Premier syndicat de la RATP, la CGT a déposé, lundi 4 octobre, un préavis de grève illimitée à partir du 12 octobre, journée d’action interprofessionnelle contre la réforme des retraites. Il prendra effet la veille à 22 h 30.
Attachés à l’existence, depuis deux ans, de l’intersyndicale et soucieux de rester unis face au pouvoir, les syndicats sont loin de partager la même analyse sur la suite à donner au mouvement de contestation de la réforme des retraites. Ils ne défendent pas les mêmes modalités d’action pour la journée de grèves et de manifestations du mardi 12 octobre.
Grève de vingt-quatre heures ? De plus de vingt-quatre heures ? Grève reconductible, voire générale ? La palette d’actions théoriquement possibles est large et les divergences d’appréciation des syndicats à ce sujet renvoient à des désaccords politiques et syndicaux.
Dans le camp des réformistes où se rangent la CFDT, l’UNSA, la CFE-CGC et la CFTC, la grève reconductible n’est "pas un sujet" pour des raisons à la fois sociales, syndicales et politiques. François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, a maintes fois répété depuis la rentrée que les salariés n’avaient pas les moyens financiers, en raison de la crise, de se payer des journées de grève à répétition. Ce point de vue est largement partagé.
L’UNSA explique de la même façon la réticence des enseignants à faire grève. De fait, comme n’a pas manqué de le souligner à plusieurs reprises Raymond Soubie, le conseiller social du chef de l’Etat, les taux de participation à la grève sont bien inférieurs à ce qu’ils étaient au printemps de 2003. La grève reconductible n’est pas, pour la direction de la CFDT, l’affaire des confédérations, elle est celle de la base des syndicats.
"Affrontement central" avec le pouvoir
Pour être efficace, plaide de son côté l’UNSA, un tel mouvement doit être interprofessionnel et réunir ces acteurs différents que sont, par exemple, les salariés des transports, les enseignants mais aussi les jeunes. On n’est pas dans une telle dynamique aujourd’hui. La grève reconductible, enfin, est défendue le plus souvent – mais pas exclusivement – par des organisations comme les SUD engagées dans une démarche "d’affrontement central" avec le pouvoir. Telle n’est pas l’approche des syndicats réformistes.
Dans les organisations plus attachées à un syndicalisme contestataire, et où la gauche de la gauche pèse lourd (du Front de gauche à Lutte ouvrière en passant par le NPA), l’idée de la grève reconductible est très prégnante. Solidaires et les SUD, qui rêvent d’en découdre avec le sarkozysme, en sont partisans par principe. Mais la réalité du terrain ne s’y prête pas toujours : SUD-Rail avait déposé pour le 23 septembre un préavis de grève reconductible, qui n’a quasiment pas été suivi. Les fédérations les plus traditionnelles de la CGT (chimie, agroalimentaire…) ou les plus corporatistes comme les ports et docks, mais aussi celles où l’extrême-gauche pèse désormais lourd comme la métallurgie ou le commerce, sont susceptibles de s’y rallier.
Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, estime un tel scénario hasardeux, voire dangereux pour les salariés. Mais il peut s’y rallier si la pression est forte en interne, pour ne pas se laisser déjuger par ses propres troupes. La fédération CGT des cheminots a mis ce sujet à son ordre du jour. Mais son secrétaire général, Didier Lereste, avance prudemment.
Les deux dernières grèves importantes à la SNCF, à l’automne 2007 contre la réforme des régimes spéciaux de retraite et au printemps 2010 contre la réforme du fret, ont été des échecs retentissants. Les cheminots, a indiqué lundi 4 octobre M. Lereste, veulent bien jouer les locomotives du mouvement, pas se laisser isolés dans l’action.
Force ouvrière est un cas à part. Ni réformiste, ni révolutionnaire, cette organisation syndicale où les trotskistes pèsent lourd, milite sans succès pour la grève générale.