23 mai 2024 | tiré de contretemps.eu
https://www.contretemps.eu/islamophobie-discriminations-exil-musulmans-france/
Introduction
Quand vous entrez dans l’amphi, il y a un silence de mort. Alors que quand c’est les autres, on les applaudit, parce que c’est un peu le bazar en médecine en fait, il y a comme un système de bizutage, mais nous, on n’entre pas dans ce délire‑là. On en est même exclues d’office. Voilà… alors qu’on s’en fiche, qu’on soit intégrées ou pas, on s’en fiche. Mais, je sais pas, c’est comme un non‑dit, c’est : “bon elle, elle est voilée, elle ne fait pas partie de notre monde”.
Appelons cette femme Ilham[1]. Installée à Salford près de Manchester au moment où elle nous accorde un entretien en 2021, elle se souvient avec émotion de son passage en faculté de médecine, où elle était la seule à porter un hijab[2]. L’exclusion dont elle témoigne est à la fois liée à ses origines, à sa religion visible dans l’espace public, mais aussi à sa classe sociale. Elle confie en effet qu’en bifurquant ensuite vers des études de sage‑femme, elle a côtoyé un milieu plus hétéro‑ gène, moins marqué par un entre‑soi blanc et bourgeois, et que sa religion est « mieux passée » auprès des étudiantes de sa nouvelle promo.
Elle se souvient tout de même d’un événement traumatique dans son cursus de sage‑femme, lorsqu’un professeur d’anatomie avait exigé qu’elle retire son foulard avant un examen. Elle avait beau avoir soulevé son voile un instant pour montrer qu’elle ne portait pas d’écouteurs dans le but de tricher, le professeur n’avait rien voulu savoir. Ilham a essayé de se défendre, car la demande de l’enseignant n’était pas légale. Mais rien n’y a fait.
Ilham est née et a grandi dans un quartier populaire d’Orléans. Ses parents sont marocains, son père a été ouvrier agricole, puis a travaillé dans le BTP et sa mère s’est occupée de ses sept enfants. Ses études supérieures ont validé sa trajectoire sociale ascendante, mais le port du foulard a donné lieu pour elle à de multiples discriminations, et a fait de son parcours en médecine un épisode douloureux. Elle a décidé de le porter peu après la loi de 2004 interdisant les signes religieux à l’école.
Les controverses précédant la loi et la législation elle‑même ont cristallisé la volonté d’Ilham d’affirmer son islam publiquement, tout en respectant les règles du dévoile‑ ment à l’entrée du lycée : « Le fait d’avoir mis la lumière sur le voile, ça m’a fait réfléchir, oui. J’étais adolescente, j’avais deux amies qui le portaient déjà, et j’ai décidé de le porter. » Avant d’ajouter :
« Le symbole de devoir retirer ce voile avant l’école reste gravé dans ma mémoire parce que, j’utilise des termes un peu forts mais, au début, de devoir retirer son voile devant l’école, c’était un crève‑cœur, on avait l’impression de se trahir. Et de voir les autres nous regarder, ce n’était pas de la curiosité malsaine, les autres se demandaient juste, « mais qu’est‑ce qu’elles font ? C’est trop bizarre ! » »
Son diplôme de sage‑femme en poche, elle postule dans des hôpitaux à Orléans, à Montargis, travaille quelques mois mais les entretiens, souvent, se passent mal. La suspicion qui entoure le port du voile est forte. Un chef de service lui demande d’emblée : « j’espère que vous ne portez pas le voile ! », alors qu’elle garde les cheveux découverts sur le lieu de travail. Dans ce climat délétère, elle essaie de s’ins‑ taller en statut libéral, mais malgré ses efforts n’y parvient pas. Elle « tombe au RSA », est proche de la dépression. Elle rencontre alors son futur mari, un biologiste marocain, qui part faire une thèse de doctorat en Espagne, et qu’elle suit. Installée à Saragosse, elle a l’impression de revivre, son hijab ne posant plus de problème. Elle se dit abasourdie par le contraste entre les deux pays :
« Moi, en Espagne, je me sentais revivre, je l’ai dit à mon mari, “c’est fou ici, on est à la porte de la France. Il n’y a qu’une chaîne de montagnes qui nous sépare, mais c’est une autre mentalité”. »
Comme d’autres, elle sait qu’un autre pays européen, l’Angleterre, est connu pour être, pour « des gens comme nous », un « autre monde ». Elle finit par partir avec son mari à Salford, près de Manchester.
Deux années après son installation, elle raconte :
« Dès qu’on est arrivés, on s’est sentis à l’aise ici, moi je n’étais jamais allée en Angleterre, jamais. Tout ce qu’on m’avait dit sur le pays s’est confirmé ; en tant que musulmans on se sent comme des poissons dans l’eau, clairement. Le fait musulman n’est juste pas un problème ici » (E129)[3].
Elle est en cours de validation de son équivalence de diplôme de sage‑femme, et donne des cours de français, comme son mari donne des cours de biologie. Elle se dit heureuse que ses deux enfants grandissent dans une atmosphère trilingue, avec le français, grâce à elle, l’arabe, grâce à son mari, et l’anglais. Elle sait aussi que ses enfants ne connaîtront pas toutes les vexations qu’elle a subies.
Redouane habite pour sa part à Dubaï depuis 2016. Il se qualifie assez naturellement d’« expatrié ». De fait, il ne partage pas le vécu traumatique d’Ilham. Français d’origine marocaine, il est arrivé en France à l’âge de deux ans. Son père, mécanicien, est décédé quand il était enfant. Sa mère, préparatrice en pharmacie, a alors dû assurer l’éducation des quatre enfants :
« Elle a toujours suivi nos études dès le plus jeune âge ; elle nous a appris qu’il fallait bosser, travailler dur. »
Comme lui, ses frères et sœurs partagent une trajectoire sociale ascendante, grâce à de longues études. Redouane en est pleinement conscient, d’où son profond sentiment de gratitude :
« En France, on a pu grandir, on a pu vivre en sécurité, on a pu manger à notre faim, on a pu étudier, tous étudier sans jamais avoir eu besoin de payer quoi que ce soit. Tout ça, ce sont des choses qu’on n’aurait jamais pu avoir dans notre pays d’origine. »
Redouane a pu intégrer une classe préparatoire scientifique, puis une école d’ingénieur, où il est parvenu à s’imposer dans ce milieu dont il souligne lui aussi le caractère « blanc » et « bourgeois ». Étant musulman, il s’est toujours tenu à dis‑ tance des fêtes alcoolisées. En 2011, il a passé un semestre aux États‑Unis, qui lui a ouvert les yeux sur certaines réalités françaises, notamment sur les manières d’accommoder la religion musulmane :
« Là‑bas, j’ai vu des choses qui m’ont plu et des choses qui m’ont déplu ; et quand je suis rentré en France, j’ai découvert pas mal de choses, que je n’avais pas vues avant, des choses qui tournent pas forcément très rond ; des choses qu’on comprend quand on prend du recul et ça a été, disons, la première phase où j’ai commencé à réfléchir à quitter la France. »
Lors d’un road-trip dans le Golfe, il se pose la question de partir travailler à Dubaï. On est alors en 2016. Il s’informe sur les possibilités de faire un Volontariat inter‑ national en entreprise (VIE), qu’il obtient finalement. Il y rencontre une Marocaine, elle aussi en VIE. Ensemble ils ont un enfant, et semblent épanouis à Dubaï, dont ils louent le respect multiconfessionnel, entre membres d’une élite économique multiculturelle, où il est tout à fait banal de ne pas être autochtone :
« On est 80 % de la population et de fait, quelle que soit sa culture, sa religion, etc., tout est fait pour qu’on se sente à l’aise. Il faut travailler dur, c’est vrai. Il faut s’adapter. Mais comme je l’ai dit, tout est fait pour que ça marche bien. »
Même s’il a conscience de faire partie d’une élite économique, aux conditions de travail et de rémunération radicalement différentes de celles des ouvriers pakistanais ou philippins, Redouane s’épanouit dans un environnement musulman où sa religion n’est pas stigmatisée. Cela passe par des pratiques banales de la vie de tous les jours :
« J’ai ressenti énormément de respect vis‑à‑vis de ça, le genre de choses que je n’aurais jamais imaginées en France. Par exemple, lorsque je travaillais en France, j’allais manger à la cantine. Et il y avait cinq ou six choix différents de viande pour un à deux choix de légumes, dont des frites. Malgré cette diversité, je n’ai jamais demandé à avoir de la viande halal. J’étais à des millénaires, presque, de pouvoir revendiquer ce genre de choses, juste avoir un peu plus de légumes, pour avoir un menu végan ou avoir du poisson, plus de viande et ça m’était refusé, dans les années 2010‑2015. Ici, par contre, c’est le genre de question qu’on ne se pose pas » (E42).
Un récit collectif jamais sollicité
Les vécus, ressentis, comparaisons dont font état Ilham et Redouane sont au cœur de notre enquête, qui s’est déroulée entre 2021 et 2023. Quantitative et qualitative, elle repose sur un matériau original qui permet de comprendre pourquoi des milliers de Françaises et Français décident, sans doute de façon croissante, de quitter leur pays pour, notamment, fuir le racisme. On verra qu’il ne s’agit peut‑être pas de musulmans comme les autres, la grande majorité appartenant à une élite, hautement qualifiée, ayant connu des trajectoires d’ascension sociale. Reste qu’une fuite des cerveaux à la française se produit silencieusement sous nos yeux. Ce livre ambitionne d’en rendre compte.
Jusqu’ici, que des Français et Françaises de culture ou de confession musulmane quittent le pays pour aller vivre et travailler ailleurs n’a guère suscité l’intérêt des politiques, des médias et des universitaires. Quelques articles ont été publiés sur les départs en Angleterre, en Turquie, ou bien à Dubaï[4]. L’émission Les Pieds sur Terre sur France Culture s’est penchée sur la question. Enfin, deux thèses de doctorat ont été consacrées à cette thématique, en élargissant la focale à d’autres origines géographiques. Celle de Jérémy Mandin s’intéresse aux Français et aux Belges d’origine maghrébine installés à Montréal[5]. Celle de Jaafar Alloul observe les mobilités euro‑maghrébines aux Émirats arabes unis et suit la trajectoire de jeunes Hollandais, Français et Belges[6]. On notera au passage que ces thèses ont été sou‑ tenues hors de France.
Alors que la France est le pays européen comptant le plus de personnes de confession musulmane, on recense encore peu de travaux investiguant leur expérience minoritaire ordinaire, permettant aussi de comprendre les trajectoires d’exil et d’expatriation que nous avons cherché à documenter. Que notre objet soit jusqu’alors passé sous les radars médiatiques et politiques a été illustré par la publication, le 13 février 2022, d’un article du New York Times intitulé « Le départ en sourdine des musulmans de France », qui mentionne explicitement notre enquête. Par l’effet de ce que Pierre Bourdieu aurait appelé « la circulation circulaire de l’information », dès la publication de cet article, une quinzaine de médias nationaux – journaux, magazines, radios, chaînes d’info – ont contacté des membres de notre équipe pour en savoir davantage, avec un mélange de curiosité et parfois de suspicion.
La séquence des attentats de 2015‑2016 et plus tard, en 2020, celle qui a vu se succéder le discours des Mureaux d’Emmanuel Macron (2 octobre 2020) sur le « séparatisme », l’assassinat de Samuel Paty deux semaines plus tard (le 16 octobre), puis les restrictions des libertés associatives avec l’adoption de la « loi contre le séparatisme » en août 2021 ont constitué une véritable escalade dans un pays pourtant habitué aux controverses sur l’islam. Si le « problème musulman » a été construit de longue date[7], l’islamophobie (nous reviendrons sur l’usage que nous faisons de ce terme) a connu une forme d’accélération – attestée tant par les chiffres officiels des actes anti‑musulmans que par le ressenti des personnes interrogées – au cours de la dernière décennie. Ce n’est donc pas un hasard si, comme on le verra à l’aide de notre étude quantitative, la fuite des musulman·es français·es s’est accélérée depuis 2015.
Cette exacerbation des stigmatisations a été ressentie à l’université elle‑même. Pour preuve : la séquence polémique autour d’un « islamo‑gauchisme » imaginaire pourtant brandi comme une menace réelle sur « le vivre‑ensemble » par les ministres Jean‑Michel Blanquer et Frédérique Vidal[8]. La vie et le financement des associations n’ont pas été épargnés non plus.
Au‑delà des dissolutions du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), du Collectif contre le racisme et l’islamophobie (CRI) et de Baraka City, les associations musulmanes et leurs alliés ont fait l’objet d’une chasse aux sorcières, marquée par des coupes de subvention, des fermetures de mosquées jugées « séparatistes », des fermetures de comptes en banque et surtout par la disqualification de leurs membres perçus de manière indifférenciée comme « islamistes », « communautaristes » ou « séparatistes », toutes ces mesures contribuant à fragiliser les acteurs les mieux à même de prendre en charge les colères que suscitent les discriminations[9].
La stigmatisation d’un nombre croissant de personnes ou d’associations comme « ennemies de la République » illustre un rétrécissement inquiétant du pluralisme démocratique, où l’invocation mécanique de la « République » et de ses « valeurs » vaut rappel à l’ordre autoritaire et musellement des contestations[10]. Ce livre se penche sur ses conséquences, sur les trajectoires individuelles, les destins familiaux, les corps et les âmes des personnes touchées par cette violence ordinaire.
Dans ce contexte, beaucoup de personnes interrogées ont accueilli avec enthousiasme l’existence même de l’enquête, et la possibilité d’offrir des témoignages illustrant l’ampleur de ce racisme spécifique qu’est l’islamophobie. On peut jauger leur démarche à l’aide de la triade, classique dans les sciences sociales, proposée par l’économiste Albert Hirschman : exit, voice, loyalty. Selon Hirschman, quand un produit ou un service se détériore, le consommateur ou le citoyen peut choisir entre : la loyalty, où il renonce à l’action ; la prise de parole (voice) dans le but de faire connaître son mécontentement et de changer la situation ; ou enfin l’exit, c’est‑à‑dire la défection pure et simple.
On peut arguer dans notre cas qu’après l’exit, matérialisée par le départ de France, beaucoup de personnes interrogées ont eu recours à la prise de parole, voice, en répondant à nos questions, surtout quand ces individus partagent des vécus discriminatoires douloureux[11]. En voici quelques exemples :
Je veux commencer par dire que c’est assez extraordinaire qu’on nous donne la parole (Lamia, Ottawa, qui a quitté la France en 2007, E75).
Merci de faire ce travail parce que ça va aider. J’espère que ça va aider les politiques et, un petit peu, la société française à ouvrir les yeux (Mokhtar, New York, qui a quitté la France en 2012, E122).
Je trouve ça beaucoup plus impactant qu’un bulletin dans une urne. C’est beaucoup plus constructif que de mettre « Macron » pour faire barrage à « Le Pen » au deuxième tour (Sofiane, région de Birmingham, 2021, qui a quitté la France en 2016, E50)
Je trouve que c’est une super initiative de faire ce type d’étude. Les médias et les politiques sont obsédés par les musulmans, mais […] ils sont dans un monde imaginaire, avec leurs idées bien particulières sur ce que c’est les musulmans. Et ils ne comprennent pas la diversité de ce qui nous compose (Assia, Londres, qui a quitté la France en 2013, E137).
Qui sommes-nous ?
Cette attente crée une pression et pose la question de la relation entre enquêteurs et enquêtés, dont on mesure la complexité dans les pages qui suivent. Cette relation a été façonnée par les profils hautement qualifiés de la plupart des personnes interrogées : pour simplifier, des individus aux longs parcours universitaires répondaient aux questions d’autres individus aux parcours universitaires assez analogues, fût‑ce dans des disciplines différentes. Sans oublier que plusieurs membres de l’équipe ont accumulé, depuis des années, des séjours plus ou moins longs et répétés dans des pays anglophones qui sont des lieux de résidence des personnes enquêtées : Grande‑Bretagne, Canada, États‑Unis, Irlande, principalement.
Ainsi, régulièrement, selon les différences d’âge, de parcours personnel ou d’identité ethno‑raciale, les personnes interrogées basculaient spontanément d’un « vous » à un « tu »[12]. Sans que cela crée de connivences, ces similitudes facilitent la compréhension de situations vécues, des situations qui, de France, sont réifiées par des politiques et médias toujours avides de dichotomies faciles entre « les Anglo‑Saxons et nous »[13].
Encore plus centrale est la question de notre identité en tant que non‑musulmans pour coordonner cette enquête. Sans que nous ayons abordé le sujet d’emblée, il paraissait souvent préférable aux yeux des personnes rencontrées que ce travail soit mené par des non‑musulmans, condition à leurs yeux d’une plus grande légitimité des résultats produits. Car le fait est que la plupart des membres de notre équipe ne sont pas issus du groupe minoritaire faisant l’objet de cet ouvrage. Se pose donc pleinement la question de la « positionnalité », que Silyane Larcher envisage ainsi, en s’inspirant notamment d’un article important de Donna Haraway[14] sur la connaissance située (situated knowledge) :
« La positionnalité ne désigne pas le point de vue d’une identité essentialisée, sorte de posture figée, mais plutôt la perspective socialement et historiquement déterminée, donc changeante, à partir de laquelle le sujet de connaissance regarde le monde social et est en même temps façonné par lui. »[15]
L’écriture de cet ouvrage par des personnes subissant racisme et islamophobie au sein de la société française aurait peut‑être permis aux lecteurs de se faire une meilleure idée des expériences dont il sera question dans les pages qui suivent, ou de s’y retrouver plus fidèlement s’ils les partagent. Diverses raisons expliquent cette quasi‑absence de musulmans dans l’équipe à l’origine de ce livre. Tout d’abord, une présomption de partialité voire de militantisme pèse sou‑ vent sur les chercheurs et chercheuses qui travaillent sur un groupe auquel on estime qu’ils et elles appartiennent[16].
Cette question avait déjà été explorée par la chercheuse Philomena Essed au début des années 1990, à travers la figure de la Black angry woman aux États‑Unis[17], une critique qui n’épargne pas le travail des universitaires issus de minorités, sur lesquels pèsent, pour citer Audrey Célestine, des « soupçons d’être “trop près de leur objet” ou “trop concernés” »[18]. De fait, la nécessaire « neutralité axiologique » à laquelle invite le sociologue Max Weber[19] est souvent mal comprise. Elle est souvent caricaturée en une injonction à une neutralité de façade qui reviendrait à prétendre, lorsqu’on est universitaire, qu’on est capable de s’extraire du social, des rapports de force qui le traversent et le structurent.
Travailler sur ce qui n’est pas soi n’abolit pas la position sociale que l’on occupe et à partir de laquelle on porte un regard sur le monde social. Il n’existe pas de regard neutre, ce qui n’empêche pas d’objectiver les phénomènes sociaux. En second lieu, et plus concrètement, l’université française demeure un espace très majoritairement blanc où les personnes racisées sont largement sous‑représentées[20]. Enfin, les coûts sont réels dans une carrière universitaire lorsqu’on s’investit dans un projet jugé politiquement inflammable et entouré de soupçons.
Des collègues au statut précaire – qui sont de plus en plus nombreux, surtout en sciences sociales – prennent un risque en s’associant à ce type de projet. Dans ce contexte, ce n’est pas un hasard si un chercheur comme Abdellali Hajjat est désormais professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles, expatriation universitaire qu’il a justifiée par les « grandes difficultés » qu’il a connues en France pour « mener un travail serein sur la question de l’islamophobie »[21].
Collectivement, nous pensons en outre que la charge raciale qui pèse sur la composante musulmane de la société française ne doit pas reposer sur ce seul groupe. Maboula Soumahoro définit cette « charge raciale », notion inspirée du pionnier de la sociologie américaine W. E. B. Du Bois (1868‑1963), comme la « tâche épuisante d’expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes »[22] auprès du groupe majoritaire dans la société. Nous proposons modestement de partager cette charge raciale. Il nous semble également que notre ouvrage en dit au moins autant sur la France que sur les personnes interrogées, leurs trajectoires, leur identité ou leur foi. Or nous faisons partie de cette société et c’est donc aussi sur nous‑mêmes que nous avons travaillé.
Qu’on nous permette de faire un pas de côté pour mieux saisir ce qui se joue ici, en nous inspirant de l’expérience de l’historien canadien John Milloy. Auteur d’un ouvrage de référence sur les pensionnats (residential schools) imposés aux enfants des peuples autochtones jusque dans les années 1990 au Canada, et dont l’histoire tragique a suscité un traumatisme national, il insiste à la fin de son introduction sur le fait que son livre est « une histoire écrite par un non‑Aborigène, quelqu’un qui n’a jamais été envoyé de force dans un pensionnat », quelqu’un qui « n’a jamais ressenti le racisme ou dû subir le dénigrement de sa propre identité », mais que, en réalité, son ouvrage en dit davantage sur son propre pays que sur les peuples premiers du Canada.
Pour étayer son propos, Milloy précise qu’en 1965, lors d’auditions par le Bureau des affaires indiennes, un ancien élève d’un pensionnat appartenant à la nation Mohawk exprima « une vraie réticence » à témoigner, parce que, selon lui, « pour être honnête, cette histoire, ce n’est pas celle de mon peuple, mais c’est plutôt la vôtre »[23].
Islamophobie, une notion militante ?
Dans son ouvrage Why Race Still Matters (« Pourquoi la race est toujours d’actualité »), la théoricienne australienne Alana Lentin met en question la manière dont le racisme est défini, et surtout par qui. Elle note que ce sont toujours les élites politiques et médiatiques, qui dans leur majorité n’en souffrent pas, qui jouissent du pouvoir de définition officielle du racisme, tandis que ses victimes ont peu voix au chapitre dans l’espace public sur la nature des discriminations qu’elles subissent[24].
Notre enquête illustre la validité de cette thèse : alors qu’en France une bonne partie des élites politiques, au nom d’un universalisme abstrait, nie l’existence de cette forme majeure et spécifique de racisme, les premiers concernés utilisent le terme « islamophobie » de manière banale, à la mesure de la banalisation de ce racisme dans notre pays. Comme le dit Lila, qui travaille aujourd’hui dans la finance à Singapour après avoir quitté un emploi rémunérateur en France du fait d’une atmosphère devenue trop pesante :
« c’est clairement de l’islamophobie. Quand on a une discrimination envers une religion, c’est sûr, c’est du racisme. Et celui‑ci, plus particulièrement, s’appelle de l’islamophobie. Comment vous voulez appeler ça, vous ? » (E23).
On notera aussi que les rares personnes n’ayant pas fait d’études supérieures parmi notre échantillon l’utilisent tout autant que celles qui sont passées par les bancs de Sciences Po Paris ou l’École Centrale.
Nous entendons par islamophobie la stigmatisation de l’islam et des musulmans et ses conséquences concrètes : discriminations, micro‑agressions[25], violences verbales et physiques. À ce titre, et alors que le débat public s’est beaucoup concentré sur cette question ces dernières années, l’islamophobie ne relève pas de la « peur » de l’islam, et encore moins de la possibilité ou non de critiquer cette religion, pas plus que l’homophobie ne renvoie à la seule peur des homosexuels, mais à l’ensemble des actes discriminatoires ou violents qui les ciblent.
Le concept d’islamophobie est aujourd’hui reconnu par les sciences sociales à l’échelle internationale et mobilisé par de très nombreuses institutions nationales et internationales[26]. Les querelles sémantiques qu’il déchaîne en France paraissent donc exceptionnelles, et contribuent peut‑être à détourner l’attention des conséquences réelles de ce problème. Sans fétichiser le terme – au fond, « racisme anti‑musulman » est équivalent – il mérite peut‑être d’autant plus d’être conservé qu’il est attaqué et que son abandon ou son évitement reviendraient à délégitimer l’usage ordinaire dont nos entretiens témoignent.
Des mobilités internationales à part ?
D’autres concepts qu’« islamophobie » nous ont causé bien davantage de problèmes, à commencer par la manière de nommer ces musulmans français partis vivre à l’étranger. Est‑ce que ce sont des personnes émigrées, exilées, expatriées, et quel est le degré de porosité des situations auxquelles renvoient ces termes ?
La mobilisation de ces notions par les personnes interrogées est elle‑même assez hésitante. Ainsi, Monia, ingénieure installée à Düsseldorf depuis cinq ans au moment de l’entretien, est dubitative sur la pertinence du terme « expatriée » dans son propre cas. Assez politisée, elle souligne la dimension post‑coloniale du terme d’« expat » :
« Les “expats”, c’est un peu les cadres sup blancs après école d’ingé qui partent à l’étranger. […] Pour moi le mot “expat” je l’utilise de manière presque ironique. Fondamentalement, c’est de l’immigration, mais on aime bien faire une différence entre les expatriés et les immigrés » (E12).
Même hésitation sur le qualificatif d’expatrié pour Mourad, inscrit en thèse à Montréal depuis 2020 :
« Donc, quand je suis venu à Montréal, je me considérais comme… non pas un expatrié parce que j’ai l’impression qu’expatrié ça fait très référence à une migration liée à l’emploi, alors que dans notre cas, c’était plus lié aux études [réfléchit] Pour moi ce serait plus “Français de l’étranger”, mais honnêtement je n’ai pas de terme exact » (E16).
Le constat qu’aucun terme ne correspond parfaitement à sa situation est partagé par Charles, résident à Dubaï depuis 2015, converti depuis 2012 et diplômé d’une école de commerce toulousaine :
Je me dis : est‑ce que je me considère comme un expat ? Pour moi, un expat, c’est quelqu’un qui vient ici pour ramasser de l’argent et puis repartir en France. C’est pas moi, ce n’est pas mon délire. En fait, je suis plus… Est‑ce que je peux me considérer comme un immigré ici, parce que je ne pourrai jamais devenir un Émirati et je ne pourrai jamais vraiment m’intégrer à cette société ? Donc, en fait, je ne sais pas si je suis un expat. Je suis un immigré, et je n’ai pas l’intention de rentrer en France (E62).
Lamia, ingénieure d’origine syrienne installée depuis 2007 à Ottawa, récuse sans ambages le terme : « Expatriée, c’est vraiment quelqu’un qui a choisi de le faire, moi je pense que j’ai été un peu poussée à la porte » (E75). Certaines personnes, les plus attachées à leur religion, notamment des femmes coiffées d’un hijab partageant un vécu traumatique en France, se vivent d’une certaine manière comme des « réfugiées de la laïcité », en tant que celle‑ci prend la forme d’une « laïcité d’interdiction ».
La complexité des parcours personnels donc, dépendant surtout de l’importance du vécu discriminatoire en France, peut faire opter pour « exilé » plutôt qu’« expatrié ». Pour donner un exemple mentionné plus haut, Ilham nous semble correspondre à un profil d’exilée en Angleterre (Salford), alors qu’on classerait plus aisément Redouane parmi les « expatriés » à Dubaï. La frontière entre les deux, tout comme les motivations au départ, est souvent ambiguë, plusieurs raisons, professionnelles et économiques, mais aussi politiques, étant imbriquées.
Malgré les réticences exprimées dans ces extraits d’entretiens, les termes d’« expatrié » et d’« expatriation » restent les plus communément utilisés par les personnes interrogées, notamment celles qui exercent les métiers les plus rémunérateurs et paraissent les moins politisées. Ce n’est pas un hasard si le groupe Facebook des francophones musulmans au Royaume‑Uni produit un guide « du musulman expatrié » dans le pays, où l’on trouve, en 129 pages, neuf occurrences du terme « expatriation », et trois de celui « expatriés ».
D’une certaine manière, la mobilisation de ce vocabulaire est une façon de banaliser l’ascension sociale à l’étranger, d’inclure les Français et les Françaises de confession musulmane dans le groupe plus vaste des expatriés. Cela n’empêche pas que ces termes eux‑mêmes sont inappropriés, principalement d’ailleurs parce que l’expatriation présuppose un retour au pays. Or, nous le verrons, les personnes interrogées, dans leur grande majorité, ne souhaitent pas revenir en France.
Le terme de « diaspora », adopté en sous‑titre de notre livre, peut finalement s’avérer utile pour appréhender notre objet d’étude pris dans sa globalité, au‑delà des trajectoires individuelles. La littérature en sciences sociales a repris et étendu la notion de diaspora, historiquement dédiée à la dissémination du peuple juif dans le monde, pour décrire les mouvements transnationaux dans un contexte de mondialisation où se complexifient des réseaux de solidarités par‑delà les frontières nationales. « Diaspora » est également précieux puisqu’il permet à la fois de désigner un type de phénomène, une condition sociale et un processus d’affinités transnationales[27]. Ce sont des éléments sur lesquels nous reviendrons au chapitre 5.
Notre titre
Le titre de cet ouvrage et du projet de recherche dont il est l’aboutissement a fait l’objet d’âpres discussions, sur lesquelles nous souhaitons revenir brièvement. D’emblée, il peut sembler provocateur. Il reprend, pour le détourner, un slogan de la droite radicale française utilisé notamment en 2006‑2007[28], slogan lui‑même inspiré de la révolution conservatrice sous Nixon (America, you love it or leave it !)[29], mais en transformant « La France, tu l’aimes ou tu la quittes » en un « La France tu l’aimes mais tu la quittes ».
Le simple passage d’une conjonction de coordination (« ou ») à une autre (« mais ») permet au groupe stigmatisé de se réapproprier politique‑ ment une alternative perverse, dans laquelle une partie de la population française est publiquement soupçonnée de ne pas aimer assez, ou de ne pas aimer « comme il faut », son propre pays. Ce titre exprime bien le tiraillement de nombreuses personnes interrogées et leur identification paradoxale à la France, dans laquelle les sentiments de reconnaissance, de gratitude, de nostalgie vis‑à‑vis des amis et de la famille laissés derrière elles se mêlent à l’amertume, le ressentiment et l’hostilité vis‑à‑vis des élites politiques et médiatiques de leur pays.
Le sentiment paradoxal qui consiste « à aimer mais à quitter » a déjà été évoqué par Marwan Muhammad, fondateur du CCIF en conclusion de son ouvrage Nous (aussi) sommes la Nation[30], ainsi que par le journaliste Claude Askolovitch[31]. Il a aussi été souligné par un de nos enquêtés, Ali, qui habite à Alger et y travaille pour la même grande entreprise française qui l’employait en France. Dans un post intitulé « La France, elle m’aime ou je la quitte », publié sur le site LinkedIn en août 2018, il donne des détails sur sa décision de partir.
Les éléments qu’il fournit entrent en résonance avec de nombreux entretiens que nous avons menés. En outre, il rappelle le déferlement de haine dont il a été victime après sa publication, l’extrême agressivité de Génération identitaire, Riposte laïque, le Printemps républicain qui l’ont harcelé en ligne (E56). Il évoque également les nombreux soutiens qu’il a reçus de la part de personnes qui se sont reconnues dans son expérience, qu’elles envisagent ou non de quitter la France, comme lui.
Dans son texte, Ali se présente comme un jeune diplômé d’une école d’ingénieur en hautes technologies qui, « après des semaines de doutes, des mois de réflexion, des années de mal‑être, de tensions intérieures et de frustration », a pris une décision forte : « quitter mon pays, la France, pour d’autres horizons ». Puis il décrit de manière assez clinique et dépassionnée pourquoi l’atmosphère lui est devenue irrespirable :
« Ce sentiment s’est aggravé année après année jusqu’à en devenir insupportable aujourd’hui. Le sentiment de ne pas me sentir considéré comme un citoyen lambda. D’avoir droit à des traitements, des réactions, des regards, qui me mettent mal à l’aise et créent une atmosphère pesante dans laquelle j’étouffe. »
Il en veut « énormément aux médias et aux politiques de ce pays, qui jour après jour, entretiennent les divisions entre citoyens », avant de s’en prendre nommément à des figures médiatiques et politiques de l’islamophobie hexagonale. Il pose également la question :
Dois‑je avoir honte de dire que le Canada, pour y avoir vécu six mois, est le pays où je me suis le plus senti chez moi, le mieux accepté tel que j’étais ? Devant la France, pays où j’ai grandi, devant l’Algérie et l’Italie, pays de mes grands‑parents ? Que cette expérience m’a permis de prendre conscience que le mal-être que je ressentais jusque‑là en France n’était pas une fatalité, et que je pouvais probablement être plus épanoui au‑delà de ses frontières ?
Ces interrogations constituent l’essence même de notre ouvrage, dans lequel des gens comme Ali expriment leur sentiment d’injustice, leur mal‑être en France, leur sérénité (re)trouvée dans un pays dont beaucoup ne connaissaient presque rien au départ, leurs craintes également pour leurs proches restés au pays. Nous avons choisi de les suivre dans leur cheminement de façon chronologique, depuis leurs socialisations initiales en France, jusqu’à leur décision de partir, dans ses motivations immédiates et profondes, ses conditions pratiques et sa réalisation (choix du pays, premiers pas à l’arrivée, nouvel enracinement réel ou envisagé).
Nous finissons par le regard et le rapport pratique et symbolique que les personnes que nous avons rencontrées entretiennent désormais avec la France. On verra qu’elles évoquent souvent leur relation complexe d’attraction/répulsion vis‑à‑vis d’un pays où la grande majorité est née, selon qu’elles convoquent le souvenir de grandes figures nationales d’émancipation, de la littérature, de la culture populaire hexagonale dans laquelle elles ont baigné, ou, au contraire, qu’elles se souviennent du défilé d’éditorialistes sur CNews et de l’accumulation de polémiques depuis la première affaire du voile de Creil en 1989 jusqu’aux dernières sur le port de l’abaya dans les écoles en 2023, soit presque trente‑cinq ans plus tard.
*
Notes
[1] Tous les prénoms utilisés dans cette enquête ont été modifiés, en respectant leur consonance originelle. C’est pourquoi on a conservé, pour la version « pseudonymisée », soit une consonance manifestant l’appar‑ tenance confessionnelle et/ou ethnique (Mohammed, Karima), soit une consonance qui l’efface (Adam, Sofia), selon le prénom d’usage des per‑ sonnes interrogées. Ces choix de prénoms par les parents ne sont pas anodins, on le verra, ils reflètent l’intériorisation, par ces derniers, du fait que choisir certains prénoms qui sonnent « trop arabes » ou « trop musulmans » aurait des incidences négatives pour leur enfant, par exemple sur le marché du travail.
[2] Nous utilisons indifféremment « hijab », « foulard » ou « voile » dans cet ouvrage, et l’utilisons avec la voix active (« femme qui porte un foulard »), jamais à la voix passive (« femme voilée »). Ceci véhiculerait l’idée d’une absence de choix, d’une forme de soumission, qui ne corres‑ pond pas du tout à l’expérience des femmes interrogées.
[3] (E129) correspond à notre entretien n° 129. Pour une présentation succincte de chaque entretien (principales données socio‑démographiques de chaque enquêté·e), nous renvoyons à notre site Internet : https://love‑ leave.hypotheses.org/
[4] Entre autres : « “En France, j’avais le cul entre deux chaises” : Dubaï, terre promise pour les enfants d’immigrés », Le Parisien, 28 mars 2021 ; « Ces musulmanes portant le voile qui quittent la France pour trouver du travail en Angleterre », Slate, 30 novembre 2020 ; « Comment la Turquie courtise les Français musulmans », La Croix, 21 octobre 2020.
[5] Jérémy Mandin, « Leaving Europe : Emigration, aspirations and pathways of incorporation of Maghrebi French and Belgians in Montréal », CEDEM / Université de Liège, soutenue le 19 mars 2021, sous la direc‑ tion de Marco Martiniello.
[6] Jaafar Alloul, « Leaving Europe, Navigating Access : Status Migra‑ tion, Traveling Habitus, and Racial Capital in Euro‑Maghrebi Mobilities to the United Arab Emirates », soutenue le 02 juillet 2021 à l’Université de Louvain.
[7] Thomas Deltombe, L’Islam imaginaire. La construction médiatique de l’islamophobie en France, 1975-2005, Paris, La Découverte, 2007.
[8] Olivier Esteves, « Cartographier la vague réactionnaire dans les universités françaises », Médiapart, 14 février 2022 ; Michèle Zancarini‑ Fournel et Claude Gautier, De la défense des savoirs critiques. Quand le pouvoir s’en prend à l’autonomie de la recherche, Paris, La Découverte, 2022.
[9] Sur le sujet : Observatoire des libertés associatives, « Une nouvelle chasse aux sorcières », Enquête sur la répression des associations dans le cadre de la lutte contre l’islamisme, 2022 ; Julien Talpin, Bâillonner les quartiers. Comment le pouvoir réprime les mobilisations populaires, Ronchin, Les Étaques, 2020.
[10] Voir Haouès Seniguer, La République autoritaire. Islam de France et illusion républicaine (2015-2022), Bordeaux, Le Bord de l’eau, 2023.
[11] Albert Hirschman, Exit, Voice, and Loyalty : Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, Cambridge (Mass.), Havard University Press, 1970.
[12] Sans oublier que pour les personnes installées à Montréal, Bruxelles ou Genève, le sens du vouvoiement et du tutoiement n’est pas le même qu’en France.
[13] Sur les problèmes inhérents à l’expression « pays anglo‑saxons » : Émile Chabal, A Divided Republic. Nation, State and Citizenship in Contemporary France, Cambridge, Cambridge University Press, 2016.
[14] Donna Haraway, « Situated Knowledges : The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, vol. 14, n° 3, 1988, p. 575‑599.
[15] Dossier coordonné par Silyane Larcher, « Positionnalités des cher‑ cheur.e.s minoritaires », Raisons politiques, vol. 1, n° 89, 2023, p. 5‑24 (ici, p. 13).
[16] Delphine Naudier et Maud Simonet (dir.), Des sociologues sans qualités ?, Paris, La Découverte, coll. « Recherches », 2011.
[17] Philomena Essed, Understanding Everyday Racism : An Interdisciplinary Theory, Londres, Sage, 1991, p. 7.
[18] Cité dans Audrey Célestine, Une famille française. Des Antilles à Dunkerque en passant par l’Algérie, Paris, Textuel, 2018, p. 138‑139.
[19] Max Weber, Le savant et le Politique, 1919.
[20] Abdellali Hajjat, « Islamophobia and French Academia », Current Sociology, vol. 69, n° 5, 2021, p. 621‑640.
[21] Abdellali Hajjat revient sur son départ de France à l’occasion d’une controverse avec Nathalie Heinich dans l’émission Le Temps du débat (France Culture), https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le‑temps‑du‑debat/ le‑militantisme‑a‑l‑universite‑pose‑t‑il‑probleme‑9722930.
[22] Maboula Soumahoro, Le Triangle et l’Hexagone, Paris, La Découverte, 2020, p. 135.
[23] John S. Milloy, A National Crime : The Canadian Government and the residential School System, 1879 to 1986, Winnipeg, University of Manotiba Press, 2017 [1999], p. XLI, [notre traduction].
[24] Alana Lentin, Why Race Still Matters, Cambridge, Polity Press, 2020, p. 14 et p. 58‑59.
[25] Une micro‑agression peut se définir comme une parole, un geste, un comportement vécu comme hostile par un ou des membres d’un groupe minoritaire, souvent stigmatisé. D’apparence banale, la micro‑agression est perçue comme hostile même si elle ne provient pas nécessairement d’une volonté de blesser. Souvent, les micro‑agressions procèdent par accumulation : c’est leur multiplication qui est considérée comme intolérable.
[26] Sur le sujet : Houda Asal, « Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept. État des lieux de la recherche », Sociologie, vol. 5, n° 1, 2014, p. 13‑29.
[27] Voir Floya Anthias, « Evaluating “Diaspora” : Beyond Ethnicity ? », Sociology, vol. 32, n° 3, 1998, p. 557‑580 ; et plus généralement, Arjun Appa‑ durai, Modernity at Large : Cultural Dimensions of Globalization, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1996.
[28] « M. Sarkozy veut ravir ses électeurs au FN et au MPF », Le Monde, 23 avril 2006.
[29] Voir Romain Huret, De l’Amérique ordinaire à l’État secret. Le cas Nixon, Paris, Presses de Sciences Po, 2009.
[30] Marwan Muhammad, Nous (aussi) sommes la Nation. Pourquoi il faut lutter contre l’islamophobie, Paris, La Découverte, 2017, p. 232.
[31] Claude Askolovitch, Nos mal-aimés. Ces musulmans dont la France ne veut pas, Paris, Grasset, 2013, p. 120‑121.
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