Tiré de Courrier international. Légende de la photo de couverture : Des réfugiés soudanais à leur arrivés à la gare routière d’Assouan, dans le sud de l’Égypte, en mai 2023. Photo Heba Khamis/The New York Times.
“Environ 300 réfugiés arrivent en Égypte tous les jours par la frontière soudanaise”, rapporte le quotidien soudanais Sudan Tribune en citant “un responsable onusien”. Depuis le début de la guerre au Soudan en avril dernier, ce sont ainsi “plus de 450 000 personnes” qui sont arrivées par cette voie, ajoute le site Al-Monitor.
L’Égypte n’est en effet pas seulement un pays d’émigration, mais aussi une destination pour de nombreux migrants de la région. Parmi les plus grandes communautés, il y aurait ainsi quelque 4 millions de Soudanais en Égypte, ainsi que 1,5 million de Syriens, 1 million de Yéménites et 1 million de Libyens, selon le quotidien égyptien Al-Watan.
“Chaque crise dans les pays arabes s’est accompagnée d’une vague de migration” vers l’Égypte, ajoute Ayman Zohri, spécialiste égyptien des migrations, cité par le quotidien britannique The Independent en langue arabe.
“À commencer par le début des affrontements au Soudan dans les années 1950 et jusqu’à la guerre en cours actuellement à Khartoum. Il y a également eu l’invasion de l’Irak [par les États-Unis] en 2003, puis en 2011 la révolution en Libye, la guerre civile en Syrie à partir de 2012, puis la guerre au Yémen depuis 2015.”
Selon le chercheur, la cohabitation avec les nombreux étrangers se passe dans une bonne entente, dans un pays où “la haine des étrangers n’est pas quelque chose de répandu” :
- “On s’est habitué à voir un Syrien qui loue une échoppe dans un immeuble qui appartient à un Soudanais, tandis qu’un Sud-Soudanais travaille dans un atelier à côté.”
Contribution à l’économie
Loin de poser un problème à l’économie égyptienne, ces migrants rapportent par ailleurs plus à l’État qu’ils ne lui en coûtent, indique le site égyptien indépendant Mada Masr. C’est également ce qu’explique Al-Manassa, autre site indépendant égyptien, à propos des réfugiés yéménites, qui auraient largement investi en Égypte pour y créer leurs propres entreprises.
Il n’empêche que, depuis quelque temps, le gouvernement égyptien met de plus en plus l’accent sur le “fardeau financier” que leur présence ferait peser sur les services publics. Cela a été suivi d’une multiplication de messages “hostiles” sur les réseaux sociaux pour demander leur expulsion.
Un discours de plus en plus hostile
Plusieurs signes indiquent un resserrement de la politique du Caire vis-à-vis des migrants. Sous couvert de leur “régularisation”, il leur serait à l’avenir demandé de faire des démarches pour l’obtention d’un certificat de résidence, contre le versement “de frais de 1 000 dollars”, toujours selon Ayman Zohri dans The Independent.
D’autre part, les autorités du pays se préparent à “prendre en charge l’enregistrement et des décisions au sujet des demandes d’asile politique, avec de possibles conséquences dramatiques”, estime à ce propos Al-Monitor.
Jusqu’alors, c’est en effet le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui s’occupait des demandes d’asile à la place des autorités égyptiennes. “Mais cela serait sur le point de changer”, ajoute le site, et risque d’avoir des conséquences graves pour des personnes que Le Caire jugerait encombrantes, que ce soient des militants politiques ou encore des personnes LGBT.
Aides européennes
Tout cela se passe dans un flou entretenu autour du nombre total de réfugiés et de migrants présents en Égypte. Alors qu’Ayman Zohri estime leur nombre à 5 à 6 millions, les chiffres officiels le situent à 9 millions, note The Independent.
Mais en ce début du mois de mars, le président de la commission pour les droits humains du parlement égyptien, Tarek Radwan, a parlé de “plus de 10 millions” lors d’une visite de son homologue allemande Renata Alt, apprend-on dans le quotidien égyptien Al-Masry Al-Youm.
Toujours selon The Independent, l’Égypte chercherait ainsi à monnayer la question migratoire auprès des Européens, pour “obtenir des aides en contrepartie desquelles elle empêcherait le départ de quelque 10 millions de personnes à travers la Méditerranée”.
Et de rappeler que “d’autres pays” que l’Égypte ont “reçu plus de soutien financier” de la part des Européens pour “surveiller les migrations”, dont notamment la Turquie, avec 6 milliards d’euros en 2020, ainsi que la Jordanie, qui a reçu plus de 10 milliards d’euros entre 2011 et 2023 de l’Union européenne, notamment pour soutenir les réfugiés syriens qu’elle a accueillis, toujours selon The Independent.
Philippe Mischkowsky
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