Édition du 17 décembre 2024

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Canada

L'avenir du NPD : une question de pertinence

traduit par Jacques Brisson

Il y a un peu plus d’un an, les dirigeants du NPD, sous le leadership d’un ancien ministre libéral provincial, Thomas Mulcair, croyaient qu’ils étaient en voie de former le prochain gouvernement fédéral. Lors des élections de 2011, le parti avait causé la surprise en triomphant au Québec et en formant l’opposition officielle pour la première fois dans l’histoire du pays.

Traduit par Jacques Brisson | https://canadiandimension.com/articles/view/can-the-ndp-be-relevant

Désormais, avec un chef québécois qu’on ne peut accuser d’être un radical, le parti était à l’image de ce que souhaitaient les médias nationaux : prudent, pragmatique, hautement raisonnable, particulièrement du point de vue économique. Tout au long de la campagne de 2015, Mulcair a lancé les bons signaux à Bay Street parlant notamment de budgets équilibrés, de contrôle de dépenses, etc. Ils ne pouvaient tout simplement pas perdre, n’est-ce pas ?

Pourtant, c’est ce qui advint. A la place du NPD, c’est un parti libéral, sous la gouverne de Justin Trudeau, globalement jovialiste et particulièrement vague qui remporta les éléctions. Que s’était-il passé ? Qu’est-ce qui n’avait pas fonctionné ? Or, il n’est pas certain que le NPD était cette force irrépressible qu’on a pu imaginer au départ. Ce ne fut qu’après la victoire du NPD provincial en Alberta au printemps 2015 que le parti fédéral dépassa les libéraux dans les sondages – alors qu’ils trainaient derrière depuis des années, à partir du moment où Trudeau devint chef. Évidemment, l’entrain résultant de la victoire en Alberta s’estompa rapidement lorsque la campagne fédérale fut lancée. Et pourquoi les stratèges du parti étaient-ils persuadés qu’une campagne centriste allait fonctionner sur la scène fédérale alors que cette approche avait tout récemment échouée en Nouvelle-Écosse, en Ontario, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan ? Étant donné l’état plutôt morne de l’économie canadienne ainsi que l’absence de bons emplois pour les jeunes travailleurs et les aînés, pourquoi ce parti social-démocrate n’a-t-il pas joué sa carte maîtresse : constater que l’économie ne fonctionnait pas pour la majorité des gens ?

Voilà qui est suffisant pour que l’honnête citoyen progessiste s’arrache les cheveux. Nous vivons dans un contexte économique et social absolument terrible et ce parti ne semble pas capable d’en parler d’une façon claire en montrant un minimum de compassion. Ce n’est certainement pas par ce que les gens à la tête du NPD sont stupides, indifférents ou cupides. Or, les campagnes du NPD sont ce qu’elles sont par ce que les décisions sont prises en se basant sur des métriques dans l’optique de faire sortir le vote, et non pas reliés à des problèmes sociaux et économiques plus vastes. Pour le dire d’une façon un peu crue, les plus pauvres et les travailleurs sont plus difficiles à mobiliser que les différentes strates de la classe moyenne. Alors, tous les partis, obéissant à la loi du moindre effort, essaient de capturer cet électorat. Mais sans la mobilisation des plus pauvres et des travailleurs, il est impossible pour des partis sociaux-démocrates d’avancer des politiques qui s’adressent à eux et qui visent à améliorer leurs conditions de vie.

Il doit y avoir une façon de s’extirper du piège. Il y a eu récemment des signes forts encourageants, dont le NPD pourrait tirer des leçons, provenant d’endroits pour le moins surprenants. Par exemple, la surprise qu’a causé Bernie Sanders dans la campagne pour la nomination présidentielle au parti démocrate américain a montré à quel point des modes inédits de levées de fonds et des organisations locales, le tout basé sur des messages clairs et percutants peuvent trouver une résonance chez un très large public. Le plan clair et détaillé de Jeremy Corbyn pour raviver les forces syndicales et défendre les droits des travailleurs au Royaume-Uni a inspiré des dizaines de milliers de personnes à se joindre au parti travailliste, premièrement pour l’élire comme chef et ensuite, pour défendre son leadership contre les attaques des blairistes. Nous avons vu quelques élans similaires au NPD avec la campagne appelant à adopter le manifeste “Un bond vers l’avant” (Leap manifesto, NDLT) mais cette initiative n’a pas trouvé une résonance suffisante chez les différents courants plus marginaux du pays.

En dépit du retour des libéraux au pouvoir, rien n’est comme avant. Le système politique canadien demeure hautement instable. Les libéraux forment un gouvernement majoritaire avec seulement 39% des suffrages, le même pourcentage qu’ont eu les conservateurs, suggérant que ces deux partis sont en réalité faibles et vulnérables. Un parti néo-démocrate qui peut parler ouvertement d’inégalité et du capitalisme qui produit ces inégalités peut devenir soudainement pertinent, tout particulièrement s’il considère avec sérieux la tâche de mobiliser les plus pauvres et les travailleurs. Après tout, il n’y a pas si longtemps, c’était quelque chose que le parti parvenait à faire avec succès.

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