Une année après le centenaire du génocide, qui a donné lieu à d’importantes mobilisations et cérémonies mais aussi à des provocations de la part du président turc Erdogan, nous faisons toujours face au négationnisme de l’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi lire la suite ici.
Le 24 avril 1915 débutaient les premières arrestations d’intellectuels arméniens à Constantinople (future Istanbul) en prélude à la mise en œuvre du génocide.
Une année après le centenaire, qui a donné lieu à d’importantes mobilisations et cérémonies notamment à Istanbul mais aussi à des provocations de la part de Erdogan, nous faisons toujours face au négationnisme de l’État turc. Celui-ci refuse non seulement de reconnaître qu’il y a eu un génocide organisé envers les Arméniens, mais fait aussi pression dans le monde entier afin que cette reconnaissance n’ait pas lieu.
Les opérations militaires en cours de la part de l’Azerbaïdjan contre la région arménienne autonome du Nagorny-Karabakh donnent un aspect dramatique à la situation.
En France, les historiens, les journalistes, les responsables associatifs, les hommes politiques, dès lors qu’ils travaillent hors des sentiers balisés par l’historiographie officielle de l’État turc, s’attirent des pressions, des menaces, des insultes et des appels à la haine, diffusés à grande échelle sur Internet. Ce négationnisme étatique trouve aussi des relais chez des responsables politiques et des historiens disposant d’un fort pouvoir institutionnel. C’est le cas de l’académicien Pierre Nora, à qui le Mémorial de la Shoah à hélas confié en septembre dernier le soin de prononcer l’allocution d’une cérémonie de mémoire.
En ce mois d’avril nous rappelons la mémoire des victimes des trois génocides majeurs du XXe siècle.
La violence de la réaction du gouvernement turc après les propos du pape mentionnant le génocide des Arméniens, montre que ce pouvoir maintient la ligne du négationnisme d’État. Celui-ci domine la vie politique turque depuis la mise en œuvre du génocide des Arméniens il y a 100 ans, en avril 2015.
Ce génocide avait été précédé de multiples massacres de populations arméniennes, y compris au 19e siècle avec déjà des théories négationnistes dénoncées par Jaurès.
La déclaration du pape, sur laquelle il y a beaucoup à redire par ailleurs (sur les simples ""exterminations de masse" sans génocide contre les Tutsi au Rwanda et sur une assimilation entre le nazisme et le stalinisme qui semble relever de l’esprit de la lutte contre le "communisme" de Pie XII) est somme toute assez modérée.
Elle reprend, à quelques jours du 24 avril qui constitue la date symbolique de la commémoration, des formulations déjà prononcées par au moins un pape récent ainsi que par le chef actuel de l’Église, lorsqu’il officiait en Argentine. Il déclare ainsi : "Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme ’le premier génocide du XXe siècle’ a frappé votre peuple arménien", en citant un document signé en 2001 par Jean Paul II et l’actuel patriarche Arménien, Karekin II .
C’est donc l’utilisation du terme "génocide"qui déclenche la rage du pouvoir en place à Ankara.
À l’heure actuelle, 23 pays ont reconnu officiellement le génocide arménien, parmi lesquels les États-Unis, la Russie, l’Italie, et la France. D’autres pays reconnaissent le massacre tout en refusant d’employer le mot génocide : c’est le cas notamment de l’Allemagne.
Ces dernières années, la situation semblait évoluer vers une forme reconnaissance du génocide, y compris en Turquie au sein de larges secteurs du public.
L’assassinat de Hrant Dink (en arménien : Հրանտ Դինք) journaliste et écrivain Arménien de Turquie, tué le 19 janvier 2007 à Istanbul par un nationaliste turc, avait entraîné une vague de solidarité sans précédent. Plus de 100 000 personnes avaient participé à ses funérailles en portant des pancartes proclamant : " Je suis Hrant Dink" .
A partir de 2009 le gouvernement turc dirigé par le parti "islamo-conservateur" AKP d’Erdogan lui-même avait semblé ouvrir la voie à une réévaluation de la position traditionnelle du pouvoir en Turquie. En 2014, Erdogan avait présenté ses condoléances (http://www.rfi.fr/europe/20140424-condoleances-erdogan-turquie-genocide-armenie-sarkissian/) aux "petits-enfants des Arméniens tués en 1915". Cette formule lui avait valu les félicitations de Hollande et Obama, mais les Arméniens ne s’en satisfaisaient évidemment pas, à juste titre.
A l’approche du centenaire, Erdogan, maintenant président d’un régime autoritaire qui rogne en permanence sur les libertés publiques, maintient et renforce un barrage obstiné contre la reconnaissance du génocide. Pire encore, il provoque en organisant le 23 et 24 avril une commémoration du 100e anniversaire de la bataille de Gallipoli qui eut lieu en 1915 dans les Dardanelles. Il a même insulté le président arménien en l’invitant à participer à cette commémoration, organisée afin de détourner l’attention de celle du génocide. Erdogan s’appuie sur les calculs " géopolitiques" qui entraînent de nombreux gouvernements à ménager le régime turc, considéré comme utile dans les affrontements en cours au Moyen-Orient.
Memorial 98, dont une des raisons d’être est la lutte contre le négationnisme et l’impunité, salue la grande commémoration internationale qui aura lieu à Istanbul, sur les lieux du début du génocide, le 24 avril prochain avec des mouvements turcs de défense des droits de l’homme. Avec nos partenaires du Collectif VAN (Vigilance arménienne contre le négationnisme) qui soutiennent les divers événements organisés à Istanbul ce 24 avril 2015, et d’autres associations, nous poursuivrons la lutte pour la reconnaissance internationale du génocide des Arméniens et pour la pénalisation de sa négation. En cette année du centenaire, il est plus que temps que la justice soit enfin rendue.
Et cette lutte se poursuivra au delà du centenaire, jusqu’à la reconnaissance et la réparation du génocide.
L’association MEMORIAL98, qui combat contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme a été créée en janvier 1998, lors du centenaire de l’affaire Dreyfus.
Son nom fait référence aux premières manifestations organisées en janvier 1898, pendant l’affaire Dreyfus, par des ouvriers socialistes et révolutionnaires parisiens s’opposant à la propagande nationaliste et antisémite.
Ce site en est l’expression dans le combat contre tous les négationnismes
(Arménie, Rwanda, Shoah ...)
http://www.memorial98.org/