L’animateur s’enquiert candidement de savoir si le mâle attire parfois d’autres
mâles avec ses appels. L’invité parle de la compétition entre mâles, mais quand
l’animateur précise qu’il aimerait savoir si vraiment l’appel du mâle pouvait
attirer les mâles, notre « spécialiste » s’empresse d’affirmer, avec cette
imperturbable assurance que seule l’ignorance confère : « Ça n’existe pas, ça, dans
le monde animal. »
Et comme pour figer dans le marbre cette monumentale bourde, il ajoute sans
hésitations que « chez les animaux, c’est mâle ou femelle, pas entre les deux. »
Je ne nomme pas la personne en question et je ne veux pas m’en prendre à elle.
L’ignorance est un défaut qui se corrige par l’information. Peut-être l’animateur se
sentait-il gêné de devoir corriger publiquement l’invité, aussi n’a-t-il pas osé le
faire.
Mais, dans tous les cas, voilà une illustration très éclatante du caractère
indispensable de l’éducation sexuelle, une éducation qui devrait être sérieuse et
factuelle afin d’éviter l’ignorance, la confusion et les préjugés.
Je commencerai avec la dernière affirmation concernant « mâle ou femelle » pas entre les deux. Il y a de très nombreuses remarques à faire à ce sujet. Je m’en
contenterai de trois.
1. Ce préjugé consiste à croire que l’homosexualité est due au fait qu’un mâle est
moins mâle ou qu’une femelle est moins femelle. Outre le fait que c’est toujours
difficile à apprécier, on sait que ce n’est pas le fait d’être plus mâle ou plus
femelle qui fait qu’un individu est attiré par les autres du même sexe. C’est
seulement le fait qu’il les préfère, c’est tout.
2. Chez les animaux, il n’y a pas seulement mâle ou femelle, il y a entre les deux
et il y a aussi les deux. Tous les biologistes pourront vous le dire.
3. Et chez les humains, il y a des personnes qu’on appelle intersexes ou
intersexuées, parce qu’elles comportent des caractéristiques physiques et sexuelles
des deux sexes. De nombreux cas de figure existent, mais leur orientation sexuelle
envers les hommes ou les femmes ne dépend pas de leur conformation physique. J’ai déjà abordé ce sujet à l’occasion d’un billet en décembre 2007, qu’on pourra relire à l’adresse suivante : http://www.francislagace.org/billet.php#sujet38.
Dans tous les cas, il ne faut pas confondre orientation sexuelle et condition
intersexuelle.
Pour en revenir à la première grossière erreur, c’est assez étonnant de découvrir
qu’un amant de la nature soit si peu observateur et n’ait jamais eu l’occasion
d’apercevoir un comportement homosexuel chez les animaux. Moi qui ai vécu à la
campagne, j’ai eu un chat mâle qui ne s’accouplait qu’avec des mâles, j’ai des amis
qui ont observé des chevaux, des chiens, des oiseaux, etc. qui s’accouplaient avec
des individus de leur sexe dans la nature, même quand des individus de l’autre sexe étaient disponibles.
Pour qui veut s’instruire sur le sujet, je recommande la lecture de Biological
exuberance de Bruce Bagemihl, où on découvrira que la diversité sexuelle n’est pas
que le fait des humains.
Non seulement les rapports homosexuels ont existé de tout temps et sous toutes les latitudes dans les sociétés humaines, mais ils se retrouvent chez les autres animaux de manière plus fréquente qu’on le croit généralement.
Alors à quand une éducation sexuelle sérieuse et factuelle ?