En tout dernier lieu on en revient à cette incroyable évidence : donner en pâture à la troïka, en visite de contrôle ces jours-ci en Grèce, 2 000 suppressions d’emploi réclamées comme preuve immédiate de l’efficacité gouvernementale à concrétiser le plan exigé de licenciement des dizaines de milliers de fonctionnaires. Samaras licencie aujourd’hui 2 670 travailleurEs et promet de recréer une chaîne publique de 600 employéEs. Voilà pour les chiffres et on peut penser que c’est sinon la seule, en tout cas, la principale explication à ce coup de force insensé. Ici en tout cas, on n’hésite pas à parler de coup d’état.
Des réactions massives au coup d’état
Coup d’état pas complètement improvisé : à ERT, tout le monde connaissait les menaces de « restructuration », et un constitutionnaliste a produit un plan que Samaras veut appliquer, mais auquel l’auteur refuse désormais de participer, tant que ERT reste fermé ! C’est là l’une des nombreuses contradictions politiques qui ont éclaté depuis mardi, ouvrant une crise au sein du gouvernement, la troïka intérieure comme on l’appelle ici. En effet, Samaras, produit de la droite la plus réactionnaire et nationaliste, entouré de conseillers ouverts à l’extrême droite, a pris ici une décision arrogante, croyant que les derniers sondages lui donnant deux points d’avance sur Syriza, lui permettaient de gouverner sans plus s’embêter de procédures démocratiques. Résultat : les ministres Pasok et Dimar n’ont pas signé la décision de fermer ERT, et aujourd’hui, le seul groupe soutenant le coup de force de la droite (Nouvelle Démocratie) contre ERT, ce sont les nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée) !
Or, dès la décision connue, c’est une mobilisation exceptionnelle qui s’est déclenchée. Depuis mardi, les locaux de ERT en banlieue athénienne sont entourés de milliers de personnes, militantEs ou pas, avec soutien affiché d’artistes, de personnalités diverses. La confédération du privé (GSEE) et la fédération du public (Adedy), qui avaient refusé récemment de soutenir la grève des enseignantEs, ont été obligées d’appeler hier jeudi à une grève générale apparemment bien suivie. Partout dans le pays, des rassemblements de protestation ont eu lieu. La manif-rassemblement devant ERT était massive, même si l’endroit est assez excentré. Le plus important peut-être, c’est de voir côte à côte les drapeaux syndicaux, politiques, associatifs, de différents courants qui d’habitude font tout pour ne pas manifester ensemble. Cette unité de fait dans la lutte, liée à une ambiance très chaleureuse, est pour l’instant un gage de résistance déterminant : le KKE (PC grec) accueille sur sa chaîne les programmes d’information des journalistes de ERT, la radio Kokkino (Syriza) est branchée en permanence sur le coup de force et les mobilisations. Il est clair que Samaras n’avait pas prévu une telle riposte populaire à sa petite manœuvre.
Solidarité avec la lutte à ERT
La solidarité internationale, très forte, allant même jusqu’à des condamnations gouvernementales très peu diplomatiques, est ressentie comme une aide précieuse. Elle donne un sens d’ailleurs très concret à la manif de dimanche dernier dans les rues d’Athènes, en conclusion de l’Alter sommet, où entre autres délégations, le cortège CGT-FSU-SUD scandait « troïka dégage ! ». Dans ce contexte, elle illustre ce qui depuis trois ans est trop faible : la solidarité internationale renforce la riposte ouvrière en Grèce.
Cette solidarité doit se poursuivre et s’intensifier. Hier, les flics sont intervenus dans les locaux de ERT à Salonique pour en virer les travailleurs qui occupaient leur lieu de travail. Avec Samaras, même s’il est visiblement déstabilisé ces jours-ci, on sait que la seule réponse sera la répression. Déployons pour la lutte pour la défense de ERT et de tous ses emplois la plus forte solidarité ! La lutte continue, avec ce soir un concert de solidarité sur place, pour ne pas dire sur la place… C’est bien sûr un sentiment assez partagé que les luttes actuelles en Turquie avec la place Taksim et en Grèce avec les rassemblements populaires à ERT ont bien quelque chose de commun !
D’Athènes, A. Sartzekis (le 14 juin)
Source : http://npa2009.org/node/37678