Car, ne nous y trompons pas, la hausse des frais de scolarité n’a que peu, sinon rien, à voir avec des considérations économiques. Les véritables motifs de la décision gouvernementale sont de nature politique et idéologique.
Décision politique parce que la prétention du sous-financement des universités est loin d’être démontrée. Une récente étude produite par l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) révélait d’ailleurs qu’en combinant ce que le gouvernement, les étudiant•e•s et le privé investissent dans les universités, on obtient un total de 29 242 $ de dépenses par étudiant•e au Québec, comparativement à 26 383 $ pour l’Ontario et à 28 735 $ pour le reste du Canada. Et que dire des choix faits par les directions universitaires avec les fonds qu’elles perçoivent. Personnel de gestion sans cesse croissant, salaires et avantages faramineux des recteurs et autres hauts dirigeants, projets immobiliers pharaoniques qui, parfois, se révèlent des gouffres financiers, et dépenses démesurées en publicité dans une « chasse » à la clientèle mettant en compétition les universités entre-elles, 80 millions au cours des cinq dernières années.
Sous-financement ou mal financement ? Faites votre choix !
Décision politique, mais aussi décision idéologique parce que la démonstration économique restant à faire, la hausse s’inscrit dans le cadre d’une opération amorcée de longue date qui consiste à privilégier, en matière de réponse aux besoins des citoyens, des solutions « individualisantes » plutôt que des réponses collectives. « Faire sa juste part », ce quasi slogan libéral que nous répètent à satiété le Premier ministre, son ministre des Finances et la ministre de l’Éducation, ne vise rien d’autre que miner dans l’esprit des Québécois le socle sur lequel s’est bâti le Québec moderne. Un Québec doté de services publics de qualité, universels et accessibles à tous quelque soit la grosseur du portefeuille. Et ce socle s’appelle la solidarité sociale, valeur phare de la Révolution tranquille.
Une Révolution tranquille qu’on voudrait bien à Québec faire oublier pour laisser place à une autre révolution, la révolution tarifaire. Parce que c’est bien à cela qu’on assiste depuis des années : l’instauration de tarifs et taxes de toutes sortes, ou leur augmentation, pour accéder à des services reconnus essentiels ou de première nécessité. Ce faisant le gouvernement libéral s’attaque, sans le dire, au principe de solidarité sociale en prônant cette idée, toute néo-libérale qu’elle est, d’une société atomisée et individualiste où le « chacun pour soi » prédomine sur le sentiment de responsabilité mutuelle. Une société où chacun considère que, parce qu’il a « payé pour ce qu’il a », il ne le doit qu’à lui-même et n’est redevable en rien à qui que ce soit, surtout pas à la collectivité. Beau projet de société que celui-là ! Projet insupportable pour une très forte majorité des citoyens, mais combien bénéfique pour le 1%.
En s’engageant aussi massivement dans la lutte pour l’accès aux études supérieures, les étudiants et étudiantes auront fait mentir allègrement tous ces chroniqueurs à gogo et ces faiseurs d’opinion patentés qui, profitant des tribunes que leur offrent les médias les plus conservateurs, se font les chantres de ce projet social en arguant que la jeunesse québécoise ne se reconnaît plus dans l’image d’un Québec solidaire socialement, équitable pour tous et soucieux du bien commun. Le 22 mars dernier, ils étaient 200 000 dans les rues de Montréal à se réclamer de ce Québec. À n’en pas douter, l’espoir du Québec, il est là !