Tiré du blogue de l’auteur.
Cet article est le deuxième volet d’une recherche sur Internet et l’extrême droite. Vous pouvez lire le premier article ici.
Avant même l’apparition des médias alternatifs et des réseaux sociaux, Internet a permis à des groupes traditionnellement peu ou pas mis en avant par les médias « mainstream » de s’exprimer publiquement. Pour Dominique Cardon, nous vivions à la fin du XXème siècle dans une « sphère publique restreinte » (1).
Dans cet espace, les médias (journaux, télévision, radio) avaient une fonction de « gatekeepers » (« gardiens de porte ») ; en sélectionnant les prises de parole publiques, le système médiatique décidait quels discours avaient une visibilité et une légitimité, et les hiérarchisait. Le fait d’être repris dans les médias légitime un discours ou une personnalité auprès du grand public. Il permet en tout cas de se faire connaître, d’avoir une existence dans le débat. L’internet permet de contourner ces gatekeepers, et ainsi de donner la parole à des groupes qui n’ont traditionnellement pas voie de cité dans les médias, d’ouvrir la porte aux « quidams » (2). En France, ce sont les groupes d’extrême droite qui ont été les pionniers de ce type d’expression directe, contournant le système médiatique. Le Front National a été le premier parti politique français à créer un site internet en 1996, et un compte Facebook en 2006 (3).
Cette présence n’est pas surprenante, elle est dans la continuité des stratégies historiques du parti et de ce courant. Avant de créer le Front National en 1972, Jean-Marie Le Pen s’associe à Léon Gaultier, ancien officier SS, pour créer en 1963 la SERP (Société d’Études et de Relations Publiques) avec laquelle il diffusera sous le manteau des enregistrements défendant l’OAS – Organisation Armée Secrète, qui avait tenté un coup d’état pour conserver l’Algérie française (4). Cette société d’édition se spécialisera dans les chants militaires, incluant des chants de la Wehrmacht et des Waffen SS. Elle a été condamnée en 1968 pour « apologie de crimes de guerre » après la diffusion de chants du IIIe Reich (5). L’image sulfureuse de ces hommes leur interdisant l’accès aux médias, c’est donc « par les marges » qu’ils arrivent à la médiatisation (6). L’adresse de la SERP deviendra d’ailleurs l’adresse officielle du premier siège du FN.
Le FN est devenu RN, et la stratégie de dédiabolisation de Marine Le Pen va désormais jusqu’à refuser la filiation à l’extrême droite (7), et tenter d’effacer les traces de l’antisémitisme qui l’a créé et continue de le nourrir (8). Maintenant que le RN a « blanchi » son image et se veut un parti « républicain », cette stratégie de « communication par les marges » est utilisée par les nouveaux groupuscules d’extrême droite, tels que le Bloc Identitaire en France (dissous en 2021) ou CasaPound en Italie (9).
Ces groupuscules, plus radicaux que les partis institutionnalisés, n’ont pas accès par défaut à l’agenda médiatique, et doivent donc, pour se faire entendre, utiliser des moyens détournés. Internet leur offre la possibilité de diffuser eux-mêmes leurs contenus, et d’accéder ainsi à une visibilité : « Une vidéo qui « fait le buzz » a toutes les chances d’être reprise par les journalistes se sentant autorisés à commenter l’activité des réseaux sociaux » (10). Ces groupes organisent donc des actions spectaculaires (occupation de mosquées, irruption dans un fast-food avec des masques de cochon, organisation d’« apéros saucisson-pinard »...), inspirées des actions des mouvements écologistes type Greenpeace. Ce côté sensationnel, associé à des messages politiques simplifiés, et la diffusion importante de ces actions sur l’internet, leur permet de rentrer dans l’agenda médiatique. Ces actions de « second degré » ne visent pas les personnes présentes physiquement à ces manifestations, mais les les sympathisant·es sur les réseaux sociaux, et surtout les journalistes.
D’ailleurs, les groupes ne s’y trompent pas dans la formation de leurs militant·es. Celle-ci « ne consiste pas dans l’apprentissage approfondi des théories politiques. […] Devenir un militant de ces organisations consiste à apprendre à communiquer dans des formes [adaptées aux] supports médiatiques qui hybrident davantage l’information et le divertissement, tels que la presse gratuite, les réseaux sociaux, les chaînes d’information en continu ou la presse locale » (11).
L’internet devient donc un échelon intermédiaire, entre une communication limitée de groupe radical et les médias mainstream. Exister sur Internet permet de toucher beaucoup plus de personnes qu’avec des enregistrements sonores de plaidoirie, mais aussi, grâce aux reprises des médias, de toucher petit à petit le grand public, et se faire une place dans le débat politique national. C’est ainsi que le discours de l’extrême droite se répand et se banalise. Ces groupuscules, bien que non affiliés au RN, communiquent sur YouTube, sur des blogs, sur les réseaux sociaux, et diffusent les thématiques de l’extrême droite.
L’intérêt pour le RN est que ces vidéastes parviennent à « politiser » un public jeune qui serait naturellement tenté par l’abstention. […] « Plus le RN cherche à se respectabiliser, plus il est obligé d’adopter un langage très institutionnel, très policé, et plus il risque de se couper de son électorat contestataire, explique Julien Boyadjian (12). Mais c’est d’autant plus intéressant pour eux de déléguer à d’autres ce travail de politisation moins lisse, moins formaté. » (13)
Les groupuscules radicaux utilisent donc Internet pour faire émerger leurs problématiques dans l’espace public. Qu’on en parle en bien ou en mal ne change rien, on en parle, ces thèmes font l’actualité. C’est ce qu’on appelle l’astroturfing (14) : quand un groupe restreint impose ses problématiques en faisant croire qu’elles concernent un groupe plus grand. Une fois ce discours infusé dans la société, les forces en présence (partis politiques, associations de la société civile...) sont obligées de s’adapter à cet agenda médiatique, et de réagir aux thématiques imposées par l’extrême droite (immigration, sécurité, islam...), laissant de côté les leurs (écologie, inégalités sociales, éducation...).
En France, cette stratégie a payé, et le rôle des militant·es des groupuscules identitaires est de plus en plus prégnant au RN, influençant la ligne du parti et ses votes à l’Assemblée nationale. De nombreux membres du Bloc Identitaire ou de Génération Identitaire ont rejoint les rangs du FN, comme Philippe Vardin et Damien Rieu (désormais avec Zemmour) ou encore Grégoire de Fournas (député RN, ancien membre du BI, qui avait été suspendu quinze jours pour avoir crié « Qu’il retourne en Afrique ! » au député La France insoumise (LFI) Carlos Martens Bilongo (15)).
« « Il y a eu une imprégnation générale des idées et du style identitaires », explique un ancien cadre du BI. En 2021, Jordan Bardella reprenait à son compte la théorie complotiste du « Grand Remplacement », très relayée dans les milieux identitaires » (16). Le « Grand Remplacement » est une théorie développée par le polémiste d’extrême droite Renaud Camus. Elle « fait référence à un supposé processus de substitution des Européens ou des Français "de souche" par des immigrés extra-européens, venus principalement d’Afrique » (17).
Les influenceur·ses d’extrême droite : rendre l’idéologie « cool »
Les règles de diffusion d’un contenu sur l’internet ne sont pas les mêmes que dans les médias traditionnels, et l’extrême droite s’est adaptée à ces nouveaux canaux. Leurs idéologues ne diffusent plus sous le manteau des cassettes de chants de guerre de la Wehrmacht, mais reprennent les codes de la publicité et de la « culture LOL » (18) d’internet pour toucher un public plus large. Le cas de YouTube et des influenceur·euses d’extrême droite qui y officient est particulièrement représentatif de cette dynamique.
Les médias mainstream étant de plus en plus critiqués pour leur manque d’objectivité, le public se tourne vers des sources d’information alternatives. Une tendance qui s’est renforcée depuis la pandémie de COVID-19 et les confinements généralisés. L’extrême droite s’y est adapté en présentant ses médias comme « alternatifs » ou « citoyens », en opposition à un système médiatique présenté comme manipulatoire. Nous avons analysé dans un autre article comment la publicité a diffusé ses techniques manipulatoires dans tout l’espace public (médias, prises de parole politiques...), les érigeant en norme de discours, et créant ainsi un doute permanent dans la parole publique qui se paie aujourd’hui par cette défiance généralisée envers les médias et les politiques (19).
Une étude de 2018 du Pew Research Center a trouvé que 73% des adultes états-uniens visitaient YouTube, allant jusqu’à 94% pour les 18-24 ans. En 2017, YouTube était uniquement derrière Facebook comme réseau social le plus populaire pour s’informer. En parallèle, la confiance dans les médias mainstream est en déclin constant, avec seulement 32% des Américains affirmant avoir confiance dans les médias, selon une étude de 2016 du Gallup Poll. (20)
Une étude récente sur les jeunes consommateurs d’informations a découvert qu’ils avaient plus confiance dans les contenus « générés par les utilisateurs » que par les médias traditionnels. (21)
C’est une aubaine pour l’extrême droite, qui a développé le concept de « réinformation » (22), capitalisant sur le doute légitime des citoyen·nes pour mieux imposer sa vision du monde. Le fait de se faire passer pour des médias « alternatifs », créés par et pour des « citoyens désintéressés », permet ainsi de contourner la méfiance par défaut envers les contenus politiques identifiés comme venant d’un parti ou d’un « camp politique ». Une fois créée cette forme de confiance, les internautes sont plus perméables aux idées diffusées. Ainsi le site Novopress créé en 2005, se présente comme une « arme de réinformation », qui entend défendre une information « alternative et sans tabous » afin de lutter contre « le monde de la pensée et de l’information uniques » (23).
Car même si nous sommes conscient·es que les informations que nous recevons ne sont pas toujours vraies, il reste très difficile de distinguer le vrai du faux : aux États-Unis, 84 % des adultes interrogés se sentaient confiants (39 % très confiants et 45 % plutôt confiants) dans leur capacité à reconnaître de fausses informations (24). En France, 73% des Français·es ne jugent pas fiables les informations reçues via les réseaux sociaux numériques. Mais lorsqu’une étude de 2017 (25) teste cette capacité à distinguer le vrai du faux, la rumeur selon laquelle « des maires de villes de province font venir des personnes étrangères de Seine-Saint-Denis dans leur ville en échange de subventions » est jugée comme une affirmation fausse par seulement 31 % des répondants (certainement fausse à 9 % et probablement fausse à 22 %) » (26).
YouTube a pris une place de premier choix dans la création de médias alternatifs, et l’extrême droite s’en est emparée, notamment avec des réseaux d’influenceurs, présentant une idéologie ultra-conservatrice tout en reprenant les codes « cool » de la culture Internet. Un exemple est ce que Rebecca Davis appelle le RIA (Réseau d’Influence Alternative). Dans son rapport « Broadcasting alt-right on YouTube » (27), elle décrit un réseau de YouTubeurs états-uniens d’extrême droite (approximativement 65 sur 80 chaînes) qui récupèrent cette méfiance pour diffuser leur idéologie.
On peut parler de réseau dans le sens où ceux-ci partagent les mêmes sujets de prédilection – la menace « woke » et féministe, la peur des étranger·es, le « racisme scientifique », la détestation des « élites » et des SJW (« Social Justice Warriors » ou « Guerriers de la justice sociale »)... – se citent les uns les autres et apparaissent dans les vidéos des autres chaînes du réseau. La variété des sujets abordés ainsi que la production importante de contenus exprime le projet de ne pas être uniquement des sources d’information alternatives, mais bien de remplacer les médias mainstream (28).
Ces chaînes adoptent une charte graphique et un ton de parole « légers », drôles, reprenant les codes des influenceur·ses commerciaux·les (29). Cela leur permet de toucher un public très divers, de masquer la radicalité des opinions qu’ils défendent, et d’invisibiliser la souffrance des personnes désignées comme ennemies ou inférieures (personnes LGBT, non-blanches, femmes, « wokistes »...).
Parce qu’elles brassent des sujets divers (féminisme, racisme, corruption...), ces vidéos sont autant de portes d’entrée dans l’univers de la « droite alternative » (30). Une fois happé par ce ton léger, il devient très facile de virer vers des vidéos de plus en plus radicales, par le jeu des collaborations, c’est-à-dire d’invitations sur les vidéos les uns des autres pour des débats ou des partages d’expériences. Cela crée des passerelles depuis des chaînes mainstream et plus modérées, vers d’autres chaînes beaucoup plus radicales qui prônent ouvertement la suprématie blanche et l’action violente. Ces YouTubeurs se citent entre eux, créant ainsi une illusion de sourçage des informations. Une information peut être recoupée par plusieurs chaînes du réseau et donc donner l’impression d’être vérifiée, alors que toutes citent la même source. Tout cela crée les conditions d’une radicalisation de ces internautes.
Elles arrivent aussi à être les vidéos les plus mises en avant par YouTube sur n’importe quel sujet, en utilisant les failles dans les algorithmes. Les techniques de SEO (Search Engine Optimization) sont utilisées depuis de nombreuses années par les grandes entreprises et les publicitaires pour mettre leurs publications en avant dans les moteurs de recherche. L’idée est de connaître les règles qu’utilisent les algorithmes pour classer les contenus, et formater sa page ou son post pour qu’il corresponde à ces règles (format de vidéo, mots-clés dans le titre, images de présentation, etc.) et se retrouve mis en avant. Les influenceurs d’extrême droite reprennent ces techniques à leur profit, ce qui fait que jusqu’à la purge de 2020 des contenus d’extrême droite par YouTube, quand on tapait le mot-clé GamerGate (31), l’algorithme mettait systématiquement en avant des vidéos de harceleurs comme Mia Yiannopoulos ou Carl Benjamin, plutôt que des victimes de ces harceleurs.
Les algorithmes des GAFAM mettent en avant les contenus qui créent le plus d’engagement chez les internautes, c’est-à-dire surtout des commentaires (positifs ou négatifs). L’onglet « recommandé pour vous » de YouTube renvoie donc le plus souvent à des vidéos clivantes, guidant les internautes dans un voyage vers de plus en plus de radicalité :
En 2016, une publication interne à Facebook montrait que « 64% des entrées dans des groupes extrémistes sont dus à nos outils de recommandation », spécifiquement via les fonctionnalités Suggestions pour vous et Découvrir (32).
En 2017, l’algorithme [de YouTube] recommandait environ 10 fois plus de contenus affirmant que la Terre est plate que de vidéos fondées sur la vérité scientifique. Pourquoi ? Parce que ce type de contenus fait réagir les utilisateurs, les fidélise et permet de diffuser davantage de publicité, donc de générer plus d’argent. (33)
Le résultat de cette stratégie est que le 4 janvier 2018, la vidéo la plus vue en direct sur YouTube est un débat animé par les youtubeurs d’extrême droite Andy Warski et Jean-François Gariépy, autour du « racisme scientifique » – qu’ils appellent « race realism ». Les invités sont Richard Spencer, suprémaciste blanc qui a popularisé le terme d’alt-right, et Carl Benjamin, libertarien présenté comme plus modéré que son adversaire. Les débats tournent autour de la notion de race, des qualités inhérentes à la « whiteness » (« blanchité »), et les commentaires sont largement favorables à Richard Spencer : « Je n’ai jamais vraiment écouté parler Spencer avant, mais on voit tout de suite qu’il est d’un niveau bien plus élevé », commente Nashmau (34), un utilisateur. Ces vidéos ont néanmoins été supprimées en même temps que plusieurs chaînes d’extrême droite le 29 juin 2020 (35). Mais celle-ci avait engrangé 450,000 vues et été mise en avant par YouTube en tant que #1 trend.
En France aussi, il existe un réseau de youtubeurs d’extrême droite avec les mêmes pratiques. Des chaînes comme celle de Papacito, Valek, Bruno le Salé, Raptor dissident ou Lapin du futur, font des millions de vues (une vidéo sur le racisme anti-Blancs de Valek est en 2023 à 1,7 millions de vues (36)). Tout en reprenant les codes du stand-up et en faisant des placements de produits pour des compléments alimentaires ou des applications bancaires, ils distillent une idéologie raciste à destination des jeunes (37).
Cette idéologie n’est pas neutre. Les appels au meurtre et à la violence sont monnaie courante dans ces vidéos, ce qui mène d’ailleurs régulièrement à des condamnations ou à des suspensions de compte. Cette banalisation de la violence a des effets réels, et pousse certains internautes à aller jusqu’à commettre des actes terroristes. Le YouTubeur Papacito a été condamné pour une vidéo montrant l’exécution d’un électeur de LFI (38).
La culture du LOL, entre blagues sexistes et mèmes racistes
Sur les forums comme dans les vidéos YouTube, c’est beaucoup par l’humour que l’extrême droite fait passer ses idées. En effet, la culture du LOL normalise les blagues sexistes. Celles-ci sont beaucoup mieux acceptées que les blagues racistes et se propagent plus facilement. Mais sur les forums, tout se mélange, c’est d’ailleurs le principe même de l’humour Internet. Sous couvert d’ironie, de troll (39) et de « shitposting » (40), les internautes mélangent blagues sexistes et racistes, créant ainsi, selon l’expression de Mathilde Saliou, une « intersectionnalité des haines » (41).
Le forum « Blabla 18-25 » de jeuxvidéos.com a été très actif dans plusieurs campagnes de cyberharcèlement à caractère sexiste depuis 2013 (42) et est en parallèle devenu un soutien quasi-officiel à Henry de Lesquen, ancien président de Radio Courtoisie, figure de l’extrême droite et de la « remigration ». Celui-ci reprend les codes de la rhétorique catholique contre-révolutionnaire, ce qui semble de prime abord assez loin de l’esprit d’un forum nommé « Blabla du 18-25 ». Mais ses formules surannées (il a traité un journaliste juif de « menteur pharisien ») et ses attaques racistes particulièrement violentes (il utilise le terme « Congoïde » pour désigner les personnes noires) en font une sorte de « troll » IRL (In Real Life).
Les internautes se sont emparés de son image décalée, en créant et diffusant de manière massive des mèmes et des gifs à son effigie. « Cynique, décomplexée et collant à l’actualité, cette communication, qui s’adresse aux jeunes internautes en reprenant leurs codes visuels et leurs références culturelles, est taillée pour une viralité qui va bien au-delà des cercles habituels de l’extrême droite » (43).
Cette communication opportune pour le personnage a été depuis copiée par des équipes plus officielles, comme celle d’Eric Zemmour, qui a repris ces codes à son profit lors de sa campagne de 2022. « Cette cool connexion s’avère une arme d’autant plus redoutable qu’il n’est nul besoin de partager ces idées pour en rire, et que même ceux qui s’en offusquent participent […] à leur viralité » (44). Ces figures de l’extrême droite sont transformées en « icônes pop », les rendant quasiment sympathiques et surtout omniprésentes sur la Toile, particulièrement dans les discussions sur les jeux vidéo. C’est une stratégie habile dans la mesure où en France, en 2018, 3 internautes sur 4 étaient des gamers, soit 32,3 millions de personnes (45).
Le recrutement des militant·es par l’internet
Selon le journaliste Paul Conge, auteur d’une étude sur l’extrême droite, les jeux vidéos sont « un vecteur identitaire très fort pour des jeunes gens qui ont entre 14 et 18 ans, qui n’ont pas forcément une culture politique au départ – mais qui en acquièrent une grâce à ça » (46). Le journaliste s’est fait passer pour un adolescent dans le but de rencontrer des recruteur·ses de groupes d’extrême droite. Ceux-ci vont sur des jeux multijoueurs en réseau comme Fortnite ou des forums, et « trollent » des joueur·ses ou des groupes. Le but est de faire déraper la discussion, et selon les réactions, d’inviter les joueur·ses intéressé·es dans des forums plus confidentiels, où se discutent ouvertement les thèses racistes et les moyens de résister au « Grand Remplacement ». Le même mécanisme est d’ailleurs utilisé par des représentant·es du RN dans les conventions de tuning : iels s’insèrent, distillent leurs discours, et réussissent à amener leurs idées dans des domaines qui n’ont au départ rien à voir avec la politique.
Le phénomène dit du « troll » est particulièrement adapté aux stratégies de l’extrême droite. Un troll est un internaute qui « cherche délibérément à engendrer des polémiques, par exemple en abordant un sujet controversé ou en s’en prenant aux autres participants » (47). Il y a de nombreux types de trolls, qui vont du « grammar nazi » (« nazi de la grammaire ») débusquant et moquant la moindre faute d’orthographe jusqu’aux trolls politiques organisés par des personnalités, des entreprises ou des gouvernements pour discréditer des adversaires ou perturber les débats à l’intérieur d’une nation ennemie. Le troll est un produit typique de l’économie de l’attention (voir l’autre partie de cet article).
L’irruption de trolls d’extrême droite dans des parties de jeux vidéo ou des conversations en ligne est une arme redoutable. Même si le troll est évacué par les participant·es, la multiplication des attaques crée un climat de tension permanente, et impose les sujets de l’extrême droite dans les conversations. Plus leurs thématiques sont discutées, plus elles seront présentes dans les tendances, et donc mises en avant par les algorithmes. Se présenter sous la forme de l’humour, même violent, permet au discours en question de se rappeler en permanence aux membres du groupe par des blagues, des mèmes, des images, des références.
L’ironie est utilisée comme une arme. Toute critique est impossible, car elle se fait opposer la sentence : « tu dois être vraiment stupide pour penser que je pense ce que je dis. Tu vois bien que c’est ironique. » « Mais en même temps, leurs contenus [sont] odieux, et [abaissent] chaque fois le curseur de l’acceptable » (48). Un ou plusieurs internautes peuvent alors être intéressés par les propos du troll et se mettre en contact avec lui, en dehors du groupe initial.
C’est un phénomène très sérieux dont même l’OTAN s’inquiète, dans un rapport de 2021, comme d’une arme pouvant être utilisée par des États pour interférer dans la politique intérieure d’autres États. La Russie est reconnue avoir utilisée des « usines à trolls » diffusant de fausses informations et encourageant les rumeurs complotistes. Ceci afin de favoriser l’extrême droite européenne, plus favorable a priori à son régime et propice à déstabiliser les États de l’intérieur (49). De nombreux internautes pro-Trump ont aussi utilisé les trolls pour promouvoir leurs candidats, allant jusqu’à s’auto-nommer « Trump’s Troll Army » (« l’armée de trolls de Trump »). Joe Biden a lui aussi utilisé des « usines à troll » pour promouvoir sa campagne (50). Brenton Tarrant, terroriste responsable de la tuerie de Christchurch, écrivait avant son attaque que « les mèmes ont fait plus pour le mouvement ethnonationaliste que n’importe quel manifeste » (51).
Conclusion
Les discours de l’extrême droite se sont adaptés aux codes de l’internet pour asseoir sa domination. Gardant son côté sulfureux historique, tout en reprenant l’humour léger de la publicité et le cynisme des forums Internet, elle a réussi à faire de l’internet un porte-voix pour ses idées excluantes. La médiatisation par les marges des groupuscules les plus violents a permis aux groupes plus institutionnels et policés comme le RN de se hisser aux postes d’élu·es, tout en se démarquant de cette image de milices qui lui collait à la peau. Comme une division du travail idéologique, on voit les représentant·es de partis d’extrême droite afficher une image de respectabilité et d’ouverture, en encourageant en douce les groupes les plus radicaux à saturer la toile de discours racistes et d’appels au meurtre.
Ce jeu entre partis « officiels » et groupuscules radicaux permet à l’extrême droite de déplacer la fenêtre d’Overton. Cette métaphore a été imaginée par le sociologue du même nom pour désigner les opinions considérées comme acceptables par l’opinion publique, et donc susceptibles d’être introduites dans la législation (52). Toute opinion exprimée dans l’espace public qui se trouverait en dehors de cette fenêtre métaphorique serait par défaut discréditée comme insensée ou trop extrême. Par exemple, la prohibition de l’alcool aux États-Unis a duré pendant 13 ans (de 1920 à 1933). Elle était donc acceptable politiquement à ce moment précis de l’Histoire, à cet endroit du monde. En 2024, un·e politicien·ne qui proposerait l’interdiction de la vente et de la consommation d’alcool serait sûr·e de ruiner son image et sa carrière. Elle n’est plus dans la fenêtre d’Overton.
De même, la théorie du « grand remplacement » est longtemps restée confinée à d’obscurs groupuscules ou des terroristes (Brenton Tarrant a intitulé son manifeste « Le grand remplacement » avant de tuer 50 personnes à la sortie d’une église néo-zélandaise). Elle est désormais reprise dans de nombreux médias (notamment la chaîne CNews, possédée par Vincent Bolloré) et par de nombreux responsables politiques d’extrême droite ; d’abord cantonnée à Éric Zemmour et ses soutiens, elle est passée au Rassemblement National et même maintenant au groupe politique « centre-droit » Renaissance.
L’agenda médiatique actuel est déplacé vers les problématiques de l’extrême droite, qui saturent petit à petit le débat politique. Les discours racistes des marges se retrouvent au cœur des gouvernements et de leurs politiques, que les élu·es soient ou non affilié·es à des partis d’extrême droite. En France, la loi sur l’immigration, proposée par Renaissance, pourtant désigné par le ministère de l’Intérieur comme « centre-droite » a été votée par 100% des parlementaires du RN tandis que 22% des parlementaires de Renaissance s’abstenaient ou votaient contre. Une première dans ce mandat (53). Marine Le Pen a d’ailleurs qualifié ce vote de « victoire idéologique » (54).
Notes
1- Jurgen HABERMAS, L’espace public. Archélogie de la publciité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, Payot, 1993
2- Dominique CARDON, La démocratie Internet, éditions du Seuil et La République des idées, 2010
3- Achraf BEN BRAHIM, Pourquoi l’extrême-droite domine la toile. Le grand remplacement numérique, Éditions de l’aube et fondation Jean Jaurès, 2023, p. 13
4- Jonathan THOMAS, La propagande par le disque. Jean-Marie Le Pen, éditeur phonographique, Paris, EHESS, in Achraf BEN BRAHIM, op. cit.
5- Valérie IGOUNET, « Plongée dans les sonorités nationalistes », France TV Infos, 20 juin 2016, à consulter ici : https://blog.francetvinfo.fr/derriere-le-front/2016/06/20/plongee-dans-les-sonorites-nationalistes.html
6- Achraf BEN BRAHIM, op. cit., p. 12
7- Youmni KEZZOUF, « Pour le Conseil d’État, le RN est bien d’extrême-droite », Mediapart, 21 septembre 2023 https://www.mediapart.fr/journal/politique/210923/pour-le-conseil-d-etat-le-rn-est-bien-d-extreme-droite
8- Youmni KEZZOUF et Marine TURCHI, « Israël-Hamas, le RN tente de faire oublier son passé antisémite », Mediapart, 11 octobre 2023
9- Pietro Castelli GATTINARA, Caterina FROIO, « Quand les identitaires font la une. Stratégies de mobilisation et visibilité médiatique du bloc identitaire », Revue française de science politique, 2018/1 (Vol. 68), p. 103 https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2018-1-page-103.htm
10- Caterina FROIO, Samuel BOURON, « Entrer en politique par la bande médiatique ? Construction et circulation des cadrages médiatiques du Bloc identitaire et de Casapound Italia », Questions de communication, 2018/1 (n° 33), p. 221 https://shs.cairn.info/revue-questions-de-communication-2018-1-page-209?lang=fr
11- Caterina FROIO, Samuel BOURON, op. cit., p. 218
12- maître de conférences à Sciences-Po Lille et spécialiste de la politisation en ligne.
13- Lucie DELAPORTE, « Les Youtubeurs de la haine : un fascisme débonnaire », Mediapart, 14 mars 2021 https://www.mediapart.fr/journal/france/140321/les-youtubeurs-de-la-haine-un-neofascisme-debonnaire
14- David CHAVALARIAS, op. cit.
15- Valérie HACOT, « Les identitaires, nouveau vivier du FN », Le Parisien, 24 juillet 2018, https://www.leparisien.fr/politique/les-identitaires-nouveau-vivier-du-fn-11-05-2018-7711248.php?ts=1701272182641
16- Ellen SALVI, « Le passé identitaire du député RN Grégoire de Fournas est aussi un passif judiciaire », Mediapart, 18 décembre 2023 https://www.mediapart.fr/journal/france/181223/le-passe-identitaire-du-depute-rn-gregoire-de-fournas-est-aussi-un-passif-judiciaire?at_medium=custom7&at_campaign=1046
17- Alice GALOPIN, Thibault LE MENEC, « L’article à lire pour comprendre pourquoi le "grand remplacement" est une idée raciste et complotiste », France Info, 13 mars 2022 https://www.francetvinfo.fr/elections/presidentielle/l-article-a-lire-pour-comprendre-pourquoi-le-grand-remplacement-est-une-idee-raciste-et-complotiste_4965228.html
18- Laughing Out Loud, ou « Mort de Rire » en français. Voir Monique DAGNAUD, « De la BOF génération à la LOL génération », Slate, 13 septembre 2010, à consulter ici ; https://www.slate.fr/story/27079/bof-generation-lol-generation
20- Rebecca DAVIS, Alternative Influence, Broadcasting the reactionnary right on YouTube, Data & Society, 2018, p. 5, traduction personnelle https://datasociety.net/wp-content/uploads/2018/09/DS_Alternative_Influence.pdf
21- Ibid., p. 16, traduction personnelle
22- Jen SCHRADIE, L’illusion de la démocratie numérique. Internet est-il de droite ?, éditions quanto, 2022. Voir aussi son interview sur France Inter : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-code-a-change/pourquoi-internet-favorise-la-droite-2707050
23- Elsa GIMENEZ, Olivier VOIROL,"Les agitateurs de la toile. L’internet des droites extrêmes. Présentation du numéro", Réseaux, 2017/2, n. 202-203, p. 9-37 https://shs.cairn.info/revue-reseaux-2017-2-page-9?lang=fr
24- PEW RESEARCH CENTER (2016), Many Americans Believe Fake News Is Sowing Confusion, http://www.journalism.org/2016/12/15/many-americans-believe-fake-news-is-sowing-confusion/ , cité par Franck REBILLARD, « La rumeur du PizzaGate durant la présidentielle de 2016 aux États-Unis. Les appuis documentaires du numérique et de l’Internet à l’agitation politique », Réseaux, 2017/2 (n° 202-203), Éditions La Découverte, p. 278-279 https://shs.cairn.info/revue-reseaux-2017-2-page-273?lang=fr
25- KANTAR, Baromètre de la confiance des Français dans les médias, cité par Franck REBILLARD, op. cit.
26- Franck REBILLARD, op. cit.
27- Rebecca DAVIS, op. cit., p. 16, traduction personnelle
28- « By creating an alternative media system on YouTube, influencers in the AIN express a wish not only to provide an additional, alternative option for young audiences, but also to replace their consumption of mainstream news entirely. » Rebecca DAVIS, op. cit., p. 15
29- « personnes qui modèlent l’opinion publique et promeuvent des biens et services à travers la « calibration consciente » de leur personnalité en ligne » définition de Rebecca DAVIS, op. cit., p. 6, traduction personnelle
30- Ou alt-right, terme dont la paternité est revendiquée par Richard Spencer, militant d’extrême droite états-unien. Il désigne une nouvelle forme d’extrême droite, plus moderne, tournée contre le féminisme, le « gauchisme », et pour un suprémacisme blanc.
31- Le GamerGate est une campagne de cyberharcèlement envers Zoë Quinn, une programmeuse de jeux vidéos, lancée par son ex-petit ami Eron Gjoni, jaloux de la sortie du jeu Depression Quest de Zoë. Elle prend de l’ampleur sur les forums tels que Reddit, 4Chan, 8Chan et Twitter, ou le « 18-25 » de jeuxvideo.com en France, utilisant les algorithmes pour inonder le web de leur rancœur et leurs menaces de mort. cf. Mathilde SALIOU, Technoféminisme, Comment le numérique aggrave les inégalités, Éditions Grasset & Fasquelle, 2023, pp. 35-50
32- Mathilde SALIOU, op. cit., p. 59
33- Mathilde SALIOU, op. cit., p. 57
34- « I’ve never really listened to Spencer speak before, but it is immediately apparent that he’s on a whole different level. » traduction personnelle
35- « YouTube supprime des chaînes racistes, dont celle du polémiste Dieudonné », RTS, 30 juin 2020 https://www.rts.ch/info/monde/11438734-youtube-supprime-des-chaines-racistes-dont-celle-du-polemiste-dieudonne.html
36- Valek, « ANTIRACISME », YouTube, 24 septembre 2019 consultable ici : https://www.youtube.com/watch?v=tHt_L9mz85o&t=485s
37- Lucie DELAPORTE, op. cit.
38- « Une enquête ouverte contre Papacito, le youtubeur d’extrême droite, pour provocation au meurtre », Le Monde, 9 juin 2021 https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/06/09/une-enquete-ouverte-contre-le-youtubeur-d-extreme-droite-papacito-pour-provocation-au-meurtre_6083462_3224.html
39- « perturber quelque chose parce que c’est amusant » : Lucie RONFAUT, « Des ados ont trollé Trump, et ce n’est pas forcément une bonne nouvelle », Libération, 27 juin 2020. https://www.liberation.fr/planete/2020/06/27/des-ados-ont-trolle-trump-et-ce-n-est-pas-forcement-une-bonne-nouvelle_1792456/ La pratique du trolling prend souvent la forme de remarques hors de propos au milieu d’une conversation, dans le but de la faire dégénérer.
40- Le shitposting (« poster de la merde ») est une variante du troll (ou trolling) qui consiste à littéralement poster de la merde, c’est-à-dire avancer des positions absurdes et contraires au bon sens, dans le but de faire déraper une conversation.
41- Mathilde SALIOU, op. cit.
42- Dont on peut retrouver une liste non-exhaustive de 2013 à 2017 dans cet article : Jules DARMANIN, « La misogynie du forum 18-25 de jeuxvidéo.com est connue depuis des années », BuzzFeed, 3 novembre 2017 https://www.buzzfeed.com/fr/julesdarmanin/jeuxvideocom-des-annees-de-harcelement-misogyne-et-de
43- Achraf BEN BRAHIM, op. cit., p. 53
44- Ibid., p. 57
45- Selon une étude de Médiamétrie. Cité par Mathilde SALIOU, op. cit., p. 39
46- Christophe CECIL-GARNIER, Paul CONGE, « Soirées tuning, cours de drague et jeux vidéo : les nouvelles méthodes de recrutements de l’extrême droite », StreetPress, 4 septembre 2020 https://www.streetpress.com/sujet/1599222757-soirees-tuning-cours-drague-jeux-video-nouvelles-methodes-recrutement-extreme-droite-fn-rn
47- Rapport de l’OTAN, « DEEP ADL - Infographie : Les usines à trolls (Médias - (Dés)information - Sécurité », 3 janvier 2021 https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_175693.htm
48- WU MING 1, Q comme Qomplot. Comment les fantasmes de complot défendent le système, Lux Éditeur, 2022, p. 119
49- Sylvain TRONCHET, « Les "influenceurs du Kremlin", ces Français qui ont choisi de relayer la propagande russe depuis Moscou », France Info, 18 décembre 2023 https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/reportage-les-influenceurs-du-kremlin-ces-francais-qui-ont-choisi-de-relayer-la-propagande-russe-depuis-moscou_6251514.html
50- Siddhartya ROY, « Joe Biden, Kamala Harris Got a Big Social Media Boost from Indian Troll Farms », Newsweek, 2 novembre 2020 https://www.newsweek.com/joe-biden-kamala-harris-got-big-social-media-boost-indian-troll-farms-1544047
51- « Memes have done more for the ethnonationalist movement than any manifesto », in David R. KIRKPATRICK, « Massacre suspect traveled the world but lived on the internet », New York Telegraph, 15 mars 2019. https://www.nytimes.com/2019/03/15/world/asia/new-zealand-shooting-brenton-tarrant.html
52- « Policies that are widely accepted throughout society as legitimate policy options », MacKinac Center for Public Policy, dont Joseph P. Overton a été vice-président https://www.mackinac.org/OvertonWindow
53- Pauline GRAULLE et Ilyes RAMDANI, « Loi immigration : à l’Assemblée nationale, la victoire au goût de débâcle du camp présidentiel », Mediapart, 20 décembre 2023 https://www.mediapart.fr/journal/politique/201223/loi-immigration-l-assemblee-nationale-la-victoire-au-gout-de-debacle-du-camp-presidentiel?at_medium=custom7&at_campaign=1046
54- « Projet de loi immigration : le RN votera pour le texte issu de la CMP, annonce Marine Le Pen, qui salue une "victoire idéologique" », Franceinfo avec AFP, 19 décembre 2023 https://www.francetvinfo.fr/societe/immigration/loi-immigration-le-rn-votera-pour-annonce-marine-le-pen-qui-revendique-une-victoire-ideologique_6254361.html
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