« Et un, et deux, et trois degrés ! C’est un cri de solidarité ! » Sur l’air inventé après la victoire de l’équipe de France au mondial de 98, quelques centaines de lycéens et étudiants ont trouvé leur slogan pour ce qui est le premier acte de la mobilisation de la jeunesse pour le climat, à Paris, devant le ministère de la transition écologique. Sur le modèle des manifestations qui parcourent l’Europe depuis plusieurs semaines (lire le reportage de Christophe Gueugneau à Bruxelles), ce vendredi 15 février se veut le début d’un mouvement hebdomadaire de jeunesse pour rappeler l’urgence climatique, en marquant le ralliement au réseau international Fridays for Future.
Le principe de cette première manifestation a été voté le 8 février à la fac de Jussieu, à Paris, comme un premier round avant la grande grève scolaire mondiale programmée le 15 mars à l’appel de la Suédoise Greta Thunberg, devenue à 16 ans une icône de la lutte contre le changement climatique.
Pour leurs premiers pas parisiens, les manifestants avaient donc ciblé François de Rugy, le ministre de la transition écologique, et son ministère situé boulevard Saint-Germain dans le VIIe arrondissement. Par petites grappes, dès 14 heures, lycéennes et lycéens, étudiantes et étudiants d’Île-de-France ont commencé à se rassembler à proximité du bâtiment, sous la surveillance légère des forces de l’ordre, restées non casquées tout au long de l’après-midi. L’ambiance est tout de suite bon enfant, elle le restera jusqu’à la lente dispersion à partir de 16 heures.
« Pour défendre le climat, c’est à notre tour de jouer un rôle, estime Juliette, en terminale au lycée Voltaire à Paris. Le problème, c’est que le pouvoir s’en désintéresse, il n’apporte que de petites solutions de substitution. Tous les vendredis, je serai là pour manifester. C’est un besoin d’être ici. »
Très vite, un sit-in s’improvise au milieu du boulevard en l’absence d’une réelle coordination. La circulation est ralentie, puis bloquée, quelques automobilistes manifestent néanmoins leur soutien en klaxonnant au passage. « Nous sommes la nature qui se défend », « Y a que nos soirées qu’on veut à 1 000 °C », « Il n’y a pas de planète B » : les pancartes sont rapidement brandies au-dessus des têtes juvéniles. Chacune et chacun sort son smartphone pour immortaliser ce qui, à l’évidence, représente une première expérience pour beaucoup.
« Cela a mis du temps à prendre en France, ça ne me surprend pas car les réseaux écolos de jeunesse sont moins forts ici qu’en Belgique, analyse Baptiste, étudiant en histoire à Paris VIII. Mais depuis la marche pour le climat en septembre, je trouve que ça commence à prendre dans les esprits. Et François de Rugy serait inspiré d’ouvrir sa porte à la jeunesse, même si je n’attends pas grand-chose de son action face à l’urgence climatique. »
Chaque manifestant interrogé se réjouit de cette grande première, alors que les jeunes se mobilisent en général pour des causes liées à l’éducation ou en complément des mouvements sociaux. D’ailleurs, peu de slogans ou autocollants rappelant des partis politiques ou des syndicats lycéens et étudiants – malgré l’appel à la grève de l’Unef et la Fage – sont présents dans l’assistance. En revanche, un certain nombre d’entre eux portent un brassard ou un foulard vert, accessoires qui, à l’instar des gilets jaunes, pourraient devenir un signe de ralliement à la cause. « Cela a été décidé en AG inter-fac, explique Marius, étudiant à Sciences-Po à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). Si maintenant les gilets jaunes veulent porter un brassard vert, pourquoi pas ! »
Pour lui, « aujourd’hui, c’est le monde de demain, nous, qui prend en main le monde de demain. C’est important que la jeunesse se mobilise, c’est une belle manière de faire une entrée en politique car nous sommes tous concernés ». Une phrase qui résonne aux oreilles des quelques responsables écologistes qui, le sourire aux lèvres, sont venus observer cette mobilisation inédite. On y croise la députée européenne Karima Delli, le conseiller de Paris David Belliard et Stéphane Pocrain, ancien porte-parole des Verts. Mathilde Panot, députée de La France insoumise, vient également apporter son soutien, écharpe tricolore en évidence.
« C’est historique, se réjouit David Cormand, secrétaire national d’EELV, qui a aussi fait le déplacement. C’est la première fois que la jeunesse se mobilise seule pour l’écologie. C’est rassurant qu’un mouvement de jeunes se retrouve sur un enjeu collectif, celui de sauver la planète. C’est réconfortant de voir ces envies militantes. »
Présent en début de manifestation, Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, ne cache pas non plus sa satisfaction. « On l’attendait depuis qu’on l’a vu prendre dans d’autres pays. Je dois dire que je suis content que ça prenne déjà un peu d’ampleur. Du reste, que cela se déroule devant le ministère de la transition écologique, cela montre que ces jeunes ont compris où cela se passe et où sont les responsabilités. »
Avec sa pancarte « Les calottes sont cuites », Amélie ne pouvait manquer l’événement. Étudiante en master de développement durable à Dauphine, elle se dit plus que concernée par la cause à défendre. « On a tellement l’impression que rien n’est fait par rapport aux engagements de l’accord de Paris et de la Cop 21 », dénonce la jeune femme. Elle en veut à l’exécutif actuel : « Macron, il est bien gentil avec son Make our planet great again. Mais, sur ce débat, c’est nous, la jeunesse, les premiers de cordée, pas lui ! »
Comme ses camarades de lutte, elle compte bien se mobiliser une nouvelle fois dans une semaine. Étudiante dans la même université, Mathilde aussi promet d’être présente dans huit jours pour continuer « un engagement qui n’est pas nouveau pour moi », dit-elle. « Pour créer une communauté de destin autour de l’écologie alors que c’est la haine qui prédomine en ce moment », ajoute Robert, étudiant en langues à Paris IV, heureux d’observer l’énergie qui se dégage des rangs des manifestantes et des manifestants. « S’il le faut, on viendra tous les vendredis, les gilets jaunes manifestent bien tous les samedis, non ? », lance-t-il. Le gouvernement est prévenu.
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