Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Italie. Elections du 4 mars 2018 : mise en perspective. Et programme du mouvement Potere al popolo (I)

Publié par Alencontre le 4 - février - 2018

Nous présentons, ci-après, une version française intégrale et annotée du programme de Potere al popolo[1] pour les élections législatives nationales italiennes du 4 mars 2018 (renouvellement des 630 membres de la Chambre des députés et des 315 membres du Sénat)[2]. Elles se dérouleront selon la nouvelle loi électorale adoptée en novembre 2017. C’est un système alambiqué, difficile à saisir dans son fonctionnement (à quel candidat sont finalement attribuées les voix exprimées ?[3]) et comportant diverses dérogations. Cela reflète la complexité issue à la fois du grand éclatement des partis politiques italiens, de la force des différents clientélismes et de certains tarabiscotages régionalistes. Un peu plus de 1/3 des sièges sera élu au scrutin majoritaire à un tour ; un peu moins de 2/3 au scrutin proportionnel, avec un quorum (minimum des voix à atteindre) de 3%.

Les partis de ce que l’on nomme la droite, la gauche et le centre se présentent en majorité sous des coalitions, qui ne sont pas solidement constituées. Mentionnons les principales formations :

• Mouvement 5 Etoiles (M5S, Movimento 5 Stelle, Luigi di Maio) ; un mouvement dit interclassiste, ni droite ni gauche, hétérogène, peu structuré mais fort hiérarchisé, xénophobe, anti-Union européenne mais abandonnant progressivement son opposition à l’euro. Il dénonce le clientélisme, la corruption et les phénomènes mafieux et propose des mesures sociales contradictoires. Les pronostics le placent au premier rang lors des élections.

• Centre droit (Centrodestra), comprenant Forza Italia (Silvio Berlusconi), la Lega (ex-Lega Nord qui désormais se présente dans toute l’Italie sans le qualificatif « Nord », Matteo Salvini), Fratelli d’Italia, Noi con l’Italia et peut-être Energie per l’Italia ; la droite patronale néoconservatrice éclatée.

• Italie aux Italiens (Italia agli Italiani), regroupant Forza Nuova, CasaPound et Fiamma Tricolore, l’extrême-droite fasciste ou fascisante. [Le militant d’extrême droite qui, le 3 février à Macerata, a tiré sur six immigrés africains participe des options de ces organisations, outre le fait qu’il fut un candidat de la Lega il y a un an.]

• Centre gauche (Centrosinistra), avec le Parti démocratique (Matteo Renzi), Civica popolare, Insieme, +Europa ; la gauche social-libérale éclatée et fragilisée.

• Libres et égaux (Liberi e Uguali) une coalition des groupes : Movimento democratico e progressista, Sinistra italiana et Possibile ; ex-satellite du Parti démocratique.

• Liste du peuple pour la Constitution (Lista del Popolo per la Costituzione) ; un mouvement constitutionnaliste, souverainiste, anti-gros.

• Pouvoir au peuple (Potere al popolo), dont nous traduisons le programme. C’est un agrégat très hétéroclite, constitué surtout d’associations populaires, de syndicats de base, d’ONG, de mouvements populaires environnementalistes, notamment des grands mouvements nationaux contre le train à grande vitesse au Nord et contre le gazoduc Azerbaïdjan-Italie au Sud, etc. On y trouve également le Parti communiste italien nouvelle version, une sorte d’accommodation des restes de l’ancien Parti communiste post-stalinien, et Rifondazione comunista – né en 1991 en opposition à la dissolution du Parti communiste italien et ayant regroupé diverses forces dont Democrazia Proletaria, son l’évolution l’a conduit à des rapprochements avec des forces du centre gauche –, ainsi que Sinistra anticapitalista, une organisation qui tente une réelle réflexion anticapitaliste, avec une implantation sociale et syndicale en rupture avec les appareils traditionnels de la gauche.

Sans revenir sur les antécédents ayant mené à sa création, disons que Potere al popolo est né d’un appel lancé par un centre social napolitain nommé ex-Opg Je so’ pazzo ; Je so’ pazzo signifiant je suis fou, et l’association occupe un Hôpital psychiatrique judiciaire désaffecté (ex-Ospedale psichiatrico giudiziario, d’où le nom ex-Opg). Le mouvement a rapidement connu une large diffusion sur le plan national, sous forme d’assemblées constituantes autour de larges coalitions locales ou régionales (plus de 150 à ce jour) qui reprennent le sigle Potere al popolo et ont participé à la réélaboration de son programme rédigé par les initiateurs. Il a conflué dans une grande assemblée du 17 décembre à Rome, lancement officiel du mouvement.

Les groupes locaux et régionaux sont des assemblages très hétérogènes. Leur succès s’est frayé un chemin à travers l’échec d’une autre tentative du même type, mais nettement plus institutionnelle et sans dynamique anticapitaliste, lancée par l’Alliance populaire pour la démocratie et l’égalité. Ce succès exprime aussi le profond dégoût de larges couches populaires, notamment de jeunes, pour les partis institutionnels de la droite de droite et de la gauche de droite, c’est-à-dire de tout l’échiquier institutionnel (y compris, paradoxalement, certaines formations qui ont adhéré à Potere al popolo, comme le Parti communiste ou Rifondazione comunista). C’est probablement ce même phénomène de déception devenue dégoût voire rancœur à l’égard des partis politiques traditionnels et à leurs nouveaux clones fragmentés et coalisés, qui fait la force de Potere al popolo, mais aussi du Mouvement 5 Etoiles et, en partie, de l’extrême droite Italia agli Italiani, cela dit malgré les différences capitales entre ces trois composantes. La comparaison s’arrête là.

Eléments clés d’un contexte électoral

Certains éléments sont déterminants pour comprendre le contexte électoral du 4 mars en Italie.

1° L’effrayante décomposition sociale de la société italienne, avec une masse impressionnante de « misérables » – les statistiques donnent plus de 18 millions de personnes « en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale » (30% de la population du pays en 2016)[4], avec une surreprésentation du Sud, mais tendanciellement aussi du Nord-Est et du Nord-Ouest. Lorsque l’on considère ce genre de statistiques, il faut toujours avoir à l’esprit que des millions de personnes n’y émargent pas, étant dans les franges statistiquement au-dessus, toutefois également en situation de réelle pauvreté. À quoi s’ajoute l’inexorable récurrence, depuis trois décennies, des attaques aux protections des salariés, sur le plan de la législation du travail, des conventions collectives de travail et de l’entreprise (un grand nombre d’articles illustrent ceci sur https://alencontre.org/?s=Italie).

2° Il faut mettre en perspective les immenses irresponsabilités de la gauche face aux salarié·e·s. Il y a eu l’entrée, en 1963, des socialistes (PSI) dans le gouvernement porté par la Démocratie chrétienne, l’OTAN et les arrangements avec la Mafia, épisode qui se terminera en 1994 – après que le PSI a fabriqué la créature Berlusconi – par les détournements de fonds et la fuite du leader socialiste et ex-premier ministre Bettino Craxi chez son ami le dictateur tunisien Ben Ali.

Il y a eu aussi l’entrée du Parti communiste (PCI) dans la salle d’attente des gouvernements de la Démocratie chrétienne, voulant co-gouverner avec le parti de toutes les mafias, manoeuvre pompeusement nommée compromis historique, dès 1973. Cela se termine par l’expulsion du PCI de ladite salle d’attente en 1980. Il y a eu ensuite l’entrée du PCI dans la social-démocratie européenne, en 1986, tandis que les socialistes européens appliquaient l’austérité contre les travailleurs dans leurs pays respectifs et commençaient à mettre en place la machine de guerre anti-salariés européens et extra-européens nommée Schengen.

Il y a eu également, après la chute du Mur de Berlin et la subséquente explosion du PCI, la naissance de ses divers « sous-produits » successifs : le Parti démocratique de la gauche, Refondation communiste, les Communistes italiens, les Démocrates de gauche, le Parti démocratique, Gauche écologie et liberté, Libres et égaux, Possible, Gauche italienne, Mouvement démocratique et progressiste, tous impliqués, à des degrés divers, dans l’appareil d’Etat et dans les projets gouvernementaux d’austérité, d’attaque aux conditions de travail et de salaire et d’exclusion des couches les plus marginalisées, de confinement des droits démocratiques, de rejet des « immigrations non choisies ».

3° Tout cela a permis à la droite sous ses diverses formes de rester sinon crédible, du moins aussi crédible que la gauche. Cela profite non seulement à Forza Italia de Berlusconi, qualifié par certains de « Trump italien avant Trump ». Mais aussi à son précieux allié la Lega, qui a mis sa xénophobie anti-Méridionaux au rancart pour se lâcher contre les musulmans, les Nord-Africains, les Noirs. Récemment l’un de ses théoriciens, Gianfranco Miglio, s’est exprimé contre « l’universalisme anti-racial qui veut que tout le monde soit égal, du singe à Einstein »[5]. Tandis qu’Attilio Fontana, le probable futur candidat gouverneur de la Lombardie (Milan), vient d’expliquer, à la radio de la Lega, que « si nous acceptons tous les migrants, nous ne serons plus nous (…). Nous devons décider si notre ethnie, notre société, notre race blanche doit continuer à exister ou si elle doit être anéantie. Ce n’est pas une question d’être raciste ou xénophobe. »[6] Les deux partis rivalisent en matière de propositions fiscales favorables aux riches et aux firmes, de nouvelles attaques contre les salarié·e·s et les retraité·e·s. Ces compromissions à répétition de la gauche ont profité également au Mouvement 5 Etoiles, qui monte en puissance avec une rhétorique contradictoire, de division des salariés (ceux d’ici et les autres), partiellement sociale et partiellement anti-dépenses sociales sous couvert de lutte contre le gâchis, un programme anti-impôts, anti-immigrés, pour une justice plus expéditive.

4° Dans ce contexte de désenchantement, de rancœur et de dépit, on assiste à une inquiétante tentative de recomposition de l’extrême droite néo-fasciste. Les trois composantes de Italia agli Italiani (Forza Nuova, CasaPound et Fiamma Tricolore) mettent en avant les thèmes classiques des droites fascisantes et fascistes européennes : la résistance nationale face à l’invasion immigrée, à travers la grande remigration (expulsions en masse) et la révolution démographique contre la substitution (politiques natalistes des « nôtres »), la lutte pour les droits sociaux réels (droits sociaux octroyés selon la préférence nationale) contre les droits civils (droits démocratiques universels), ainsi que le thème de la souveraineté monétaire contre le pouvoir financier international (un discours anti-gros, nationaliste et en aucune mesure anti-capitaliste). La Lega joue ici le rôle de pont entre cette coalition d’extrême droite et Forza Italia, mais aussi entre l’extrême droite et certains secteurs de la classe dominante d’Italie.

5° Sans sous-estimer le potentiel riche et intéressant que représente le programme et la base militante active et implantée de Potere al popolo, nous pensons que dans ce dangereux contexte certaines faiblesses et ambiguïtés du texte ne sont pas rassurantes. Le programme colporte l’illusion de pouvoirs populaires à reprendre : réappropriation de la souveraineté populaire, reconquête des droits sociaux, redonner la centralité et la dignité aux travailleurs… Comme si avant les rafales d’attaques du néoconservatisme, depuis les années 1980, ces droits avaient effectivement existé. Il se réfère à des valeurs national-patriotiques, telle « la volonté du peuple italien » ou « notre pays » mentionnées de façon récurrente. La Constitution, dans sa version d’après la seconde guerre mondiale, est présentée uniquement comme produit de la Résistance, de la lutte de libération contre le nazi-fascisme ; et non pas aussi comme un alignement de principes soit volontairement abstraits et non applicables, soit purement proclamatoires : république démocratique fondée sur le travail, justice administrée au nom du peuple, devoir indérogeable de solidarité politique, économique et sociale, reconnaissance et garantie des droits inviolables de l’homme, devoir de supprimer les obstacles d’ordre économique et social qui limitent le plein développement de la personnalité humaine, etc. etc.

Le programme contient une phrase peu claire au sujet de l’Organisation du Traité Atlantique Nord (OTAN), dans la mesure où il est question, d’un côté, de « résilier tous les traités militaires » et de l’autre de « la rupture du lien de subalternité qui nous lie à l’OTAN ». Pourquoi pas simplement la sortie de l’OTAN ?

Enfin, quelques mentions sont faites à la « perspective d’une société alternative au capitalisme », à la construction d’un « pouvoir populaire », à « une perspective de société alternative au capitalisme », tout à la fin du programme, dans une sorte de déclaration d’intention conclusive. Elle est sans articulation avec des mouvements sociaux donnés et leurs perspectives. Si ce n’est l’affirmation que les luttes en cours sont l’embryon de cette alternative, sans aucune référence plus construite à l’anticapitalisme, sans tenter d’avancer des propositions plus solides pour établir des ponts entre luttes sociales données et lutte anticapitaliste.

Pour conclure ces lignes introductives : Potere al popolo et son programme constitue une dynamique mouvementiste qui ne saurait être jugée avant d’avoir fait ses preuves et qu’il est peut-être adéquat d’y prendre part. La force d’une telle coalition réside dans le spectre très large et extrêmement différencié de ses composantes territoriales, sociales, partisanes, associatives, de sensibilité et de radicalisation, d’implantation dans des mouvements de natures fort différentes. Mais c’est là également sa faiblesse. Les forces centrifuges vont être énormes, les tensions d’autant plus graves et la propension au compromis plus dangereuse, les risques d’instrumentalisation par des partis dits de gauche réels. Cependant, plus que les résultats électoraux, c’est la tournure que prendra la campagne de Potere al popolo, d’ici les élections mais aussi et surtout après le 4 mars, qui sera décisive pour la suite et son évolution. (24 janvier 2018)

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[1] Le programme en italien est disponible sur le site de Potere al popolo, (https://poterealpopolo.org/potere-al-popolo/programma/)

[2] Depuis 25 ans les mondains des médias et de la politique professionnelle donnent des noms latins aux systèmes électoraux qui se suivent et qui ne changent rien à la paupérisation des salariés du pays et à la descente aux Enfers des masses toujours plus nombreuses de miséreux ; la dernière loi électorale, de novembre dernier est ainsi nommée Rosatellum, du nom d’Ettore Rosato, chef du groupe parlementaire du Parti démocrate à la Chambre des députés, qui en a été l’un des principaux auteurs.

[3] Tommaso Ciriaco, dans l’article Legge elettorale, niente voto disgiunto e precedenza ai capilista bloccati : perché è a rischio il modello “tedesco”, quotidien La Repubblica, 02/06/2017, expose les sophistications du nouveau système électoral.

[4] Selon Eurostat. Les personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale regroupent :

– les personnes en risque de pauvreté, soit celles vivant dans un ménage disposant d’un revenu disponible équivalent-adulte inférieur au seuil de pauvreté qui est fixé à 60% du revenu disponible équivalent médian national (après transferts sociaux) ;

– les personnes en situation de privation matérielle sévère ont des conditions de vie limitées par un manque de ressources et sont confrontées à la privation d’au moins 4 des 9 éléments de vie essentiels (nous passons la liste) ;

– les personnes vivant dans des ménages à très faible intensité de travail sont les personnes âgées de 0 à 59 ans vivant dans des ménages dans lesquels les adultes (âgés entre 18 et 59 ans) ont utilisé en moyenne moins de 20% de leur potentiel total de travail au cours de l’année passée (les étudiants sont exclus).

[5] Gian Antonio Stella, Bingo, bongo, scimmie : i « lapsus » della Lega, quotidien Corriere della Sera, Milan, 16/01/2018

[6] Attilio Fontana sur la radio de la Lega le 15 janvier 2018, cité par Jérôme Gautheret, La Ligue du Nord provoque pour exister, quotidien Le Monde, Paris, 19/01/2018.


Programme du mouvement Potere al popolo

Traduction française et notes, Dario Lopreno

OÙ IL Y AVAIT UN NON, NOUS CONSTRUIRONS UN OUI

Nous nous sommes battus et nous continuerons à nous battre, pendant et après les élections, afin d’opposer un front à la barbarie qui a désormais mille facettes : le travail exploiteur et humiliant, la pauvreté et l’inégalité, les migrants que l’on laisse se noyer dans les mers et océans, les catastrophes environnementales, les nouveaux fascismes, les violences faites aux femmes, les répressions croissantes, la négation des droits démocratiques. Sur Terre, 8 personnes détiennent la même richesse que 3.6 milliards d’êtres humains. Nous avons la capacité de nourrir 12 milliards d’êtres humains, mais 1 milliard d’entre eux souffrent de la faim. Ce sont là les conséquences de choix politiques qui ont concentré pouvoirs et richesses dans les mains des riches, qui plus est dans une proportion sans précédent, démantelant les droits élémentaires de tout un chacun, transformant chaque chose en marchandise, privatisant les réponses sociales aux besoins des salariés, imposant la compétition de tous contre tous comme mode universel de relations sociales. À tout cela nous disons NON, mais au-delà de ce NON il y a le OUI que nous voulons construire.

Ce OUI c’est le #poterealpopolo [#pouvoiraupeuple], la réappropriation de la souveraineté populaire à tous les niveaux et sur tous les plans de la société.

C’est la réaffirmation du droit à un travail libéré de la précarité et de l’exploitation, la reconquête des droits sociaux, la sauvegarde de la nature, l’affirmation des droits des femmes.

Le programme que nous présentons pour les élections politiques parle de notre pays, mais il est connecté à tous les mouvements et sujets politiques qui luttent, partout dans le monde, contre l’exploitation, la destruction de la vie, pour les droits et la démocratie, autrement dit contre le capitalisme qui se présente aujourd’hui sous la face barbare du néolibéralisme. Ce sont ces mouvements qui, partout en Europe et dans le monde, représentent réellement la nouveauté, parce qu’ils posent avec clarté la nécessité de construire une alternative aux politiques de ces trois dernières décennies en désignant tout aussi clairement l’adversaire.

Nous sommes des femmes et des hommes décidés à combattre l’oppression raciste, de classe et de sexe, la guerre, la dévastation de la nature et de la vie. Nous sommes des personnes et des organisations démocratiques et antifascistes, communistes et socialistes, féministes et écologistes. Nos trajectoires sont différentes, mais nous voulons construire une histoire commune à celles et ceux qui ne se résignent pas devant l’injustice, l’exploitation et la violence endémiques, celles et ceux qui veulent changer les choses.

Nous sommes le peuple rebelle. Nous voulons nous réapproprier le présent et le futur.

DÉFENSE ET REDYNAMISATION DE LA CONSTITUTION NÉE DE LA RÉSISTANCE

Notre République est fondée sur le travail : ces mots figurent dans le premier article de notre Constitution, née de la lutte de libération contre le nazi-fascisme. Le Référendum du 4 décembre [2016][1] a démontré clairement la volonté du peuple italien de défendre la charte constitutionnelle.

Nous ne nous limitons pas à la défendre, nous voulons remettre à l’ordre du jour les idéaux de ceux qui ont fait la Résistance, pour édifier une société fondée sur la dignité et les droits des travailleuses et des travailleurs, sur l’élimination des discriminations, sur le principe de l’égalité substantielle [au-delà de l’égalité formelle], sur les droits sociaux, la sauvegarde des patrimoines environnemental et artistique, le refus de la guerre.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Redonner une dignité et une centralité aux salariées et aux salariés.
  • Œuvrer pour le dépassement des discriminations de sexe, de race, de langue, de religion et d’orientation sexuelle et pour la suppression des obstacles économiques et sociaux qui vont à l’encontre de l’égalité.
  • Abroger l’article 7 de la Constitution et sa mention aux Pactes du Latran[2], afin d’affirmer la laïcité de l’Etat dans toutes les sphères de la vie publique.
  • Promouvoir et soutenir la culture et la recherche scientifique, sauvegarder les patrimoines environnemental et artistique.
  • Répudier la guerre et couper drastiquement dans les dépenses militaires.
  • Supprimer le mécanisme de l’équilibre budgétaire, introduit récemment[3], qui sacrifie la vie et la dignité des travailleuses et des travailleurs au nom de l’équilibre financier et des paramètres européens.
  • Remettre en vigueur le titre V de la Constitution tel qu’il était avant la réforme de 2001[4].
  • Faire opposition par tous les moyens possibles aux CETA, TISA, TTIP[5] et autres traités internationaux aberrants qui veulent effacer jusqu’à la moindre apparence de souveraineté populaire et démocratique au nom de la primauté du profit.
  • Remettre en œuvre l’élection du Parlement à la proportionnelle, à la fois contre le système majoritaire et contre le renforcement du pouvoir exécutif.
  • Faire face aux organisations fascistes et les dissoudre, confisquer leurs patrimoines en les réinvestissant pour des objectifs de politique sociale, comme cela se pratique déjà pour les organisations mafieuses.

UNION EUROPÉENNE

Au cours des 25 dernières années, l’Union européenne (UE) n’a cessé d’accroître sa présence dans notre quotidien : de Maastricht [dette et déficit publics] à Schengen [mise en concurrence des salariés entre eux et immigration choisie par la dite libre circulation des personnes], du processus de Bologne [uniformisation des standards de formation et prolongement des études avec diminutions des aides à l’étude] au Traité de Lisbonne [instaurant une démocratie européenne sans fonctionnement démocratique européen] et jusqu’au Fiscal Compact [Traité sur la stabilité, la coopération et la gouvernance de l’Union économique et monétaire], les pires pratiques anti-populaires trouvent leur justification dans le nécessaire respect des traités. Les riches, les patrons des grandes multinationales, des grandes industries, des banques, les classes dominantes du continent profitent de ce « nouvel » instrument de gouvernement qui, doublé du « vieil » Etat national, appauvrit et opprime toujours plus celui qui travaille. L’Union européenne est un instrument des classes dominantes, elle facilite la mise en application des infâmes « réformes structurelles » sans contrôle démocratique.

Le rêve européen de tous ceux qui ont cru qu’il était possible de construire un espace de paix et de progrès s’est violemment heurté à la dure réalité d’une institution au service des intérêts de quelques-uns. Nous nous sentons proches des peuples de ce continent, avec lesquels s’est entrecroisée et s’entrecroise notre histoire et qui souffrent autant que nous de décennies de politiques néolibérales : c’est tous ensemble que nous voulons reconstruire la primauté des classes populaires au sein de l’espace européen.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Faire capoter l’Union européenne des traités.
  • Construire une autre Europe, fondée sur la solidarité entre les salariées et les salariés, sur les droits sociaux, déployant des initiatives de paix et des politiques concertées avec les peuples du sud de la Méditerranée.
  • Refuser l’obsession de la gouvernabilité, la réduction du pouvoir du Parlement, le renforcement des exécutifs, l’imposition des décisions par le haut sous le prétexte que « l’Union européenne le veut ».
  • Défendre le droit des peuples à s’exprimer sur toutes les décisions prises à leur sujet, déjà en vigueur ou futures, à quelque niveau que ce soit – commune, région, Etat, Europe -, au moyen du référendum.

PAIX ET DÉSARMEMENT

Le risque que les guerres disséminées qui frappent la planète deviennent endémiques et entraînent le monde dans un conflit généralisé et dévastant est une réalité de notre temps. C’est dans ce contexte que s’inscrit la reprise de la course aux armements par la très agressive administration Trump, qui vient de demander aux membres de l’OTAN [l’Organisation du traité atlantique Nord] de porter leurs dépenses militaires à 2% du Produit intérieur brut [PIB]. Notre pays s’est déjà impliqué dans des guerres d’agression, à cause de sa participation à l’OTAN, avec la responsabilité pleine et complice des gouvernements qui se sont succédé dans les trois dernières décennies. Que ce soit dans le cadre de l’OTAN ou dans celui de l’armée européenne naissante, les bases militaires pullulent sur notre territoire (notamment en Sicile, Campanie, Sardaigne), de nouvelles bases nucléaires s’installent à Ghedi [Lombardie] et Aviano [Frioul-Vénétie julienne], la production et les dépenses militaires augmentent. Ainsi ce sont quelque 800 millions d’euros annuels qui ont été dilapidés pour les « missions » militaires à l’étranger et pour le réarmement, 500 millions d’euros annuels pour les indemnités des 50’000 soldats parqués dans les bases militaires US et de l’OTAN, au total 80 millions d’euros par jour pour l’ensemble des dépenses militaires.

L’abandon des traités militaires est la condition pour que notre pays ne soit pas impliqué dans les guerres impérialistes du XXIe siècle, ainsi que pour parvenir à réduire massivement les dépenses militaires, à démanteler les armements et les bases nucléaires, à désarmer tout court et pour promouvoir une politique de désarmement et de coopération internationale.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Rompre le lien de subalternité qui nous lie à l’OTAN et résilier tous les traités militaires.
  • Ratifier le Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires du 7 juillet 2017, en cohérence avec l’article 11 de la Constitution.
  • Se retirer de toutes les missions militaires à l’étranger.
  • Réduire à néant le programme F35[6] et les autres programmes militaires et promouvoir la reconversion de l’industrie d’armements.
  • Démanteler le système MUOS[7] sur sol italien ainsi que toutes les bases militaires et les ogives nucléaires, et restituer les territoires militaires aux usages civils, problème particulièrement grave en Sardaigne.

POUR LES DROITS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS, POUR LE DROIT AU TRAVAIL

On nous annonce quotidiennement la sortie du tunnel, la remontée des indicateurs de l’emploi, grâce aux réformes structurelles et au Jobs Act[8] en particulier.

C’est faux. Les heures de travail traduites en emplois plein temps indiquent un million de postes en moins par rapport à l’avant-crise[9], tandis que la croissance du nombre des personnes actives [il ne s’agit donc ni d’heures de travail ni d’équivalents plein temps] ne fait qu’enregistrer l’augmentation des contrats précaires, des temps partiels imposés et du sous-emploi. Les gouvernements Renzi et Gentiloni[10] se sont limités à faire des cadeaux aux entreprises – plus de 40 milliards dans les trois dernières années – tandis qu’ont été légalisés les licenciements illégitimes, les rétrogradations, la vidéosurveillance, la plus grande précarité autant du travail salarié qu’indépendant. Ce dernier n’étant, dans bien des cas, indépendant que de nom, ce dont témoignent le grand nombre de codes TVA (chaque entreprise en a au moins un) qui cachent des travaux à la tâche, subordonnés, payés une bouchée de pain et ne donnant aucun droit au bénéficiaire.

C’est là une lame de fond qui frappe l’Italie, du paquet Treu à la Loi 30[11], du travail connecté à l’article 8 de la Loi Fornero[12] et au Jobs Act[13] : précarité, perte de droits et baisse des revenus sont la règle, la richesse se déplaçant de plus en plus du travail vers le capital et la rente. Si tu es femme, ta situation est encore pire. Si tu es jeune, tu es encore plus exploité et ton travail est même gratuit (stage, apprentissage, alternance école/travail[14], etc.). L’émigration ne cesse de croître : il ne s’agit pas uniquement de fuite de cerveau, mais d’un pur et simple exode de milliers de personnes – plus qu’il n’en arrive dans le pays – à la recherche d’un travail et d’un salaire.

Par ailleurs, avec la déréglementation des normes de sécurité sur le lieu de travail, de prévention des accidents et des maladies professionnelles, on continue de mourir au travail. La démocratie sur le lieu de travail et le droit de grève subissent des attaques constantes.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Abroger le Jobs Act, la Loi Fornero sur le travail et toute législation qui nie le droit à un travail stable et sûr.
  • Supprimer les divers contrats de durée déterminée, qui n’ont pas lieu d’être, et les vouchers[15].
  • Mettre hors la loi tout travail gratuit, effectué à quelque titre que ce soit.
  • Faire opposition au caporalat, à l’esclavage moderne, au travail au noir [non déclaré] et gris [partiellement déclaré].
  • Annuler l’article 8 de la Loi 148/2011, qui permet aux conventions collectives de travail locales ou d’établissement de déroger en pire par rapport aux conventions nationales [territoriales ou d’entreprise], ainsi qu’à la législation sur le travail ; annuler également la Loi 183/2010 sur le travail lié (collegato lavoro)[16].
  • Abolir les Ordres professionnels[17] ; introduire une juste indemnisation des travailleurs indépendants et les intégrer aux amortisseurs sociaux [chômage partiel et complet, accident, maladie, maternité, etc.] prévus pour les travailleurs salariés.
  • Remettre en vigueur de l’article 18 [de la Loi 300/1970, le Statut des travailleurs, autrement dit la Loi sur le travail][18] et l’étendre aux entreprises de moins de 15 salariés.
  • Réintroduire l’échelle mobile des salaires[19].
  • Mettre fin aux discriminations de genre et aux disparités salariales.
  • Augmenter les fonds et les ressources en personnel pour les contrôles sur la sécurité au travail ;
  • Réintroduire un réel droit de grève, en modifiant la Loi 146/1990 [limitation du droit de grève dans les services publics].
  • Instaurer légalement la démocratie sur le lieu de travail, afin de garantir à tout un chacun le droit de choisir librement ses représentants syndicaux : tout électeur ou tout candidat doit avoir le droit de participer à toute consultation sur le lieu de travail, même s’il est opposé aux accords existants ou soumis au vote [ce qui n’est pas le cas actuellement].
  • Enrayer la fuite des jeunes d’Italie en réaffirmant le droit au travail ; pour ce faire, il faut un Plan pour l’emploi centré sur :

– la limitation de la semaine de travail à 32 heures, mesure d’autant plus nécessaire que l’automatisation de la production avance à grands pas ;

– des investissements publics en matière industrielle et dans la reconversion écologique de l’économie ;

– l’engagement dans le secteur public afin de renforcer le welfare ; le ratio salariés du secteur public sur population du pays est, en Italie, l’un des plus bas d’Europe : 5.2%, pour 8.5% en France, 7.9% en Grande-Bretagne, 6.4% en Espagne, 5.7% en Allemagne.

– la réduction de l’horaire de travail tout au long de la vie.

PRÉVOYANCE

Au cours des dernières années les attaques aux droits et conditions de travail ont été constantes, contre les actifs, contre les retraités, contre les chômeurs. Les réformes contre les retraites, notamment celles des ministres [Amato, 1992], Dini [1995], Maroni [2010] et Fornero [2011] ont gravement réduit les montants de la pension tout en accroissant l’âge d’accès à la retraite. Les effets de la dernière de ces modifications ont été très violents pour les salariés âgés encore actifs qui ne parviennent plus à travailler, pour les femmes qui subissent injustement le double poids du travail productif et du travail reproductif, pour les jeunes qui se heurtent à l’obstacle du travail imposé aux travailleurs âgés. Au cours des 3 dernières années les actifs de plus de 50 ans ont crû de 1 million, tandis que les contrats précaires ont augmenté de 500’000 unités.

Ces contre-réformes ont été justifiées au nom de la fragilité du système des retraites. Pourtant le ratio entre contributions versées et retraites octroyées, nettes d’assistances et d’impôts, est positif depuis 1996, grâce aux contributions des salariés qui versent bien plus qu’ils ne toucheront.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Abroger la réforme Fornero.
  • Instaurer des retraites dignes, proportionnelles au dernier salaire.
  • Accorder le droit à la retraite à 60 ans ou après 35 ans de contributions.
  • Indexer les retraites minimums au coût de la vie, pour une vieillesse digne.
  • Instituer un droit à la retraite dès 15 ans de contributions, en tenant compte des versements effectués par l’Etat [en période de maladie, maternité, chômage complet ou partiel, invalidité, etc.].
  • Introduire, pour les retraites futures [sans effet rétroactif] un plafond du montant de la retraite – tous versements cumulés – de 5000 euros bruts par mois.
  • Supprimer les caisses de pension privées, en les intégrant à la gestion publique de l’INPS (l’Institut national de prévoyance sociale].
  • Séparer prévoyance et assistance.

ECONOMIE, FINANCE, REDISTRIBUTION DE LA RICHESSE

L’article 3 de la Constitution [égalité de tous devant la loi et en matière de dignité sociale] est incompatible avec les choix scélérats effectués en matière d’économie et de finances des gouvernements de ces trois dernières décennies. Nous répétons ici la nécessité d’effacer l’obligation de l’équilibre budgétaire introduit dans la Constitution et de désobéir au Fiscal Compact[20]. Nous pensons en outre qu’il est urgent de transférer la richesse des rentes et du capital vers le travail et les salaires, ainsi que de reconstruire un contrôle démocratique public sur l’économie, pour lutter contre le chômage de masse, la précarité, la pauvreté. Nous devons également frapper l’évasion fiscale, qui soustrait annuellement plus de 110 milliards d’euros aux salaires et aux dépenses sociales, et redistribuer la richesse en faveur des démunis.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Imposer les grandes fortunes : l’1% le plus riche détient le 25% de la richesse nationale, soit 415 fois plus que ce qui est possédé par le 1% le plus pauvre.
  • Rétablir la progressivité du système fiscal, conformément aux exigences constitutionnelles, en abaissant la fiscalité sur les bas revenus et en l’augmentant sur les plus hauts : lors de son introduction, l’Irpef [Impôt sur le revenu des personnes physiques] prévoyait 32 paliers de revenu, avec un taux d’imposition allant de 10% pour les plus bas revenus à 72% pour les plus hauts, alors qu’aujourd’hui il n’y a plus que 5 paliers, allant de 23% à 43%.
  • Contrer sérieusement la grande évasion et la grande fraude fiscales, en commençant par celles des multinationales (Google, Amazon, Apple, etc.).
  • Mettre fin aux saupoudrages de transferts en faveur des entreprises et aux baisses récurrentes de l’imposition des bénéfices.
  • Récupérer les capitaux et les rentes cachés.
  • Agir contre les relations avec les paradis fiscaux des entreprises ayant leur siège en Italie.
  • Mettre un terme aux privatisations et aux externalisations [sous-traitance systématique], à la liquidation du patrimoine manufacturier et ré-instituer le contrôle public sur les industries et les infrastructures stratégiques privatisées au cours des années passées.
  • Fixer un plafond pour les salaires et les indemnités des grands managers.
  • Nationaliser la Banque d’Italie et fonder un Pôle financier public de crédit à partir de la reprise, par le secteur public, de la Caisse des dépôts et des prêts[21] et des principales banques, afin de soutenir les entités locales dans leurs projets d’utilité publique.
  • Rétablir la séparation entre caisses d’épargne et banques d’affaires.
  • Instaurer une Commission pour l’audit de la dette publique, dans la perspective de sa renégociation et de sa restructuration, remettant en question la quote-part de la dette détenue par le grand capital spéculatif et mettre sur pied une conférence internationale sur la dette. La dette publique italienne ne provient pas d’un train de vie au-dessus de nos capacités : le solde des entrées et sorties de l’Etat est positif, compte non tenu des intérêts de la dette, depuis environ 25 ans (pour un montant de 672 milliards d’euros de 1980 à 2012) ; mais nous nous sommes endettés à concurrence de quelque 2’200 milliards à des taux d’intérêt usuraires à verser à la finance privée[22].

ÉCOLE, UNIVERSITÉ, RECHERCHE

L’école, l’université et la recherche ont été massacrées à la hache par le néolibéralisme. Fonds coupés, attaques à la liberté d’enseignement et à la recherche, précarisation du travail, blocage des salaires sont devenus la norme depuis des décennies. Nous pensons que la formation est l’un des piliers de la démocratie, c’est pourquoi nous revendiquons une école publique de qualité, ayant pour but l’acquisition d’un savoir critique et non de simples compétences fonctionnelles répondant à la logique du marché, gratuite quel que soit le degré, laïque, accessible à tout un chacun. Nous voulons une université publique, gratuite, un réel droit aux études pour celui qui n’a pas suffisamment de moyens financiers, une recherche libre des intérêts économiques et de toute pression, une université autonome, dépendant uniquement des fonds publics, au service de la collectivité.

Dans cette optique nous nous référons à la LIP Pour l’école et la Constitution[23] (www.lipscuola.it) et nous reconnaissons l’autonomie du sujet collectif et pluriel qui a généré ce projet et qui le porte.

C’est pourquoi nous luttons pour

  • Effacer toutes les réformes qui ont mené l’école, l’université et la recherche à leur dénuement actuel, les mettant à la merci des exigences des entreprises.
  • Couvrir tous les besoins de la population en termes de crèches et d’école publique de la petite enfance.

Relancer la collégialité et la vie démocratique dans les écoles, supprimer la fonction de dirigeant-manager.

  • Impartir un maximum de 20 élèves par classe et généraliser le plein temps pour le premier cycle[24] de l’école, ainsi que la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans.
  • Eliminer l’alternance école-travail[25].
  • Abolir les test INVALSI[26].
  • Défendre le caractère publique de l’instruction, supprimer le financement public des écoles privées.
  • Adapter les salaires du personnel de l’enseignement à tous les niveaux, engager tous les précaires dès 36 mois de service et mettre fin à tout engagement précaire [pour une tâche fixe] dans le futur.
  • Rendre gratuites les études universitaires et post-universitaires publiques.
  • Rémunérer les doctorants et toute forme de collaboration professionnelle dans le cadre universitaire.
  • Supprimer l’ANVUR[27].
  • Accroître le pourcentage du PIB consacré à l’instruction, ainsi que des fonds d’institut [soit les ressources financières accordées à l’école pour les activités extraordinaires demandées au personnel enseignant, administratif et technique], et augmenter le Fonds de financement ordinaire pour l’enseignement universitaire en fonction du nombre d’étudiants inscrits et non de critères liés à la prime au mérite.
  • Mener une politique plus sérieuse de soutien à la recherche, introduire la gratuité des livres nécessaires pour les épreuves et examens et instituer une réelle gratuité des études avec des conditions égales sur tout le territoire national.
  • Promouvoir un plan extraordinaire de construction de bâtiments scolaires, avec une attention particulière à la sécurité antisismique. (A suivre)

Notes

[1] Il s’agit du référendum du 4 décembre 2016, refusé par 59% des votants ; une réforme constitutionnelle qui avait notamment pour but de donner davantage de pouvoirs à l’exécutif et à la Chambre des députés (dite chambre basse), ainsi qu’à accélérer les procédures législatives, tout en réduisant à très peu de chose les pouvoirs du Sénat et en réduisant ceux des régions. [ndt]

[2] L’article en question énonce que l’Etat et l’Eglise catholique sont indépendants et souverains, mais que leurs rapports sont régis par les Pactes du Latran. Dans leur version révisée en 1984, ceux-ci induisent notamment la possibilité de reconnaître civilement le mariage religieux catholique, et réglementent la couverture d’une partie des besoins de l’Eglise à travers une contribution provenant de l’impôt national direct sur le revenu (l’IRPEF). [ndt]

[3] « Avec la loi constitutionnelle n. 1 de 2012, le Parlement a révisé les articles 81, 97, 117 et 119 de la Constitution, introduisant un principe de caractère général, selon lequel toutes les administrations publiques doivent assurer l’équilibre entre revenus et dépenses dans leur bilan ainsi que la viabilité de la dette, dans le respect des règles de l’Union européenne en matière économico-financière [il s’agit du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire, dit Pacte budgétaire européen] » (cf. Ragioneria generale dello stato, L’attuazione del principio costituzionale del pareggio di bilancio, Roma, 2013). [ndt]

[4] En 2001, la révision du titre V de la Constitution a élargi les prérogatives des régions en matière législative, de dépenses et d’organisation, en accroissant les autonomies locales – et donc également les inégalités régionales -, tout en ne réglant pas la question fiscale liée à ces nouvelles compétences régionales. [ndt]

[5] Le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) est un accord de libre échange commercial de l’Union européenne (UE) avec le Canada, pas encore ratifié par les Etats membres de l’UE mais déjà en vigueur ; le TISA (Trade in Service Agreement) est un accord de libre échange dans les services négocié entre 50 membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), y compris les pays de l’UE, actuellement au point mort mais donnant lieu à des tentatives de renégociations secrètes ; le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) est un accord de libre échange commercial entre l’UE et les Etats-Unis, que l’on donne souvent, et à tort, pour enterré. [ndt]

[5] Il s’agit du programme de développement industriel de l’avion de chasse F-35 Lightning II, mené par un consortium de la nécro-industrie dirigé par Lockheed Martin associé à Northrop Grumman, BAE Systems et Pratt & Whitney, auquel participent, outre les USA – l’Etat initiateur – l’Australie, le Canada, le Danemark, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Turquie, tandis que le Japon et Israël en sont déjà les clients. [ndt]

[7] MUOS (Mobile User Objective System) désigne un système de télécommunications militaires satellitaires de l’armée US, ayant l’une de ses bases en Sicile, à Niscemi, opérationnel pour les forces terrestres, navales et aériennes. [ndt]

[8] Le jobs Act (en vigueur depuis mars 2015) consiste, entre autres, dans une réforme du droit du travail qui simplifie les procédures de licenciements pour les contrats de durée indéterminée, limite le droit aux indemnités chômage et au chômage partiel, facilite les dérogations au cahier des charges du salarié, remet en cause l’inaliénabilité des vacances et flexibilise horaires et salaires. [ndt]

[9] Par « avant-crise » en Italie, il faut entendre avant 2008. [ndt]

[10] Le PD est un parti néo-conservateur, dit de « centre gauche » dans la langue des grands médias, né il y a 11 ans de la fusion de morceaux de l’ex-Démocratie chrétienne, de l’ex-Parti socialiste, de l’ex-Parti communiste et d’ex-partis de droite, écologistes et de gauche. Depuis 5 ans les présidents du Conseil des ministres (premiers ministres) sont du PD, soit successivement Enrico Letta, Matteo Renzi et aujourd’hui Paolo Gentiloni. [ndt]

[11] La Loi Treu, promulguée en 1997, au prétexte de combattre le chômage, a formalisé le travail intérimaire et amplifié les aménagements possibles du travail sous contrat de durée déterminée. La Loi 30, quant à elle, « donne la possibilité d’engager un salarié sous une infinité de contrats atypiques différents pour un même poste : durée indéterminée ou déterminée, intermittent ou sur appel, en insertion professionnelle ou en travail partagé, sur projet ou sur travail accessoire, avec ou sans voucher (le voucher est un mode de régularisation du travail accessoire, rémunéré par un salaire brut de 7,5 euros/heure, voté par le Parlement en 2003, par le gouvernement Berlusconi, supprimé en mars 2017 par le gouvernement Gentiloni puis réintroduit par le même gouvernement), association en participation, etc. Tous ces contrats sont dépourvus de droit à l’indemnité de chômage et d’autres amortisseurs sociaux, sans réel droit à une rétribution en cas de maladie ou d’accident et sans couverture digne en terme de pension de retraite. Le travailleur sous ces statuts est de surcroît disponible à toute heure et échappe aux contrats collectifs de travail dans plusieurs secteurs (nettoyage, transports, sécurité, informatique, construction, call center, etc.). [ndt]

[12] La Loi Fornero, dans sa version révisée de 2012, facilite le licenciement pour motif économique, dans la mesure où elle a sérieusement « réduit la possibilité de réintégration pour le travailleur licencié de manière injustifiée » (cf. Manfredi Alberti, 1997-2017. Da Treu al Jobs Act, cronistoria del precipizio dei diritti, quotidiano Il Manifesto, Roma, 14/07/2017). L’article 8 de la Loi Fornero prescrit que le patron qui engage, sous contrat de durée indéterminée, un salarié ayant été au chômage depuis 24 mois ou plus, peut ne verser que le 50% des charges sociales durant 36 mois, voire 0% pour les entreprises artisanales et les entreprises évoluant dans le Sud, soit les régions les plus défavorisées (cf. studiocerboni.com, Assunzioni agevolate legge 407/1990 art. 8 e legge 92/2012). [ndt]

[13] Cf. Note 8.

[14] L’alternance école-travail a été introduite, selon le « principe de l’école ouverte », par la Loi 107/2015, dite La buona scuola (La bonne école, sic !) ; elle est obligatoire et consiste dans l’obligation, pour tous les élèves des trois dernières années de la scolarité secondaire supérieure, d’effectuer 400 heures sur trois ans (lycées) ou 200 heures sur trois ans (formation professionnelle) de travail dans une entreprise, dans le but de « consolider les connaissances acquises à l’école et de tester sur le terrain les aptitudes des étudiantes et étudiants, afin d’enrichir leur formation et de les aider à orienter leur parcours d’études et leur futur professionnel » (cf. Site Internet du Ministère de l’instruction, de l’université et de la recherche, http://www.istruzione.it/alternanza/). [ndt]

[15] « Est acausal le contrat de travail de durée déterminée pour lequel l’employeur ne doit pas spécifier les raisons techniques, productives, organisationnelles qui en justifient le caractère déterminé. Avec ce décret-loi (Dl 34), un contrat acausal peut aller jusqu’à 36 mois, renouvelable 8 fois » (cf. Il sole 24 Ore, quotidien, Milan, 03/05/2016). Quant aux vouchers, voir la note 11. [ndt]

[16] La Loi 183/2010 sur le travail lié (collegato lavoro) s’inscrit dans la logique de diversification des types de contrat destinée à accroître le pouvoir des employeurs. Elle impose d’importantes limitations aux droits des salariés pour faire recours à la justice dans les situations d’abus patronal. La CGIL (Fédération des travailleurs de la connaissance) a développé un important commentaire critique des dispositions de cette loi (cf. Commento su Legge 183 del 4 novembre 2010 (Collegato lavoro), sur http://www.flcgil.it/files/pdf/20101125/scheda-flc-cgil-commento-su-legge-183-del-4-novembre-2010-collegato-lavoro-novembre-2010.pdf). [ndt]

[17] Les Ordres professionnels regroupent les professions (avocats, notaires, médecins, journalistes, etc.) dont les titres sont protégés légalement et les activités réglementées par un ministère (généralement celui de la justice) ; ils sont les gardiens d’un monopole de l’ordre sur la profession, des tarifs pratiqués, de l’obligation d’inscription, etc., empêchant bien des personnes d’entrer dans la profession (examens d’entrée, formation non payée ou à peine, taxes et émoluments), imposant des formations obligatoires dans des conditions quasi esclavagistes, tout en limitant l’offre de la profession en question dans une logique corporatiste. [ndt]

[18] L’article 18 du Statut des travailleurs, ancienne version, imposait d’importantes protections contre le licenciement abusif, notamment par une possible décision de justice obligatoire de réintégration, assortie d’une indemnisation du salarié voire d’une compensation pour perte d’indemnités en vue de sa retraite. Il peut être consulté sur Internet (http://www.pane-rose.it/files/index.php?c3:o44666). [ndt]

[19] L’échelle mobile des salaires signifie l’indexation automatique des salaires à l’indice des prix, permettant ainsi aux salariés de conserver leur pouvoir d’achat. En Italie elle avait une base légale depuis 1945, bien qu’elle ne touchait pas toutes les activités et qu’elle était incomplètement et inégalement appliquée. Les premiers pas de sa suppression furent réalisés en 1984 par le gouvernement du socialiste Bettino Craxi. [ndt]

[20] Selon la Revue Pyramides (Maxime Uhoda, Le Pacte budgétaire européen : quelle influence sur les finances publiques belges ?, Centre d’études et de recherches en administration publique, n° 25, Bruxelles, 2013, sur http://journals.openedition.org/pyramides/970) l’article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’union économique et monétaire (TSCG, dit Fiscal Compact ou Pacte budgétaire) « oblige les parties contractantes à atteindre un objectif budgétaire à moyen terme avec une limite inférieure de 0,5 % du PIB de déficit structurel ou de 1 % pour les États qui ont un ratio de dette significativement inférieur à 60 % du PIB. L’article 3.3a du TSCG définit le solde structurel comme le solde annuel corrigé des variations conjoncturelles, déductions faites des mesures ponctuelles et temporaires ». [ndt]

[21] La Banque des dépôts et des prêts est une institution privée (une S.A.), contrôlée à 80% par des capitaux publics et 20% des capitaux provenant de diverses banques, elles-mêmes partiellement publiques et privées, dont l’objectif principal est la gestion de l’épargne postale italienne, s’élevant à quelque 321 milliards d’euros (septembre 2017), soit 212 milliards en bons et 109 milliards en dépôts, aux mains de 26 millions de détenteurs. [ndt]

[22] Il s’agit de quelque 2220 milliards d’euros de dette publique italienne en décembre 2016, soit 133% du Produit intérieur brut (PIB). Précisons que le solde des comptes de l’Etat est positif, en moyenne annuelle, depuis plusieurs années, de 1.5% ; mais l’Etat doit débourser l’équivalent de 4% de son PIB au titre du paiement de la dette, ce qui ramène ses comptes à un solde négatif de 2.5% en 2016 par exemple. Pour la décennie 2007-2016, l’Etat italien a déboursé 756 milliards d’euros rien que pour payer les intérêts de la dette contractée, soit le 4.8% du PIB total sur la même période ce qui, autrement dit, représente une somme annuelle supérieure à la dépense pour l’instruction publique. Etant entendu qu’avec l’augmentation quasi certaine des taux d’intérêts dans les années à venir, le remboursement des intérêts de la dette va exploser, mettant l’Italie encore plus en porte à faux avec le Fiscal Compact (Pacte de stabilité, cf. note 20) de l’Union européenne, ce qui impliquera encore plus de politique de restriction des dépenses sociales (cf. Site Internet de l’Istat). [ndt]

[23] LIP Pour l’école de la Constitution : En Italie, 50’000 citoyens peuvent proposer un projet de loi à la Cour de Cassation (qui fonctionne ici comme Cour constitutionnelle et vérifie la constitutionnalité du projet), qui va le transmettre au Parlement national (il y a un système équivalent au niveau régional), qui va alors décider de le refuser, de l’accepter tel quel ou de le modifier. C’est ce que l’on nomme une Loi d’Initiative Populaire (LIP). La LIP Pour l’école de la Constitution (Per la scuola della Costituzione) est en cours de récolte des signatures. Schématiquement, elle formule des propositions précises sur l’instruction publique, de l’école enfantine à l’école secondaire II (14 à 19 ans), laïque, publique, faisant une place importante aux structures participatives des enseignants, du personnel administratif et technique, des élèves et des parents, avec 50% de budgets nationaux en plus (passant de 4% à 6% du PIB, soit la moyenne européenne), le développement de la formation des adultes, la gratuité des livres utilisés en classe et des transports publics pour l’école obligatoire, qui passe de 16 à 18 ans, avec 22 élèves par classe au maximum et un choix d’orientation repoussé à 16 ans (13 actuellement). Le projet propose également l’engagement fixe de tous les précaires occupant un poste régulier et un programme national extraordinaire de rénovation et de construction d’écoles (le texte complet du projet de loi se trouve à l’adresse http://lipscuola.it/blog/testo-della-lip/). [ndt]

[24] Le premier cycle d’instruction s’articule en deux parcours scolaires, consécutifs et obligatoires :

– l’école primaire, d’une durée de 5 ans, obligatoire pour tous les jeunes italiens et étrangers ayant 6 ans révolus au 31 décembre de l’année en cours (inscription facultative pour ceux qui ont 6 ans entre janvier et avril de l’année suivante) ;

– l’école secondaire de premier degré, d’une durée de 3 ans, obligatoire pour tous les jeunes italiens et étrangers qui ont fini l’école primaire (site Internet de l’école publique, http://www.istruzione.it/urp/ordinamento_scolastico.shtml). [ndt]

[25] Cf. Note 14 ci-dessus.

[26] Les tests de l’Institut national pour l’évaluation du système éducatif (Istituto Nazionale per la Valutazione del Sistema dell’Istruzione, INVALSI, dépendant du Ministère de l’instruction) sont une épreuve écrite, nationale, évaluant à la fois les élèves des degrés soumis au test et le système éducatif national. Ce sont des épreuves standards d’italien et de mathématiques, infligées aux élèves de 2ème année et de 5ème année primaires, de 3ème année de l’école moyenne et de 2ème du lycée, depuis l’entrée en vigueur de la Loi 176/2007 (cf. le site de l’INVALSI, http://www.invalsi.it/invalsi/index.php). [ndt]

[27] L’Agence nationale d’évaluation du système universitaire et de la recherche (Agenzia nazionale di valutazione del sistema universitario e della ricerca, ANVUR) est l’institut gouvernemental d’évaluation des universités et centres de recherche qui perçoivent des subventions publiques. Elle est dotée de pouvoirs extraordinaires extrêmement importants, faisant d’elle une autorité sans partage de techniciens sur la gestion universitaire. [ndt]

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