Édition du 17 décembre 2024

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Canada

L’OTAN – une alliance impérialiste dominée par les E-U et le complexe militaro-industriel

L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN a été un enjeu central sous-jacent de la guerre actuelle entre l’Ukraine et la Russie, celle-ci exigeant des garanties – que l’OTAN lui refuse toujours - que l’Ukraine, avec laquelle la Russie partage une frontière de 2100 km., ne se joindra pas à cette alliance.

Yves Engler est un auteur et un militant anti-guerre canadien

24 mars 2022 | https://yvesengler.com/2022/03/23/nato-all-about-american-power-and-military-industrial-complex/

Le Canada doit mettre fin à sa dépendance à l’une des alliances les plus dangereuses et les plus violentes de l’histoire de l’humanité.

Justin Trudeau est actuellement à Bruxelles pour assister à un sommet spécial de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le premier ministre du Canada fera probablement l’éloge d’une alliance devenue plus belliqueuse – avec des guerres en Yougoslavie, en Afghanistan et en Libye – alors que son prétexte traditionnel de l’ère de la guerre froide s’estompe de plus en plus.

Lorsque le président français Emmanuel Macron a décrit l’OTAN comme étant « en état de mort cérébrale » en novembre 2019, Trudeau a immédiatement volé à la défense de l’alliance. Un mois plus tard, il a déclaré : « Depuis 70 ans, l’OTAN a joué un rôle fondamental dans la sécurité et la défense du Canada, et nous restons attaché.e.s à cette alliance. Au cours des dernières années, le Canada a renforcé son engagement au sein de l’OTAN, assumant des rôles de leadership essentiels. Aujourd’hui, le Canada dirige des missions de l’OTAN en Lettonie, en Irak et des forces maritimes de l’OTAN en mer Méditerranée et en mer Noire. »

D’autres premiers ministres ont exprimé une fidélité encore plus ferme à l’alliance. À la fin de sa carrière, Lester Pearson a décrit la « formation de l’OTAN » - et non le maintien de la paix par l’ONU - comme « la chose la plus importante à laquelle j’ai participé ». En 1963, Pearson a déclaré au Parlement canadien : « L’OTAN a été le fondement de la politique étrangère des gouvernements canadiens depuis sa création en 1949, et il continuera d’en être ainsi. »

Selon certain.e.s, l’OTAN était à l’origine une idée canadienne. Lors de l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 1947, le ministre canadien des Affaires extérieures, Louis St. Laurent, a averti l’assemblée que, si la crise du veto du Conseil de sécurité n’était pas résolue, des pays établiraient une nouvelle organisation de type OTAN. Son discours était la « première proposition publique d’un ministre de l’Atlantique pour une alliance pour cette région », note Maureen Patricia Cronin dans son livre Canada and Nato. En mars 1948, le Canada a participé à des pourparlers secrets avec la Grande-Bretagne et les États-Unis sur la possibilité de créer une alliance nord-atlantique.

Depuis 1949, l’OTAN est « l’alliance à laquelle le Canada a consacré peut-être 90% de son effort militaire », expliquait l’historien militaire Jack Granatstein en 2007. Plus récemment, le représentant du Canada au Conseil de l’Atlantique Nord, Kerry Buck, s’est vanté que le Canada avait « participé et contribué à toutes les missions, opérations et activités de l’OTAN depuis la création de l’OTAN. »

Entre 1950 et 1958, Ottawa a fait don de $1,53 milliard ($8 milliards en dollars d’aujourd’hui) en munitions, avions de chasse, entraînement militaire, etc. aux pays européens, par le biais du programme d’aide mutuelle de l’OTAN. Le Canada a armé la France, la Belgique et la Grande-Bretagne, alors que ces États réprimaient violemment les luttes pour l’indépendance en Algérie, au Vietnam, au Kenya, au Congo et ailleurs.

Du début des années 1950 au début des années 1990, plus de 100,000 soldat.e.s canadien.ne.s étaient stationné.e.s en Europe dans le cadre de missions de l’OTAN. À la fin des années 1960, l’aviation canadienne avait quelque 250 bombes atomiques à sa disposition en Europe.

Comme signe qu’il n’a vraiment pas été conçu pour protéger l’Europe occidentale de l’agression soviétique, le Canada a soutenu l’expansion de l’OTAN après la guerre froide et la disparition de l’URSS. Malgré les promesses faites aux responsables soviétiques que l’OTAN ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’est, s’ils acceptaient la réunification allemande, le premier ministre Jean Chrétien, dès son entrée en fonction en 1993, a immédiatement poussé à l’accueil à l’alliance de nouveaux membres. Sans même tenir un débat au Parlement, le Canada a été le premier pays de l’OTAN à approuver l’élargissement de l’alliance en 1998. Et le Canada a continué de promouvoir l’expansion de l’OTAN, y compris l’incorporation de l’Ukraine, enjeu central de la guerre actuelle.

Lors du bombardement illégal de la Yougoslavie par l’OTAN en 1999, les avions de combat canadiens ont effectué 10 % de toutes les « missions de frappe », tandis que 40 000 Canadien.ne.s ont combattu en Afghanistan dans les années 2000. C’est un général canadien qui a dirigé le bombardement de la Libye par l’OTAN en 2011.

Ottawa trouve l’OTAN attrayante pour une série de raisons. Au départ, l’alliance était conçue pour réprimer les partis de gauche en Europe occidentale et pour amener les puissances coloniales en déclin sous l’égide géopolitique des E-U. Aucun autre État n’était mieux placé pour profiter de l’hégémonie croissante des États-Unis. Et sans colonies formelles, Ottawa n’avait guère de raisons de craindre l’empiétement des États-Unis sur les pays du Sud.

La poursuite et l’élargissement de l’alliance après la disparition de l’Union soviétique a sapé les initiatives de sécurité centrées sur l’Europe qui auraient affaibli l’influence de Washington. L’appel du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev pour une « maison européenne commune » avec des arrangements sécuritaires et économiques de Lisbonne à Vladivostok était une menace pour la domination américaine.

Parallèlement, cette domination américaine sur l’Europe l’OTAN concerne également les intérêts du complexe militaro-industriel.

Plus l’accent est mis sur l’interopérabilité entre les armées des États-membres de l’OTAN, mieux c’est pour les fabricants d’armes américains. Non seulement les États-Unis ont de loin l’armée la plus avancée, mais les États-Unis imposent diverses restrictions sur les achats d’armes à l’étranger, de sorte que la normalisation de l’OTAN se fait de manière écrasante selon les conditions américaines.

Étant donné que de nombreuses entreprises canadiennes d’armement sont des filiales d’entreprises américaines, l’interopérabilité de l’OTAN est également bonne pour l’industrie d’armements canadienne. De plus, l’accord de partage de la production de défense, qui date de 65 ans, donne aux entreprises canadiennes un accès unique pour soumissionner sur des contrats militaires américains. « Nos » entreprises fournissent souvent des composants aux armes que les entreprises américaines exportent à l’étranger.

Peu de temps après être devenu premier ministre en 1968, Pierre Trudeau a fait remarquer : « L’OTAN avait en réalité déterminé toute notre politique de défense. Nous n’avions pas d’autre politique de défense, pour ainsi dire, sauf celle de l’OTAN. Et notre politique de défense avait déterminé toute notre politique étrangère. Et nous n’avions aucune politique étrangère d’importance, sauf celle qui découlait de l’OTAN. »

Les citoyens.ne.s épris.e.s de paix et qui s’opposent au complexe militaro-industriel doivent demander la fin de la dépendance du Canada à l’OTAN. Et la fin de l’OTAN comme telle.

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