La première indication que Left Unity se distingue de la plupart des autres organisations de gauche radicale est venue très tôt pendant son congrès de fondation du 30 novembre. Ken Loach, qui est considéré comme celui qui a donné l’inspiration décisive pour le lancement du nouveau parti, a proposé d’emblée de ne pas prendre de décision quant à l’une des plates-formes politiques proposées. Ken a perdu le vote sur sa proposition et la conférence est passée à la suite de l’ordre du jour. Il n’y a eu aucune tension dramatique, pas l’ombre d’une crise imminente. Il aurait été difficile d’imaginer une telle scène à une conférence de Respect. [1] C’était un présage très prometteur.
Plus ou moins 400 personnes ont assisté à l’événement. Les séances du matin ont été consacrées à la discussion sur les plates-formes - des documents qui visaient à établir le cadre général de l’orientation politique de Left Unity. Socialist Resistance soutenait fortement la « Plate-forme de Parti de gauche » (Left Party Platform, LPP) qui, selon nous, définit le mieux Left Unity en tant que parti de gauche radical, avec des positions fortes sur l’écologie et le féminisme. A des degrés divers, les autres plates-formes en lice voulaient définir le nouveau parti comme étant explicitement révolutionnaire.
La direction provisoire qui a conduit le processus jusqu’ici a reçu un véritable vote de confiance. Les membres ont voté pour lui permettre de rester en place jusqu’à ce qu’une nouvelle direction soit élue lors d’un congrès qui se tiendra à la fin du mois de mars 2014.
La « Plate-forme de Parti de gauche » a remporté une claire majorité avec 295 votes en sa faveur et 101 votes contre. La « Plateforme Socialiste » (Socialist Platform) a recueilli 122 votes pour et 216 contre. En d’autres termes, cette dernière n’est pas parvenue à gagner beaucoup plus de soutien que la liste initiale des personnes qui avaient signé cette proposition. En revanche, la LPP a reçu l’approbation de la majorité des membres de Left Unity présents au congrès.
Une autre caractéristique assez distinctive du congrès est qu’il était impossible de prédire à l’avance les résultats des votes. Ce qui n’est guère surprenant puisque la plupart des participants ne se connaissaient pas encore entre eux. Un vigoureux débat sur la nécessité d’avoir une politique qui garantisse des espaces plus sécurisants pour les femmes a amené le congrès à décider de poursuivre cette discussion [2]. Bien que la plupart des participants aient conscience de la nécessité de lignes de conduites qui permettent de protéger les membres des harcèlements et des abus qu’elles peuvent subir, le congrès sentait bien qu’un sujet aussi complexe nécessitera qu’on y consacre plus de temps.
L’après-midi a été consacré à une longue et complexe discussion sur les statuts. De notre point de vue, un article qui aurait permis à Left Unity de s’organiser dans le nord de l’Irlande soulevait une question cruciale. Cette clause, emblématique du poids de l’impérialisme britannique sur le mouvement ouvrier irlandais, a été finalement retirée. [3]
Left Unity a prévu de s’attaquer aux problèmes de déséquilibres entre les sexes d’une manière plus explicite que les précédentes tentatives de lancement de nouveaux partis politiques. Il a pris l’engagement que les femmes constituent au moins 50% de sa direction et les discours en défense des privilèges masculins ont été reçu froidement, et cela malgré le fait que les hommes étaient surreprésentés dans la salle. Left Unity se veut être une organisation consciemment féministe. [4]
Bien que le parti n’a été officiellement lancé que ce 30 novembre, il compte déjà plus de 1200 membres, dont 400 étaient suffisamment engagés ou en mesure d’assister à son premier congrès. C’est une base petite mais importante qui permet déjà d’en faire l’une des plus grandes organisations de la gauche britannique. Ce parti a vu le jour à un moment délicat. Il y aura des élections locales en mai 2014 et des élections législatives l’année suivante. Le Parti Travailliste veut capter les voix protestataires des gens qui veulent sanctionner la coalition gouvernementale avec les conservateurs et il sera difficile pour un nouveau parti de gauche de gagner une audience large. Mais une telle audience existe pour un tel parti. Beaucoup de gens vont voter sans grand enthousiasme pour les travaillistes et veulent un parti qui offre quelque chose de mieux, de différent, de radical et de réellement socialiste. Left Unity est là désormais pour répondre à leur attente.
Source : http://socialistresistance.org/5678/left-unity-launched
Traduction française pour Avanti.be : G. Cluseret.
Notes
[1] Respect était une coalition électorale lancée en 2003 après le succès des mobilisations contre la guerre en Irak et dont la figure la plus importante était le député George Galloway, ancien membre du Parti travailliste. Sur la gauche britannique, voir : http://www.internationalviewpoint.org/spip.php?article3192
[2] Ce document a défini un ensemble de règles et de normes concernant le comportement des membres du parti, notamment en ce qui concerne les comportements sexistes.
[3] Pour en savoir plus sur ce sujet, voir : http://socialistresistance.org/5685/ireland-isnt-england
[4] Le congrès de Left Unity a également voté en faveur de réunions femmes non mixtes.