Tiré de MondAfrique.
Mondafrique. Quelles sont aujourd’hui les perspectives du Liban ?
Kamel Mohanna. Le sommet de l’optimisme pour un Libanais, c’est de se projeter jusqu’à demain ! Aujourd’hui comme hier, nous vivons dans la précarité et dans l’urgence. Mais le Liban, c’est aussi la solidarité, l’entraide, le refus de l’effondrement. Notre ONG revendique « la pensée positive et l’optimisme permanent ». Cette positivité s’exprime dans la règle des trois P : Principes, Positions, Pratiques ». Nous travaillons l’art d’aboutir, pas de nous plaindre
Mondafrique. Comment caractériseriez vous la situation sociale au Liban ?
Kamel Mohanna. La pauvreté progresse de façon vertigineuse. Avant la crise qui a éclaté voici deux ans, 22% de la population libanaise vivait dans la pauvreté et 7% dans l’extrême pauvreté. Ces chiffres ont bondi avec 55% de pauvres et 27% de très pauvres. Cette dégradation s’accompagne d’une progression de la criminalité de 150%. Sans parler de la malnutrition, des suicides économiquesCette proportion de pauvres atteint 80 à 90% pour les réfugiés syriens qui sont près de 1, 5 million pour une population de quatre millions de Libanais. Début Septembre j’ai rencontré Emmanuel Macron qui recevait la société civile, je lui ai fait remarquer que les réfugiés représentaient presque la moitié de la population locale si on ajoute 300000 Palestiniens. L’Europe, elle, ferme ses portes face à l’arrivée des migrants.
Mondafrique. Les occidentaux ont-ils une vision réaliste de la situation que vous vivez ?
Kamel Mohanna. Lors de son dernier voyage au Liban, j’ai expliqué à Jean Yves Le Drian que la présence de 600000 syriens qui avaient appris le maniement des armes lors de leur service militaire à Damas constituait une bombe à retardement. Le ministre français m’a répondu : « Nous aussi, nous connaissons la menace terroriste ». Comment faire une telle comparaison entre la France et le Liban ? Quand vous avez un mort chez vous en France cela fait la une de la presse. Dans le monde arabe, nous avons des dizaines de milliers de disparitions et de déplacés que ce soit en Irak, au Yémen, en Palestine ou au Liban et il n’y a pas une ligne dans vos journaux. C’est ce que j’appelle le double standard.
Mondafrique. Quel est l’état de la situation sanitaire ?
Kamel Mohanna. Pas brillante. Nous manquons de tout. L’armée blanche des soignants a été décimée : sept cent pharmacies fermées, l’exode de mille médecins et six cent chercheurs. La démission de 40% des infirmières payées en livres libanaises, une monnaie qui a perdu près de 90% de sa valeur.
C’est la société civile résiste qui empêche un effondrement général. Sur 860 centres médicaux, une centaine appartiennent à l’État et tous les autres dépendent secteur privé.
Mondafrique. L’épidémie contre le Covid a-t-elle fait des ravages dans le pays ?
Kamel Mohanna. Dans un pays comme le Liban où on s’embrasse, on se visite, on célèbre tous ensemble les mariages et les enterrements, l’épidémie fut très dure à vivre. Mais la bonne nouvelle, la voici : 12% de la population a été vaccinée et des centaines de milliers de doses Pfizer sont en attente. À cela, une bonne raison : un haut cadre du laboratoire américain possède la nationalité libanaise !
Mondafrique. Comment jugez vous la classe politique libKamel Mohanna anaise ?
Kamel Mohana La classe politique libanaise est totalement discréditée et profite de cette précarité pour distribuer des vivres et des subsides, ce qui renforce le retour des oligarchies, le communautarisme ou encore le fanatisme entre communautés.
Depuis 1992, on nous promet l’électricité pour tous. Résultat, des coupures de courant partout et bientôt nous serons tous dans le noir. Et tout cela à cause de la corruption généralisée, ce qu’ils appellent leur savoir faire.
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