Édition du 17 décembre 2024

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Europe

L'austérité fait descendre les « indignés » roumains dans la rue

(De Bucarest) Depuis quatre jours, la Roumanie bouillonne. Dimanche dans la capitale Bucarest, des milliers de personnes ont occupé toute la journée la place centrale de l’Université, symbole de la révolution de 1989, pour crier leur mécontentement envers une classe politique corrompue et des mesures d’austérité extrêmement dures.

Simona, une jeune cadre, déclare :

« Je proteste contre le gouvernement le plus malhonnête que la Roumanie ait connu depuis vingt ans, et contre son absence total de dialogue avec la société ».

Mais derrière les slogans anti-présidentiels, les manifestants, qu’ils soient étudiants, retraités, actifs ou chômeurs, ont avant tout crié leur ras-le-bol de la pauvreté.

Adi, étudiant en histoire, s’indigne :

« Ils nous ont volé notre futur et la chance d’une vie meilleure ici. Aujourd’hui, il faut quitter le pays pour réussir ».

Hausse des prix

Mihnea, un adolescent de 15 ans dit être descendu dans la rue pour appuyer sa mère : professeur, elle a vu son salaire réduit de 25%.

Fortement touchée par la crise, début 2009, la Roumanie a été obligée de se tourner vers le FMI et l’Union Européenne pour emprunter quelques 20 milliards d’euros.

En 2010, le gouvernement du président Basescu a alors pris des mesures d’austérité drastiques pour limiter les déficits : réduction d’un quart des salaires des fonctionnaires, gel des des retraites et augmentation de la TVA de 19 à 24%.

« Essence, électricité, chauffage… Les prix ont explosé et je ne peux plus faire face », déplore Bogdan, un jeune père de famille au chômage. Pendant un an, les Roumains semblaient avoir accepté ces efforts difficiles sans protester.

Mais mardi dernier, on leur a demandé le renoncement de trop. Le docteur roumain d’origine palestinienne, Raed Arafat, fondateur du service médical d’urgence SMURD et personnage très populaire, a annoncé sa démission du gouvernement pour marquer son opposition au projet de libéralisation du système de santé.

Pour le soutenir, les Roumains se sont vite mobilisés sur les réseaux sociaux. Cristian Parvulescu, politologue, analyse :

« Cet incident n’a été qu’une occasion pour les gens de manifester leur frustrations qui, pour certains, s’accumulent depuis la chute de Ceausescu ».

Certes, la proposition a été retirée par le président Basescu deux jours plus tard.

Mais le geste n’a pas calmé les esprits. Alors que tout le weekend les manifestants ont attendu une réaction publique, le premier ministre, Emil Boc, a annoncé lundi que le docteur Arafat était simplement « invité » à la rédaction d’une nouvelle loi sur la santé. Tout en déplorant les violences et pillages de boutiques qui ont fait une cinquantaine de blessés en marge des manifestations.
Présidentielles en vue

Ces derniers jours, il a fait grand beau à Bucarest. Un soleil qui ne serait pas étranger à la mobilisation des Roumains, selon Parvulescu. Le politologue voit même dans la météo une explication à l’absence de réaction du pouvoir face à ces manifestations sans précédent.

« Peut-être que le gouvernement attend la neige et le froid pour stopper les revendications », plaisante-t-il.

Alors que les élections présidentielles sont prévues à l’automne, de plus en plus de protestataires demandent un vote anticipé.

Lundi soir, il neigeait sur la Roumanie. Mais sur la place de l’Université comme ailleurs dans le pays, des rassemblements se préparaient.

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