Source : NY Times, 26 août 2010
Cependant, nous pouvons prédire ce que lui et d’autres fonctionnaires diront sur la situation actuelle : que l’économie continue à se redresser, bien que plus lentement qu’ils ne le souhaiteraient. Malheureusement, ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de reprise, au sens réel du terme. Et les décideurs politiques devraient faire tout leur possible pour changer ce fait.
Le petit brin de vérité dans leurs prétentions d’un redressement qui se poursuivrait réside dans le fait que le PIB continue d’augmenter. Nous ne sommes pas dans une récession classique, où tout tombe en panne. Mais alors quoi ?
La question importante est de savoir si la croissance est suffisamment rapide pour réduire le chômage qui atteint des sommets. Nous avons besoin d’ une croissance d’environ 2,5 pour cent seulement pour maintenir le chômage actuel, et d’une croissance beaucoup plus rapide pour l’amener à une réduction significative. Mais, la croissance en cours se situe entre 1 et 2 pour cent, avec une bonne chance qu’elle va ralentir davantage dans les mois qui viennent. L’économie va entrer dans un nouveau recul avec une réduction du PIB. Qui s’en soucie ? Si le chômage augmente durant le reste de l’année, ce qui semble probable, il ne sera pas pertinent de savoir si les chiffres du PIB sont légèrement positifs ou légèrement négatifs.
Tout cela est évident. Pourtant, les décideurs politiques le nient.
Après sa dernière rencontre sur la politique monétaire, la Réserve fédérale a publié un communiqué déclarant qu’elle "prévoit un retour progressif à des niveaux plus élevés d’utilisation des ressources" - ce qui signifie dans le langage de la Réserve fédérale une baisse du chômage. Rien dans les faits ne justifie ce genre d’optimisme. Pendant ce temps, Tim Geithner, le secrétaire du Trésor, dit que « nous sommes sur la voie de la reprise. » Non, ce n’est pas le cas.
Pourquoi les gens qui savent enjolivent-ils la réalité économique ? La réponse, je suis désolé de le dire, c’est qu’ils veulent se soustraire à leur responsabilités.
Dans le cas de la Réserve fédérale, en admettant que l’économie ne se rétablit pas, l’institution se mettrait sous la pression de faire plus. Et jusqu’à présent au moins , la Réserve fédérale semble plus effrayée de perdre la face en tentant d’aider l’économie et en échouant que de voir le peuple américain en payer les coûts à cause de son inaction.
Dans le cas de l’administration Obama, les fonctionnaires semblent réticents à admettre que l’aide initiale était trop petite. Certes, elle a permis de limiter la profondeur de la crise - une analyse récente du Bureau du budget du Congrès indique que le chômage serait maintenant probablement dans les deux chiffres sans l’aide initiale - mais elle n’était pas suffisante pour faire baisser le chômage de manière significative.
Maintenant, il est plausible que, même au début de 2009 , lorsque le président Obama était à l’apogée de sa popularité, il ne pouvait obtenir un plan plus global du Sénat. Et il ne pourrait certainement pas faire adopter une aide supplémentaire aujourd’hui. Ainsi, les fonctionnaires pourraient, à juste titre, placer le fardeau de la preuve de l’absence de reprise sur l’obstruction républicaine. Mais ils ont choisi , au contraire, de dessiner des bonhommes sourire sur une situation difficile, ce qui ne convainc personne. Et le résultat probable sera qu’en novembre, les obstructionnistes feront des gains importants ce qui paralysera la politique pour les années à venir.
Que doivent faire des fonctionnaires, en dehors de dire la vérité sur l’économie ?
La Réserve fédérale a un certain nombre de choix. Elle peut acheter à plus long terme la dette privée, elle peut pousser vers le bas le taux d’intérêt à long terme en annonçant son intention de maintenir les taux à court terme à un faible niveau ; elle peut augmenter son objectif à moyen terme en ce qui concerne l’inflation, ce qui rend moins attrayant pour les entreprises de tout simplement s’asseoir sur leurs liquidités. Personne ne peut être sûr à quel point ces mesures pourraient fonctionner, mais il est préférable d’essayer quelque chose qui pourrait ne pas fonctionner que de faire des excuses alors que les travailleurs souffrent.
L’administration a moins de liberté d’action, car elle ne peut faire adopter une loi sous le blocus républicain. Mais elle a toujours plusieurs options. Elle peut réorganiser sa tentative profondément infructueuse d’aide aux propriétaires en difficulté. Elle peut utiliser Fannie Mae et Freddie Mac, les prêteurs parrainés par le gouvernement, pour un refinancement hypothécaire qui mettrait de l’argent dans les mains des familles américaines - oui, les Républicains vont hurler, mais c’est ce qu’ils vont faire de toute façon. Elle peut enfin se mettre sérieusement à affronter la Chine sur ses manipulations monétaires. Combien de fois ne les Chinois vont-ils promettre de changer leurs politiques, puis y renoncer, avant que l’administration décide qu’il est temps d’agir ?
Laquelle de ces options les décideurs politiques devraient poursuivre ? Si je décidais, chacune d’elles.
Je sais ce que certains joueurs de la Réserve fédérale et de l’administration diront qu’ils mettent en garde contre les risques de faire quelque chose de non conventionnel . Mais nous avons déjà vu les conséquences d’agir avec prudence et d’attendre que la reprise se fasse toute seule : Cela nous a enfoncé dans ce qui ressemble de plus en plus à un état permanent de stagnation et de chômage élevé. Il est temps d’admettre que nous ne sommes pas maintenant dans une reprise, et faire tout notre possible pour changer cette situation.
(Traduction : Bernard Rioux)