En revanche, jusqu’il y a peu ( c’est à dire dimanche 8 septembre), les LGBT français ont guère été actifs pour protester contre cette loi contrairement aux LGBT hollandais notamment. Alors qu’on connaît la répression auxquels les activistes LGBT russes doivent faire face dès qu’ils cherchent à protester contre la « loi anti-gay ». La pression internationale à propos de l’application de la célèbre loi anti gay lors des prochains jeux olympiques est parvenue à mettre mal à l’aise les autorités russes. Le 30 août dernier, l’appartement du leader de Gay Russia, Nikolai Alekseev, a été perquisitionné, montrant par là que les autorités craignent que les LGBT russes puissent jouer aux troubles fêtes lors des jeux olympiques de Sochi imminents.
Alexeï Navalny, candidat à la mairie de Moscou, figure phare de l’opposition russe, sorti de prison mais sous la menace d’un autre procès, candidat libéral à la Mairie de Moscou) a affirmé que s’il était élu, il supprimerait les mesures discriminatoires à l’égard des homosexuels-les. D’après un sondage du site gay.ru, 70 % des sondés du site voteraient pour lui.
Une surenchère homophobe
Afin de compléter l’arsenal juridique homophobe, un projet de loi a été déposé le 5 septembre afin de retirer les enfants aux familles LGBT, sachant que selon le texte du projet de loi, un tiers des homosexuels auraient des enfants.
Certains hommes politiques d’extrême droite (parti LDPR) renchérissent dans la démagogie pour flatter leur électorat en stigmatisant l’homosexualité. Mikail Degtiarev, député de Samara spécialisé sur les questions de santé à la Douma, a affirmé récemment que plus de la moitié des séropositifs sont homosexuels. Il a alors proposé de leur interdire de faire don de leur sang alors que selon les statistiques officielles du centre fédéral du Sida, moins de 2% des infections concerneraient les homosexuels et les bisexuels. Il a proposé également aux homosexuels des consultations gratuites afin qu’ils « deviennent » hétérosexuels.
A Khabarovsk, une grande ville située dans l’Extrême-Orient russe, un groupe s’appelant « Contre la propagande des perversions sexuelles » a lancé une pétition rassemblant près de 700 signatures afin d’exiger de l’administration locale la démission d’Alexandre Ermochkine, un enseignant de géographie, activiste LGBT. Celui-ci a préféré demander sa démission afin d’épargner sa directrice qui refusait de le renvoyer sous de faux prétextes et risquait alors d’être elle-même renvoyée. Depuis, il est déterminé à faire appel.
Avant même le nouveau projet de loi orienté contre les familles homoparentales, Macha Gessen, activiste américano-russe LGBT et mère de trois enfants, annonce qu’elle quitte la Russie avec ses deux filles pour les USA et qu’elle y a déjà envoyé son fils adopté juste avant l’entrée en vigueur de la célèbre loi « anti gay ». Elle demande aux USA d’offrir l’asile politique aux LGBT russes.
Un autre regard sur le situation est possible ?
Pour en savoir plus, j’ai engagé une discussion avec un jeune chercheur travaillant sur la question. Mes échanges fréquents avec Arthur Clech, séjournant actuellement en Russie et écrivant une thèse sur l’homosexualité dans la Russie contemporaine à l’EHESS (Paris), m’ont permis de réfuter certaines idées reçues :
Selon lui, l’appartenance à la religion orthodoxe « est avant tout revendiquée de manière identitaire sans que cela n’implique nécessairement un endoctrinement de la population tel que certains médias français le présentent. Certes, l’institution même de l’Eglise a une réelle autorité mais il est difficile d’évaluer son influence sur une population qui, rappelons le, n’est guère pratiquante. En tout cas, cette « administration » cléricale se discrédite de plus en plus dans sa collaboration avec le pouvoir politique et financier. A l’instar de la désormais célèbre Elena Mizoulina, mais aussi de l’ancien baptiste reconverti à l’orthodoxie, le député Vitaly Milonov, père du projet de la loi anti-gay à Saint-Pétersbourg, ils ne sont pas les seuls au sein de la classe politique à se fonder sur une définition religieuse des traditions russes qui seraient exclusivement orthodoxes.
Bien sûr, si besoin a, ils peuvent se souvenir de l’existence des autres confessions largement représentées en Russie (protestantes, musulmanes, juives) lorsqu’elles les soutiennent dans leurs initiatives. » Il ajoute : « De plus, cette loi anti-gay a été prise en même temps que la loi sur les « offenses aux sentiments religieux des croyants »qui a été adoptée, rappelons-le, suite à la prière punk des Pussy Riots. D’ailleurs, une des membres du groupe, actuellement en prison, Nadejda Tolokonnikova, m’a confirmé dans un entretien, le 10 juin 2011, qu’elle se considérait aussi comme une activiste LGBT. » Il n’y a rien de nouveau à ce que la terminologie orthodoxe taxe l’homosexualité de « péché », mais elle fait dorénavant de l’homophobie son fond de commerce ».
« Cependant, réduire l’homophobie à un retour du religieux serait inexact. En effet, l’homophobie a une histoire vivace en Russie à partir notamment de la recriminalisation de l’homosexualité sous Staline en 1934. En 1993, l’homosexualité a été dépénalisée notamment pour permettre à la Russie de rentrer dans le conseil de l’Europe. À peine une génération de Russes a connu la dépénalisation de la « sodomie » que l’homosexualité, sous le terme de relations non traditionnels (« netradicionnye otnoshenija »), se trouve à nouveau sous l’œil vigilant de la loi. Cette sexualité prétendument « déviante » abuserait de la vulnérabilité des mineurs, prompts à se convertir à cette sexualité « extrémiste ». Comme lors de la recriminalisation de l’homosexualité sous Staline, l’homosexualité est présentée comme une menace sur la jeunesse. En outre, l’amalgame avec la pédophilie est encore entretenu. »
Les comparaisons que moi comme d’autres ont été tentés de faire entre Poutine et Hitler se révéleraient inexactes selon le jeune chercheur : « Vladimir Poutine se définit comme un « pragmatique à tendance conservatrice » et la loi qu’il a signé le premier août de cette année fait songer davantage aux mesures législatives adoptées par Thatcher il n’y a pas si longtemps. Par ailleurs, il ne faudrait pas exagérer la popularité de Poutine auprès de Russes qui ne s’intéressent guère à la politique. »
l’homophobie militante est essentiellement le fait de « groupes marginaux d’extrême droite (ultra-nationaliste et ultra-orthodoxe), voire aussi de « gopniki », de groupes de jeunes hommes, voire d’adolescents, cherchant la bagarre. Or, il y a de la part des autorités russes une indulgence, voire une complicité, à l’égard de ces groupes et des violences qu’ils commettent envers les LGBT. »
Une chronique à deux mains pour donner la parole à des LGBT russes
La couverture médiatique de l’actualité LGBT en Russie est essentielle ainsi que les dernières mobilisations, auxquelles j’ai participé notamment à Paris, pour protester contre les atteintes aux droits des LGBT en Russie. L’enjeu consiste à témoigner une solidarité à l’égard des LGBT russes, afin qu’ils sortent de leur isolement, ainsi qu’ à faire pression sur le régime russe adoptant les loi « anti-gay ». Cependant, il me semble qu’on pourrait apporter un éclairage différent sur cette question.
L’écueil, selon Arthur Clech, serait de renchérir « au discours actuel à l’oeuvre dans beaucoup de médias français, réduisant notamment la Russie à l’autre homophobe et confortant ainsi le discours officiel et prétendument traditionnel selon lequel la Russie est par essence hostile à « la démocratie sexuelle » occidentale ». Il a accepté de participer à la rédaction de mon blog. Ensemble, on a conçu le projet de donner la parole à certain(e)s LGBT : ces personnes exprimeront ici la perception qu’elles ont sur leur situation. Sans avoir la prétention de généraliser, nous nous contenterons de réinscrire leurs propos en les contextualisant brièvement. A suivre !......
Une actualité mondiale LGBT chargée
• La discussion, l’adoption et la promulgation de la loi relative au « mariage pour tous » en juin 2013 ( Loi Taubira). Les décrets d’application ont permis les premiers mariages dès le 1er juillet suivant en France. • Le 26 juin, la cour suprême des USA a estimé à la majorité que la loi de 1996 sur le mariage était anticonstitutionnelle car elle violait le 5e amendement sur la liberté des personnes. Le mariage gay est donc devenu légal dans 13 des 51 états de l’Union. • 14 pays (Pays-bas, Belgique, Espagne, Suède, Norvège, Portugal, Islande, Danemark, France , Canada, Argentine, certains états du Mexique et du Brésil, la New-Zélande) acceptent le mariage pour les personnes LGBT. Le Royaume-uni termine sa discussion avec une dernière navette à la Chambre des Lords (conservatrice en majorité) • En Russie, le 11 juin, la Douma vote un projet de loi en 3e lecture punissant d’amende tout acte de « propagande » de l’homosexualité devant les mineurs. Aucun des 443 députés n’a voté contre. (loi initiée par Elena Mizoulina). Le 21 juin la chambre basse a voté en 2e lecture un projet de loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des personnes homosexuelles des 14 pays cités plus haut. • Le 29 juillet, dans l’avion qui le ramenait des Rencontres mondiales de la jeunesse de RIO, le pape François déclarait : « Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger ? Nous devons être frère » (citation exacte ?) . Cela annonce une approche plus souple d’un problème toujours taxée jusqu’à présent par l’Église catholique Romaine comme un péché … Sauf depuis que le Pape François a dit le contraire !