Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Ébauche brève d'une philosophie de la folie meurtrière

Dans une douzaine de jours, on commémorera la tuerie du 14 décembre 2012 à Newton au Connecticut (États-Unis). Les journaux et autres médias ont déjà commencé à en parler et chacun cherche à sa façon comment donner du sens à ce qui ne semble pas en avoir.

Les médias ont rapporté que la mère du jeune auteur de la tuerie était une
survivaliste et que le jeune homme était troublé, qu’il détestait les anniversaires et qu’il ne supportait pas d’être touché.

Cela ressemble fort au profil d’un enfant victime d’inceste et d’un ou deux parents abusifs psychologiquement et probablement physiquement. On peut raisonnablement supposer qu’il s’agissait ici de sa mère puisque c’est elle qu’il a assassinée en premier.

À l’approche d’une autre commémoration de tuerie dont la misogynie avait servi de motif principal, il faut se garder de tirer les conclusions masculinistes faciles selon lesquelles quand c’est un homme qui tue, c’est un seul fou et quand c’est une femme qui abuse, ce sont toutes les femmes qui sont méchantes.

Car la cause du trouble de l’enfant est probablement le caractère toxique de sa famille, mais ce n’est pas la cause de la tuerie. D’ailleurs, s’est-on demandé ce qu’avait pu subir cette femme ? Si elle n’avait pas elle-même été victime d’un père alcoolique, brutal, incestueux ? C’est plus que probable et la chaîne doit remonter loin encore.

Il y a des victimes d’enfance violente et brutale, hommes et femmes, qui deviennent de grands partisans de la justice sociale et qui s’investissent dans l’action politique et sociale. Qu’est-ce qui fait que d’autres, surtout des hommes, se transforment en assassins monstrueux ?

N’y a-t-il pas une piste évidente dans la culture machiste et dans le contexte
socio-culturel qui valorise les armes ?

En effet, il est remarquable que, dans toutes les séries de télé, dans tous les films, la solution passe par l’utilisation d’une arme à feu. On tue les fantômes, les méchants, les morts-vivants, les arnaqueurs, les trafiquants de drogue, les amantEs infidèles, les tricheurs, les voleurs, les ingrats, etc.

Je me rappelle même avoir regardé avec mon conjoint un film mélodramatique états-unien pendant lequel un des personnages principaux faisant état de ses déceptions émotives disait : « Mais j’ai ma solution. » Je lançai alors par dérision : J’imagine qu’il va sortir son gun. Eh bien oui, c’était ça, sa solution. Nous n’en revenions pas !

Il ne faut pas voir ici une inférence bébête selon laquelle c’est la télé qui
influence les gens. La télé est en fait influencée aussi par une pensée dominante.

Donc, elle est le reflet de l’imaginaire états-unien. Ça joue dans les deux sens et ce qu’on peut en conclure, c’est que la société états-unienne considère les armes, donc la violence, comme la solution principale aux problèmes que vivent les individus.

Quand, dans une société, tout ce qui est valorisé chez les hommes, c’est la
domination et la violence. Quand, dans une société, l’accès aux armes est facilité et valorisé. Quand, dans une société, toutes les solutions passent par les armes, à quoi peut-on s’attendre ?

La justice sociale aidera à réduire la misère humaine. Une meilleure socialisation des enfants (garderies, activités communautaires) aidera à détecter plus tôt les cas, assez rares croit-on, d’abus familiaux. Mais c’est aussi un changement culturel important qui pourra enlever de l’imaginaire que les armes sont une solution. Pour les États-Unis, hélas, ce n’est pas demain la veille.

Francis Lagacé

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