15 février 2024 | tiré du site alencontre.org | Photo : Giorgia Meloni aux côtés d’Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Olaf Scholz, Viktor Orban, Charles Michel, Bruxelles, 1er février 2024.
En effet, parce que les campagnes électorales se succèdent, les scrutins politiques nationaux, puis régionaux, administratifs pour les municipalités, et maintenant les élections européennes début juin. Au cours des campagnes électorales, les forces politiques, gouvernement et opposition, droite, centre et centre-gauche, au lieu de se préoccuper de la gestion néolibérale de l’économie – de plus en plus anti-populaire et impopulaire –, sont amenées à faire des promesses électoralistes en direction du corps électoral (augmentation des retraites, baisse des impôts, financement des services publics, etc. ). Or, ces promesses, le plus souvent, ne sont pas tenues, et, lorsqu’elles le sont à la marge, enlèvent quelques ressources qui pourraient favoriser les profits des banques et des multinationales. Paradoxalement, elles font percevoir à l’électorat qu’une autre politique serait possible.
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En Italie, le vote pour le Parlement européen a toujours été considéré comme un moment mineur dans l’affrontement politique, tant en raison des pouvoirs très limités de cette assemblée que parce que la gestion complexe de l’UE a toujours été confiée à la Commission européenne, qui a toujours dépendu de l’accord entre les deux principaux groupes parlementaires, ceux du PPE (Parti populaire européen) et du PSE (Parti socialiste européen).
Cependant, la situation géopolitique internationale chaotique, le regain d’importance des « grandes puissances » (Etats-Unis, Chine et Russie) – et les tensions qui en découlent –, face auxquelles les pays de l’UE font figure de micro-puissances, et l’émergence de nouveaux regroupements transnationaux (tels que les BRICS) formatent un contexte qui redonne de l’importance au « sujet continental » créé dans l’après-guerre et désormais fondé sur le Traité de Lisbonne de 2007.
Ces dernières années, l’Union européenne, avec l’adoption du traité de Maastricht – et, plus encore, après que les référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas ont rejeté la « Constitution européenne » – a été de plus en plus dans la ligne de mire des forces politiques « souverainistes ». En Italie, elles sont représentées par le Mouvement 5 étoiles (« ni droite ni gauche ») et surtout par l’ultra-droite de la Lega de Matteo Salvini et des Fratelli d’Italia (FdI) de Giorgia Meloni.
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Ainsi, dès le début [22 octobre 2022], le gouvernement Meloni a dû composer avec une politique qui, sans renier les polémiques rudes et démagogiques du passé, ferait jouer à la nouvelle Première ministre un rôle important et actif au sein des instances européennes. Cela dans le but déclaré d’user et de briser la domination jusqu’ici incontestée des démocrates-chrétiens, des socio-libéraux et des libéraux.
L’exploit est plutôt réussi pour Giorgia Meloni. Elle a pu présenter sa participation aux sommets de Bruxelles (et plus généralement aux sommets internationaux tels que le G7, le G8 et le G20) comme une présence influente et efficace dans la protection des « intérêts nationaux » au sein des institutions internationales.
Mais l’intérêt sans précédent des post-fascistes pour les institutions de l’UE découle avant tout de leur espoir fondé de pouvoir obtenir, lors des élections de juin 2024, des résultats qui modifieront de manière significative l’image et la politique de l’UE.
La droite, et en particulier ses franges les plus extrêmes, progresse dans presque tous les pays. Dans plusieurs Etats membres de l’UE, on peut anticiper une progression significative du nombre de députés européens partageant cette orientation politique. On sait que les listes d’extrême droite ont déjà connu une croissance significative, dont on s’attend qu’elle soit confirmée et peut-être consolidée lors des élections de juin : en France (avec le Rassemblement national de Marine Le Pen, sans compter Reconquête de Marion Maréchal et Eric Zemmour), en Allemagne (avec les néonazis de l’AfD), aux Pays-Bas (avec le PVV-Parti pour la liberté de Geert Wilders), en Autriche (avec le FPÖ-Parti de la liberté), en Suède (avec les « Démocrates »), en Belgique (avec le Vlaams Belang flamand). En Espagne, l’absence d’enjeu gouvernemental – à la différence des élections de juillet 2023 – pourrait permettre à Vox de récupérer une part significative de l’électorat qui avait voté pour le Partido Popular (PP). Au Portugal, une hausse de Chega n’est pas à sous-estimer.
Sans oublier le Hongrois Viktor Orban, dont le parti Fidesz a annoncé qu’il rejoindrait le groupe de Giorgia Meloni au prochain Parlement européen. A cela s’ajoute la taille du PiS polonais, qui a toujours été membre du groupe actuellement présidée par Meloni (Conservateurs et réformistes européens-CRE, à la tête duquel se trouvait aussi Nicola Procaccini) et qui, bien qu’ayant perdu le gouvernement national à l’automne dernier, continue d’hégémoniser plus d’un tiers du corps électoral.
Selon les sondages, les populistes « anti-UE » devraient arriver en tête dans neuf pays (Autriche, Belgique, République tchèque, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne et Slovaquie) et en deuxième ou troisième position dans neuf autres (Bulgarie, Estonie, Finlande, Allemagne, Lettonie, Portugal, Roumanie, Espagne et Suède).
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En Italie, le parti Fratelli d’Italia (FdI) n’a recueilli « que » 6,4% des voix aux dernières élections de 2019, élisant cinq députés. Actuellement, les sondages le créditent d’environ 30%, ce qui équivaut à 25-26 sièges. Bien sûr, il faut avoir à l’esprit qu’en parallèle l’autre parti d’extrême droite – allié mais en concurrence sourde avec Fratelli d’Italia –, la Lega de Matteo Salvini, passerait de 34,2% en 2019 (28 député·e·s) à un résultat probablement inférieur à 10% (donc 7-8 élu·e·s).
Mais il ne s’agirait pas seulement d’un déplacement de voix et de sièges parlementaires au sein du champ de l’extrême droite. Le projet de Giorgia Meloni et de son groupe CRE est beaucoup plus articulé et ambitieux que celui de Matteo Salvini et du groupe Identité et démocratie (ID) auquel il se rattache (dans lequel on retrouve, entre autres, l’AfD, le RN et le Vlaams Belang).
Le groupe ID auquel appartient la Lega (son nom le dit déjà) a toujours adopté une ligne politique identitaire et souverainiste en Italie et en Europe, une opposition « pure » mais semi-impuissante face au système. Certes, cette approche a été payante lors du dernier tour des élections européennes en 2019, mais ce résultat important n’a en rien affecté la structure de l’UE.
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Aujourd’hui, Giorgia Meloni a explicitement exprimé sa volonté d’influencer l’orientation de l’Union avec son résultat positif prévisible. Au cours de ces 16 mois de présidence du Conseil des ministres (mais elle avait déjà commencé plus tôt), elle s’est efforcée de tisser des alliances qui lui faciliteront la tâche.
Elle se targue d’avoir noué une « amitié politique » avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et avec la présidente maltaise du Parlement, Roberta Metsola. Ses rencontres répétées avec Manfred Weber, le chrétien-démocrate bavarois et chef du groupe PPE à Strasbourg, sont connues.
Et surtout, elle espère profiter des retombées du glissement général vers des positions plus extrêmes du pôle traditionnel de droite, d’une droite qui a d’ailleurs largement contribué ces dernières années à « normaliser » l’extrême droite dans un échange mutuel, mettant définitivement de côté, comme un inutile vestige d’un passé désormais archivé, le « discriminant antifasciste ».
En Espagne, le PP s’est présenté lors des dernières élections de juillet comme disponible pour construire une majorité avec les néo-franquistes de Vox. En France, le parti néo-gaulliste des Républicains adopte de plus en plus le programme du RN et Macron lui-même, avec ses gouvernements, a adopté un langage raciste et islamophobe emprunté à celui de Marine Le Pen. Et la CDU (Christlich Demokratische Union) allemande, pivot du PPE, a commencé à faire des ouvertures significatives, bien que pour l’instant marginales, vers l’AfD.
Mais surtout en Italie, où l’alliance entre les « populaires » italiens, organisés dans le parti Forza Italia, et les post-fascistes alors de Gianfranco Fini et maintenant de Giorgia Meloni a été conclue il y a déjà trente ans et s’est consolidée au fil des décennies. Elle est passée de la domination incontestée du « libéral » Silvio Berlusconi à la suprématie des néo-fascistes.
Au sein des institutions européennes, l’extrême droite a jusqu’à présent été reléguée à un rôle sans importance. Dans la Commission dirigée par Ursula von der Leyen à partir de 2019, sur 27 membres, il n’y a que le Polonais Janusz Wojciechowski (PiS), commissaire à l’Agriculture, issu du groupe CRE.
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L’hypothèse d’un poids croissant de l’extrême droite dans les institutions européennes et l’appétit de pouvoir d’une extrême droite tenue à l’écart de la « salle de contrôle » depuis des décennies ont conduit à des scénarios inédits.
L’un des handicaps qui a pesé et pèse encore sur l’extrême droite est son organisation en deux « familles politiques », celles de l’ID et de CRE. Ainsi, il semble qu’un dialogue se soit ouvert entre les deux dirigeantes du RN français et de Fratelli d’Italia, Marine Le Pen et Giorgia Meloni, jusqu’alors intégrées dans deux groupes parlementaires différents et antagonistes.
La Première ministre italienne, dans sa dernière conférence de presse début janvier, avait saisi « une évolution intéressante » au sein du Rassemblement national, gratifiant Marine Le Pen de déclarations flatteuses et affichant l’objectif, d’une part, de la détacher des représentants néonazis allemands de l’Afd et, d’autre part, de l’impliquer dans le dialogue avec le PPE. Dans le même temps, la leader de la droite française avait salué les « signes de dialogue » de la première ministre italienne.
Jean-Paul Garraud, chef de groupe des parlementaires du Rassemblement national à Strasbourg, avait été très explicite dans un entretien accordé à un journal italien de référence (Il Foglio) et avait déclaré qu’« entre Giorgia et Marine il y a une similitude que l’on ne peut pas ne pas remarquer, ce sont deux dirigeantes qui parfois se sont inspirées l’une de l’autre », soulignant que la séparation actuelle de la droite européenne en deux groupes, celui de l’ID et celui de CRE, n’est pas fonctionnelle à « leur projet pour l’Europe ». Il a affirmé : « Personnellement, je n’exclus pas le fait qu’il pourrait y avoir demain des recompositions avec de nouveaux partis ou même de nouveaux groupes, portant un nouveau nom, si les chiffres nous donnent raison », tout en espérant « l’avènement d’un mouvement souverainiste européen ».
Il n’est pas simple d’interpréter le choix de Nicolas Bay, seul eurodéputé de Reconquête ! – le parti d’extrême droite français dirigé par Eric Zemmour – de rejoindre il y a quelques jours le groupe CRE dirigé par Giorgia Meloni. La décision a été communiquée à la presse par Marion Maréchal, prochaine cheffe de file de Reconquête ! aux élections européennes. Marion Maréchal a présenté ce choix en l’inscrivant dans la perspective de la création d’une « grande coalition de droite en France, sur le modèle de la coalition italienne », sans se prononcer sur l’hypothèse d’un rapprochement entre sa tante Marine et la dirigeante de Fratelli d’Italia.
Bien entendu, il est tout à fait improbable que ce rapprochement se concrétise avant le vote de juin. Les obstacles sont trop nombreux. Zemmour lui-même, qui pourrait ne pas vouloir adhérer à un projet qui, au moins en ce qui concerne la France, serait complètement hégémonisé par les amis/antagonistes du RN. Et, plus encore, Matteo Salvini qui, depuis quelque temps, s’engage de plus en plus à prendre ses distances avec la « conversion pro-européenne » de Giorgia Meloni et à se présenter comme le seul véritable représentant du « souverainisme italien ».
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Un autre obstacle est l’incapacité politique et « culturelle » de Giorgia Meloni à se dissocier des fréquentes remarques néofascistes des membres de son parti ou, plus généralement, de l’extrême droite.
L’épisode embarrassant qui s’est produit à Rome le 7 janvier, lorsqu’un millier de néofascistes (venus également d’autres pays européens) ont organisé une commémoration grotesque d’un événement sanglant qui s’est produit il y a 46 ans [la mort de trois militants d’extrême droite ; l’organisation fasciste CasaPound organise chaque année ce rassemblement], a fait grand bruit. La vidéo éloquente de cette manifestation inquiétante a rapidement fait le tour du monde, recueillant les commentaires plus ou moins sincèrement scandalisés de nombreuses personnalités politiques, y compris des représentants de divers partis de centre-droit et de droite.
Dans les jours qui ont suivi, Giorgia Meloni a choisi de ne pas s’exprimer. En effet, il n’y a pas si longtemps, elle et ses collaborateurs ont également participé à ces célébrations le bras tendu. Ces quelque mille néofascistes sont représentatifs d’un « noyau dur » beaucoup plus large de nostalgiques du régime de Mussolini qui constitue un secteur non négligeable de l’électorat melonien. Surtout, ceux-ci peuvent être utiles s’il s’agit de raviver le combat social et politique aujourd’hui passablement endormi en Italie. En outre, on peut rappeler que la Première ministre a grandi dans un environnement marqué non seulement par la nostalgie mussolinienne mais aussi par l’« anti-antifascisme », c’est-à-dire l’aversion pour une culture et pour toute initiative politique marquée par l’antifascisme.
Dès lors, pour ne déplaire à personne, ni aux potentats européens plus ou moins hypocritement encore conditionnés par l’antifascisme, ni à sa base militante, Giorgia Meloni a choisi de se taire, sachant bien que les réactions suscitées par l’épisode s’éteindraient au bout de quelques semaines. Ce qui s’est précisément produit.
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Pour animer sur le plan social la campagne électorale européenne, à l’instar de leurs collègues européens, les agriculteurs italiens sont descendus dans la rue avec une certaine force ces dernières semaines.
Matteo Salvini n’a pas manqué l’occasion de tenter de braquer les projecteurs sur ce mouvement. Il a immédiatement et sans réserve endossé les revendications du « mouvement des tracteurs », tant celles contre la politique agricole de l’UE (PAC) et son Green Deal, que celles qui critiquent le gouvernement de Rome, dont il est d’ailleurs le vice-président. En tant que ministre chargé des Infrastructures, il a fait adopter il y a quelques mois un décret renforçant les sanctions contre ceux qui « bloquent le trafic routier », pensant ainsi frapper les flash mobs des écologistes et les piquets de grève des travailleurs. Mais ces derniers jours, il a été photographié à plusieurs reprises en train de participer avec un air d’autosatisfaction à des manifestations au cours desquelles des agriculteurs ont bloqué des autoroutes et des voies rapides.
Bien que le ministre de l’économie (Giancarlo Giorgetti) soit un membre éminent de la Lega Nord, Matteo Salvini a réussi à contraindre toute la majorité de droite à continuer d’exonérer la grande majorité des agriculteurs du paiement de l’impôt sur le revenu et à annuler presque toutes les mesures visant à protéger les cultures contre l’exploitation intensive et l’abus de pesticides et de produits phyto-pharmaceutiques.
D’ailleurs, à l’heure où nous écrivons ces lignes, le dossier n’est pas clos et les différents mouvements dans lesquels les agriculteurs se sont organisés rivalisent dans la radicalité de leurs revendications et de leurs initiatives de lutte.
L’Italie compte un peu plus d’un million d’exploitations agricoles, pour la plupart des petites et très petites exploitations familiales. Or l’agriculture ne représente que 2,14% du PIB national. Jusqu’à il y a quelques décennies, les petits agriculteurs étaient divisés entre les principales familles politiques. Le syndicat lié à la gauche, la CGIL, avait également deux organisations, l’une dédiée aux salariés agricoles (les Federbraccianti) et l’autre aux petits exploitants/métayers et fermieres (les Federmezzadri). Depuis quelque temps, le monde agricole (à quelques exceptions près mais qui confirment la règle) soutient en bloc la droite et surtout l’extrême droite, notamment parce qu’il est intéressé à maintenir le chantage raciste contre les migrants, qui permet de renforcer les formes de subalternité et d’exploitation. Au moins la moitié des salariés agricoles sont des migrants, 46% selon les chiffres officiels mais qui ne tiennent pas compte du fait qu’une grande partie de ces migrants travaillent « au noir ».
Bien sûr, le malaise des agriculteurs a aussi de bonnes raisons car le laisser-faire néolibéral des dernières décennies a fait des ravages non seulement parmi le salariat, mais aussi parmi les petites et très petites exploitations qui sont de plus en plus asphyxiées par la puissante emprise de l’agro-industrie et des grandes entreprises de distribution commerciale.
Toutefois, les dirigeants des mouvements d’agriculteurs (économiquement dominants) ont préféré centrer leur lutte, tant en Italie que sur le continent, contre les mesures de protection de l’environnement et pour plus d’exonérations fiscales et plus de subventions nationales ou européennes.
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Dans la perspective du vote européen de juin prochain, la droite tente de tirer le meilleur parti des mobilisations des tracteurs et, au sein de la coalition qui gouverne l’Italie, chaque force politique essaie d’accumuler le maximum de consensus, sachant bien qu’après le vote – en Italie et à Bruxelles – s’ouvriront d’importants débats politiques et des réaménagements importants de positions de pouvoir.
Giorgia Meloni a émis l’hypothèse de se présenter comme tête de liste sur celle de son parti dans les cinq circonscriptions plurinominales qui divisent le territoire italien. [Ces cinq circonscriptions, avec un nombre de sièges différent et variable, forment un corps électoral unique.] Giorgia Meloni est bien consciente que sa présence au Parlement européen est substantiellement incompatible avec son rôle de Première ministre, mais elle sait aussi que Fratelli d’Italia, sans une forte visibilité de sa personne, ne représente pas grand-chose pour l’électorat.
Elle évalue également les raisons pour lesquelles elle pourrait se comporter différemment : le risque de déclencher un référendum sur sa personne et, également, de trop cannibaliser la base électorale résiduelle de ses alliés, la Lega et Forza Italia.
Ainsi, Elly Schlein, la jeune dirigeante du Parti démocrate, est elle aussi en train de décider si elle présentera sa candidature partout, c’est-à-dire dans les cinq circonscriptions, avec le risque de transformer le vote de juin en une sorte de référendum portant sur les deux dirigeantes.
Mais, selon tous les sondages, toutes ces « grandes manœuvres » ne parviennent pas à émouvoir ou à faire bouger les 40% d’électeurs italiens qui semblent avoir choisi de manière quasi structurelle de ne pas participer au rituel électoral.
En tout cas, malgré la faible influence institutionnelle du Parlement européen (son seul véritable moment de décision est celui de l’élection du président de la Commission), il semble que jamais le vote de juin n’ait été autant au centre des préoccupations des dirigeants et des forces politiques qu’en cette occasion. Nous savons, parce que tous les pronostics vont dans ce sens, qu’il y aura une présence plus forte de l’extrême droite. Par contre, nous ne savons pas si elle sera encore divisée en deux groupes politiques, ou si se produire une convergence, y compris avec les conflits-négociations qui marquent ces processus.
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Au fil des décennies, la composition du Parlement européen a profondément changé. En 1994, le groupe PSE était le groupe politique le plus important, avec une représentation de 35% (il n’est pas possible de comparer le nombre de députés européens, car leur nombre a augmenté au fil des ans en raison de l’adhésion d’autres Etats). Aujourd’hui, les « socialistes et démocrates » sont réduits à 20%, en raison de la diminution de leur poids dans des pays importants (Italie, France, Allemagne elle-même). Ils sont voués à connaître une nouvelle diminution, notamment en raison de leur implication dans des scandales tels que celui qui a mis en cause d’importants représentants « socialistes », comme la Grecque Eva Kaïli, une des vice-présidentes de l’Union européenne et l’Italien Antonio Panzeri, coupables d’avoir défendu contre toute évidence le caractère prétendument « démocratique » des régimes du Qatar, des Emirats arabes et du Maroc, en empochant à cette fin des pots-de-vin se chiffrant en centaines de milliers d’euros.
Le parlement qui sortira des urnes en juin verra probablement la reconfirmation du PPE comme premier parti (dans le parlement sortant, il contrôle 24% des députés, mais en 1999, il en contrôlait 37%). Mais les deux coalitions dans lesquels s’organise (encore) l’extrême droite (CRE et ID) pourraient, si les valeurs des sondages se confirment et s’ils additionnent leurs forces, constituer le groupe le plus important, pouvant influencer de manière décisive certaines politiques continentales déjà largement marquées par les forces réactionnaires, grâce également au glissement vers la droite que connaissent aussi bien le PPE que le groupe « libéral » de l’Europe du renouveau (ER), auquel appartiennent également les macroniens français.
Il va de soi que nous ne faisons pas partie des partisans du pacte entre PPE et PSE qui a dominé jusqu’à présent les institutions de l’UE. Mais nous ne sommes pas non plus partisans de l’idée néfaste du « pire est le mieux ». C’est pourquoi nous ne pouvons manquer de souligner combien la perspective que nous avons décrite constitue une hypothèse particulièrement mauvaise pour qui se préoccupe des droits démocratiques, des droits sociaux, et des mobilisations mettant en question le pouvoir déterminant des secteurs économiques et politiques qui provoquent et gèrent la catastrophe climatique et environnementale. (14 février 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre)
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