Tiré de Courrier international.
Ces quatre dernières décennies, le nombre des femmes qui ne portaient pas le hidjab dans les espaces privés n’était pas négligeable. Mais il a fallu beaucoup de temps pour qu’elles arrivent à tenir tête à la police des mœurs pour faire entrer dans l’espace public le même phénomène. Cela a commencé par de petits gestes : enlever son foulard dans les wagons de métro de la ville qui sont réservés aux femmes, ou dans les cours de langue étrangère.
Fatemeh est l’une de celles qui ont décidé il y a quelques années de ne pas porter leur foulard, où qu’elles aillent. “Il y a cinq ans, dans mon cours de français, j’ai décidé de faire tomber mon foulard. J’avais vu les autres le faire, mais jusqu’à ce moment-là je n’avais pas osé”, dit-elle. Fatemeh est née dans une famille religieuse. “Avant d’aller à l’université, j’ai été obligée, par mes parents, de porter le tchador [voile qui couvre tout le corps]. Mais petit à petit, j’ai réussi à convaincre les parents que leurs convictions ne me regardaient pas et que j’ai les miennes. Cette victoire m’a donné confiance.”
Je lui demande si son refus de porter le hidjab a affecté ses relations avec ses parents qui tiennent à la religion. Elle sourit et répond : “Au contraire, mes rapports avec eux sont meilleurs aujourd’hui. Peut-être parce que, avant, je détestais mon père que je voyais comme un dictateur. Mais ce changement a fait que aujourd’hui, nous respections les avis de chacun et nous nous comprenons mieux.”
Toutes les contrevenantes ne sont pas aussi chanceuses. Mahsa raconte que lorsqu’elle a décidé après son mariage de ne plus se couvrir les cheveux devant ses amis et connaissances, ses parents ont coupé les ponts et ne répondaient même pas à ses appels téléphoniques. Elle n’ose pas enlever son foulard dans la rue, par peur d’ennui pour son mari et ses enfants. Une autre jeune femme, Samira, raconte avoir été emmenée au poste plusieurs fois pour son “mauvais hidjab”. Je lui demande si ces problèmes l’ont incitée à changer d’attitude. “Non, dit-elle en riant. Les dossiers qu’ils montent contre nous n’ont aucun effet. Maintenant, je suis ravie de marcher sans foulard dans la rue.”Mais elle a toujours un foulard dans son sac, au cas où.
Affronter les regards furieux des voisins
Certains quartiers de Téhéran semblent plus accueillants pour ce genre d’initiatives. Yalda explique : “Quand je marche sur l’avenue Enghelab [grande avenue du centre de la ville], je croise au moins deux personnes qui ont les cheveux à l’air, comme moi, sans peur. On se sourit. Ce sourire est comme mille mots. Cela montre qu’une forte alliance s’est créée entre les femmes qui souhaitent que l’obligation du hidjab soit levée.” Dans son université, certaines de ses camarades de classe qui portent le tchador soutiennent Samira et ses amies. Mais ce n’est pas le cas dans son quartier, situé dans l’est de Téhéran. Les regards furieux de ses voisins font qu’elle n’aime plus son quartier. Le nord (riche) et l’ouest (classe moyenne éduquée) de Téhéran sont depuis une dizaine d’années des lieux plus libres pour les femmes. Ce n’est guère le cas du sud et de l’est de la capitale.
Depuis la campagne de “White Wednesday” (menée par la journaliste en exil Masih Alinejad aux Etats-Unis qui invite les Iraniennes à porter un foulard blanc le mercredi ou à tomber leur voile et à se filmer pour montrer leur contestation de la loi), de plus en plus de femmes se dévoilent, au moins sur une partie de leur chemin. Le nombre des hommes qui les soutiennent est en croissance aussi.
Bien que la plupart des contestataires soient trentenaires, certaines sont plus âgées. Mansoureh en est un exemple. “Ma petite-fille a 4 ans. Je ne veux pas qu’elle passe sa jeunesse sous cette obligation comme moi.” Elle se rappelle qu’après la révolution, en 1979, les femmes ont d’abord été obligées de se couvrir pour se rendre au travail dans les organisations gouvernementales, par ordre de l’État. Les objections des Iraniennes n’ont eu aucun effet, et l’obligation est devenue la loi dans la République islamique d’Iran. Pour elle, le hidjab“est un moyen pour le régime d’avoir la main sur le corps et l’âme des femmes”.
Leila Rezaie
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