Tiré de Entre les lignes et les mots
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/09/20/la-gpa-une-conception-patriarcale-de-la-reproduction/
Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution
Le 3 septembre 2024, une tribune intitulée « Il faut dépasser le débat binaire sur la GPA » paraissait dans le journal Le Monde. Cette tribune se présente comme progressiste et dégagée de schémas encore ancrés dans la société, mais la plupart des arguments s’appuient sur une conception patriarcale de la reproduction et de la filiation, et oublient que l’éthique ne se confond pas avec la morale.
Les auteurs affirment que « la GPA [gestation pour autrui] et la transplantation utérine sont les seules solutions médicales à l’infertilité utérine absolue ». Pour eux, une femme vivrait une grossesse, puis remettrait l’enfant à des commanditaires sans conséquence pour elle-même et l’enfant ! C’est faire fi de l’épigénique et du microchimérisme qui nous ont appris l’importance du lien materno-foetal [1]. De plus, la GPA ne soigne en rien l’infertilité des commanditaires et ne leur permet pas de donner naissance.
Dans un contexte où les femmes ont dû batailler pour faire reconnaître leurs droits, comme celui de transmettre leur nom en France, il nous semble surprenant de considérer comme progressiste une pratique dans laquelle la femme qui met au monde un enfant est privée de droits sur lui.
Critiques de cette tribune, nous sommes convaincues que divers modèles de famille peuvent coexister indépendamment de l’orientation sexuelle de leurs membres. Mais cette diversité ne doit pas servir à manipuler les concepts et les droits des femmes au nom de l’empathie à l’égard des « personnes sans capacité gestationnelle » désireuses d’obtenir un enfant issu de leurs gènes.
Depuis des millénaires, dans les sociétés patriarcales, les femmes accouchent au risque de leur santé et de leur vie pour donner des enfants aux hommes. Avec l’accès à la contraception et à l’IVG, elles ont enfin obtenu la capacité et la liberté de gérer leur propre fécondité et de s’abstraire de l’assignation à la reproduction. Avec la GPA revient, orchestré par un marché lucratif, l’utilisation des femmes à des fins procréatives, non pour leur propre projet parental, mais pour celui de tierces personnes.
La tribune évoque les « réflexions féministes autour de la maternité et de ses normes, que la GPA vient interroger ». Justement ! Un féminisme sans concession ne peut que dénoncer la misogynie de la GPA qui considère que les femmes y consentent naturellement par générosité, qualité assignée aux femmes dans les sociétés patriarcales.
C’est le mouvement féministe qui a permis de porter à l’agenda politique la criminalisation du viol, les questions d’accès à la contraception et à l’avortement, et aujourd’hui de lutte contre l’exploitation des femmes dans la prostitution et la GPA. La GPA ne relève pas de la « libre disposition de soi », mais organise la mise à disposition du corps et de la fécondité des femmes pour autrui. Le sens du slogan féministe « mon corps mon choix » est subverti en « mon corps, le choix des commanditaires ».
Il existe toute une série d’arguments autour de la valorisation du pragmatisme comme levier d’acceptation de la GPA. Parce que « l’interdiction n’endigue pas la pratique », il nous faudrait donc nous résigner à son inéluctable développement. Mais une interdiction n’a jamais abouti à la disparition d’une pratique, pensons par exemple à l’excision, l’inceste, l’esclavage qui survivent malgré tout. Une interdiction a d’abord pour fonction de poser des limites, de protéger les plus vulnérables et défendre notre humanité commune, ce que vise clairement l’abolition du recours à la GPA.
Le pragmatisme a conduit le Royaume-Uni, la Grèce, le Canada, à légiférer sur la GPA selon un modèle dit « altruiste ». Mais sous la pression du marché, les dispositions législatives en faveur des mères porteuses sont progressivement édulcorées. En Grèce des scandales en matière de GPA éclatent sporadiquement, la Rapporteuse spéciale des Nations Unis sur la violence contre les femmes et les filles vient de le dénoncer [2].
En matière de droits humains, la GPA relève des violences en raison de l’exploitation reproductive des femmes au même titre que la stérilisation imposée, l’absence d’accès légal à l’avortement et à la contraception ou encore l’avortement forcé.
Refuser l’instrumentalisation des femmes au profit de tierces personnes, refuser que des enfants deviennent objets de contrat pour être vendus et achetés ne relève pas de la morale, mais bien de conceptions qui ont émergé récemment : égalité entre les femmes et les hommes, intégrité de la personne humaine, justice sociale. La question de la GPA est éminemment politique et s’analyse au seul prisme des droits humains, et non en « problème relatif à la vie sociale d’individus », qui est la définition de la notion de « sociétal » employée par les auteurs de cette tribune. De plus, placer toute opposition à la GPA sous l’oripeau de la morale constitue une tentative éculée de discréditer toute critique, ce qui n’est pas pertinent dans une société démocratique.
Berta O. Garcia, Ana-Luana Stoicea Deram, Marie-Josèphe Devillers
Co-présidentes de la CIAMS, Coalition Internationale pour l’Abolition de la Maternité de Substitution.
https://abolition-ms.org/nos-actions-fr/institutions-nationales/france/la-gpa-une-conception-patriarcale-de-la-reproduction-reponse-tribune-du-monde-03-09-2024/
Cette coalition féministe rassemble 50 organisations actives dans 17 pays (Australie, Corée du Sud, Japon, Ukraine, Roumanie, Grèce, Autriche, Italie, Belgique, Suède, RU, Irlande, France, Espagne, Colombie, Canada, USA).
Ses actions en faveur de l’abolition de la GPA sont soutenues par plus de 500 ONG issues de près de 60 pays.
[1] https://www.polytechnique-insights.com/tribunes/sante-et-biotech/microchimerisme-ces-cellules-etrangeres-qui-nous-veulent-du-bien/
[2] Rapport de Reem Alsalem :
https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=29143.
Voire également l’Interview de Laila Agorram par Béatrix Moreau, la réalisatrice de Grèce, le prix d’un enfant, 2017.
https://www.publicsenat.fr/article/societe/grece-le-commerce-lucratif-de-la-gpa-75298
De nombreux scandales ont été mis à jour :
en 2013
https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/66-suspected-of-arranging-illegal-adoptions-and-surrogacies-and-human-egg-trafficking-in-greece.
En 2019
https://www.euronews.com/2019/09/27/greek-police-smash-alleged-500-000-baby-smuggling-network.
En 2023
https://neoskosmos.com/en/2023/08/14/news/greece/major-human-trafficking-and-baby-adoption-ring-dismantled-in-chania-greece
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