Édition du 12 novembre 2024

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Poursuites-baillons

L'absence de législation anti-SLAPP en Ontario engendre un risque pour le Québec - 140 groupes demandent un changement

MONTRÉAL, le 18 sept. 2013 - Plus de 140 groupes, incluant des organisations environnementales, syndicales et des porte-parole pour les droits civils, ont signé une déclaration qui demande à l’Assemblée législative de l’Ontario d’adopter rapidement une loi interdisant les poursuites-bâillon, au nom de la défense de la liberté d’expression. L’écart actuel de législation engendre un risque pour les groupes québécois.

Les poursuites-bâillon (poursuites stratégiques contre la mobilisation populaire ou SLAPP), souvent pour diffamation, ont pour but de réduire au silence un individu ou un organisme ayant pris parti dans le cadre d’un enjeu public. L’individu ou l’organisme ainsi visé devra consacrer une énergie et des sommes d’argent considérables pour assurer sa défense, au détriment de sa mission principale.

« La judiciarisation du débat public offre un avantage net à la partie nantie qui intente des poursuites et impose un handicap majeur à l’adversaire », explique Alain Deneault, auteur du livre Noir Canada et victime d’une poursuite-bâillon en Ontario entre 2008 et 2012. « Transposer un débat public dans l’arène judiciaire suppose qu’on en pervertisse le sens pour en figer les termes dans le langage du droit. Or, la « justice » est à ce point corrompue par l’argent qu’elle peut se transformer en arme pour les grandes corporations souhaitant faire taire les critiques qui leur sont adressées », renchérit Anne-Marie Voisard, responsable des affaires juridiques aux Éditions Écosociété.

Alors que le Québec a adopté une loi anti-SLAPP en 2009, les compagnies qui veulent faire taire la critique peuvent chercher des opportunités dans d’autres provinces, qui ne bénéficient pas d’une telle législation. Par exemple, Banro Corporation a intenté une poursuite en Ontario contre l’éditeur Écosociété et les auteurs du livre Noir Canada, même si la vaste majorité des livres ont été vendus au Québec. À la lumière de cet écart de législation entre les deux provinces, il est permis de se demander pourquoi Produits forestiers Résolu lance, en Ontario, une poursuite de $7 millions de dollars contre Greenpeace sur des enjeux principalement québécois et alors même que la maison mère de l’entreprise et la majorité de ses opérations se trouvent au Québec.

« Les Québécois et Québécoises ont le droit de savoir ce qui se passe dans leur forêt publique et de se sentir libre de critiquer les agissements des compagnies privées comme la forestière Résolu, sans crainte d’être la cible de poursuites judiciaires », à déclaré Nicolas Mainville, directeur de Greenpeace au Québec et responsable de la campagne Forêts. « Même si le Québec s’est doté d’une loi anti-SLAPP, des compagnies, particulièrement celles basées au Québec, ne devraient pas tenter des poursuites dans d’autres provinces en raison de l’absence d’une telle législation ».

Plusieurs groupes et personnalités sonnent l’alarme sur l’utilisation abusive des tribunaux et sur l’intervention accrue du système judiciaire dans le débat public. Michel Seymour, professeur à l’Université de Montréal, a par ailleurs collecté les signatures de plus de 500 professeurs universitaires pour demander au gouvernement ontarien d’adopter sans délai une loi anti-SLAPP. Il signale que « si les pétitions ont en général un pouvoir limité, les signatures de 500 professeurs d’université peuvent servir en Cour à cautionner la démarche intellectuelle de personnes abusivement poursuivies et, on l’espère aussi, à convaincre le gouvernement ontarien de l’urgence d’agir dans ce dossier ».

Selon Patrick Nadeau, Directeur de la SNAP-Québec, « la menace des SLAPP pèse non seulement sur les groupes environnementaux, mais sur tous les citoyens qui restent vigilants face aux enjeux environnementaux et osent critiquer les dérapes des compagnies. Pour une saine démocratie, il faut que ça change ! »

« L’Ontario devrait suivre l’exemple du Québec et adopter une législation pour protéger la liberté d’expression de ses citoyenNEs pour ainsi favoriser la participation des individus et des groupes aux débats d’intérêt public sans crainte de représailles judiciaires », conclut Lucie Lemonde de la Ligue des droits et libertés.

À l’exception du Québec, aucune des provinces canadiennes ne bénéficie d’une législation anti-SLAPP. Pendant cette session parlementaire, la législature de l’Ontario débattra du projet de loi 83 bannissant les SLAPP.

Notes :

La pétition et la liste complète des signataires sont disponibles ici : http://www.greenpeace.ca/liberte-expression

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