A l’exception de Marseille où les statistiques de manifestants continuent, selon les sources, de varier du simple au décuple, il ne devrait pas y avoir, cette fois-ci, de polémiques trop vives sur les chiffrages des défilés du 12 octobre. En début d’après-midi, le ministère de l’intérieur et les syndicats s’accordaient sur une participation en hausse pour cette quatrième journée d’action contre la réforme des retraites depuis la rentrée.
"La participation est légèrement plus forte que celle du 2 octobre", a concédé, à la mi-journée, le ministère de l’intérieur, qui a relevé aussi "la forte présence de lycéens", ce qui ne manquera pas de préoccuper le gouvernement. Les principaux leaders syndicaux ont salué l’amplification de la mobilisation : c’est "la plus forte journée qu’on ait faite", ont-ils tous observé pointant, ici et là, les records de Rennes (entre 22 000 et 60 000 manifestants), Toulouse (entre 30 000 et 145 000) et Marseille (entre 24 500 et 230 000).
"On va vraisemblablement dépasser les trois millions de manifestants", a indiqué Jean-Claude Mailly (FO). La CGT et la CFDT ont fait état d’une participation en hausse de quelque 20 %, ce qui porterait, selon elles, le nombre total de manifestants à près de 3,5 millions de personnes.
Comme l’a fait observer Alain Olive (UNSA) au départ d’une manifestation parisienne particulièrement fournie (89 000 personnes selon la préfecture de police et 330 000 selon les syndicats), l’accélération du calendrier parlementaire, avec l’adoption au Sénat des deux articles du projet de loi relevant les bornes d’âge de la retraite de 60-65 ans à 62-67 ans, "n’a provoqué ni découragement ni lassitude".
"Le gouvernement est dans l’impasse. Le sentiment de l’injustice de la réforme et son impopularité ne font que croître", s’est exclamé François Chérèque (CFDT), tandis que le secrétaire général de la CGT saluait "la détermination et un large engagement de tous les salariés". "La CGT va continuer à mobiliser", a ajouté Bernard Thibault en précisant que les grèves reconductibles constituaient l’une des modalités possibles d’action dans les jours prochains.
Le premier ministre, François Fillon, a exclu mardi toute nouvelle concession et redit que le gouvernement était "décidé à mener à son terme la réforme".
"Faire la soudure"
L’appel lancé par la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry, au chef de l’Etat pour qu’il "retire" son projet a, bien sûr, peu de chances d’être entendu. Raymond Soubie, le conseiller social du président, a imputé la responsabilité du blocage actuel aux organisations syndicales : "Malheureusement, a-t-il déclaré à Challenges, les syndicats posent comme préalable à tout accord l’abandon par le gouvernement du report de l’âge de départ à la retraite à 62 ans, mesure préconisée par toutes les organisations internationales."
Que peut-il maintenant se passer ? Comme le prévoyaient plusieurs syndicats, le taux de participation à la grève, en hausse de 3 points dans les établissements hospitaliers, est resté globalement assez faible dans les trois fonctions publiques (entre 15 % et 19 %, selon le ministère) comme le 23 septembre.
En revanche, la SNCF a dénombré 40 % des grévistes et elle s’attendait à la reconduction du mouvement, mercredi, avec des perturbations de même ampleur que mardi (un TGV sur trois, par exemple, entre Paris et la province). D’autres réseaux de transport urbain pourraient se trouver dans la même situation. Les salariés de onze des douze raffineries françaises en grève, mardi, sans que cela entraîne pour le moment de problèmes d’approvisionnement en carburants, pourraient aussi reconduire leur action.
Au-delà de mercredi, personne ne se risque à faire des prévisions. Mais les assemblées générales de cheminots du jeudi 14 octobre seront, à l’évidence, importantes. C’est à ce moment-là qu’ils jugeront avec leurs syndicats de l’état de la mobilisation (en dehors de la SNCF) et se décideront ou pas à "faire la soudure" avec la nouvelle journée de manifestations du 16 octobre. C’est également jeudi que l’intersyndicale doit se réunir pour décider des suites du mouvement, sachant que le Sénat pourrait adopter le week-end prochain le projet de réforme des retraites.
"Les organisations syndicales doivent aller au bout de cette mobilisation tout en évitant les débordements afin que cette fin de conflit soit à l’image de ce qu’est le mouvement de contestation : fort et responsable", estimait mardi soir M. Olive de l’UNSA.