spectacle musical qui mettra en scène l’excellent groupe Sunrise and Good People.
Le Festival des Solidarités a lieu à l’Usine C, au 1345 avenue Lalonde (Montréal), le samedi 15 juin de 10 h à 20 h. Inscrivez-vous à la conférence de Nnimmo Bassey.