Par le « transport sécuritaire des hydrocarbures », la loi 106 ouvre la porte au développement éventuel de pipelines et à l’accroissement du transport par pétroliers sur le fleuve. La propagande de l’industrie, à laquelle adhère le gouvernement, aime à faire croire que tout ce qui n’est pas le train est un transport sécuritaire. En fait, les statistiques démontrent qu’en matière de sécurité, aucun moyen de transport d’hydrocarbure n’est préférable. Transformer nos terres agricoles, nos rivières et le fleuve Saint-Laurent en autoroutes de pétrole n’est pas sécuritaire. Les pipelines font moins de morts que les trains mais créent 3 fois plus de déversements. Les déversements occasionnés par les pétroliers sont 17 fois plus importants que ceux des pipelines. Le transport par pipelines et par pétroliers est surtout plus rentable pour l’industrie.
Au chapitre de « l’exploitation responsable des hydrocarbures », il faut rappeler qu’il existe un consensus scientifique sur le fait que l’humanité doit laisser dans le sol 80% des réserves connues d’hydrocarbures. Les gaz à effets de serre doivent être maîtrisés avant 2020 et à peu près éliminés d’ici 2050, si on veut avoir une chance sur deux d’éviter un réchauffement incontrôlable de la planète. Le rapport de synthèse des Études environnementales stratégiques commandées par le gouvernement, auquel le ministre Arcand fait allusion dans son article, a d’ailleurs conclu que l’exploitation des hydrocarbures au Québec serait difficilement conciliable avec l’atteinte des cibles de lutte au réchauffement climatique. Le virage vers les hydrocarbures dans un contexte de crise climatique est rien de moins qu’irresponsable. D’autant plus que le Québec est riche en énergies renouvelables.
Pour ce qui est des forages avec fracturation hydraulique, l’absence d’« acceptabilité sociale au sein des communautés d’accueil » n’est plus à débattre. Depuis le début des projets d’exploitation gazière et pétrolière au Québec, les communautés se sont mobilisées pour signifier leur opposition à cette filière énergétique inutile, polluante et nuisible. La pétition « Vous n’entrerez pas chez nous », amorcée en 2011 et déposée à l’assemblée nationale, a reçu plus de 65 000 signatures. Des centaines d’études scientifiques témoignent des impacts négatifs de la fracturation hydraulique sur la santé humaine et animale et sur l’intégrité des terres agricoles et des sources d’eau potable. En 2014, le rapport du BAPE sur l’exploitation des hydrocarbures dans le shale d’Utica de la vallée du Saint-Laurent a d’ailleurs conclu que ce développement n’était pas souhaitable notamment en raison de l’absence d’acceptabilité sociale et des risques élevés de pollution actuels et pour les générations futures.
L’allusion de M. Arcand à « l’application des normes techniques et environnementales les plus strictes » fait rire. La loi 106 appliquerait le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP) du gouvernement Couillard, qui a été contesté par plus de 300 municipalités parce qu’il est trop laxiste. Et c’est ce même gouvernement qui a autorisé les forages avec fracturation sur Anticosti alors qu’il n’existe aucune infrastructure de traitement des liquides de fracturation sur l’île. Les dizaines de millions de litres d’eau toxique résultant des forages devraient être analysés et soumis à un traitement encore inconnu avant d’être simplement rejetés dans l’écosystème du fleuve, avec la bénédiction du ministre de l’environnement.
Les chercheurs sérieux reconnaissent que la transition énergétique doit commencer maintenant et se compléter au cours des 15 prochaines années. Selon le climatologue Kevin Anderson, du Tyndall Center : « Si on veut vraiment contrer la crise du climat, la seule option sûre qu’on puisse envisager pour le gaz de schiste consiste à le laisser dans le sol ». Il faut renoncer au modèle de développement basé sur les énergies fossiles. Le pétrole et le gaz de schiste n’ont aucun rôle à jouer dans les scénarios de transition énergétique. Les dispositions de la loi 106 concernant l’exploitation des hydrocarbures au Québec constituent une nuisance « rigoureuse » et antidémocratique, voire criminelle.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures l’Assomption
Le 13 août 2016