Montréal, le 26 mars 2019 - Une jeune fille rom âgée de 10 ans risque d’être déportée avec sa mère, Monika, vers la Hongrie demain. "Alexa" vit à Montréal depuis l’âge de 8 mois. Hier, l’Agence des services frontaliers du Canada a refusé une demande pour lui permettre même de terminer son année scolaire au Canada, bien qu’elle ne parle presque pas le hongrois et soit gravement discriminée dans son pays d’origine.
« Le racisme dont Alexa sera victime en Hongrie comme enfant rom est très bien documenté. C’est la raison pour laquelle sa mère et toute la famille de sa mère ont quitté la Hongrie. Alexa et sa mère Monika vivent au Canada depuis 10 ans. Monika elle-même n’avait que 18 ans quand elle est venue ici. Elles n’ont personne en Hongrie. Il n’y a aucune justification possible de traiter cet enfant de la sorte. C’est contre toute forme d’humanité. Les ministres Hussen et Goodale doivent intervenir maintenant », a déclaré Philippe Desmerais, membre d’un groupe communautaire qui soutient la famille.
« En Hongrie, quand j’avais 8 ans, un enfant non rom m’a fait tomber de mon vélo. Il a dit que je n’étais pas chez moi ici, que ce n’était pas mon pays ... Une autre fois, après avoir donné naissance à ma fille, je me dirigeais vers le magasin et un groupe de non-Roms m’a attaquée. Ils m’ont jeté une bouteille à la tête et se sont mis à crier : "Tous les gitans, sortez de notre pays". C’est la raison pour laquelle je suis partie. Je ne voulais pas que ma fille soit en danger. Et quand j’étais à l’école, un enfant rom est venu dans notre classe au milieu de l’année (il était expulsé du Canada). Je me souviens que plusieurs élèves non roms se moquaient toujours de lui, l’intimidaient et l’appelaient « un immigré gitan » », a raconté Monika.
Monika est arrivée au Canada en tant que réfugiée en 2009, à une époque où les Roms en Hongrie étaient la cible d’attaques et d’assassinats néo-nazis. Lorsque sa demande d’asile a finalement été tranchée en 2013, le gouvernement canadien venait de faire adopter le projet de loi C-31, également connu sous le nom de Loi sur l’exclusion des réfugiés. Dans sa campagne médiatique visant à vaincre l’opposition du public aux nouvelles règles sévères, le ministre de l’Immigration, Jason Kenney, avait distingué les demandeurs d’asile roms, affirmant de manière choquante que les Roms « abusaient » du système de réfugiés du Canada. Le premier semestre de 2013 avait le taux d’acceptation des réfugiés le plus bas de l’histoire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). C’est dans ce contexte que le cas de Monika a été refusé.
« Dix ans après les meurtres de Roms en Hongrie, la discrimination anti-Roms n’a été que normalisée. Les Roms sont confrontés quotidiennement au racisme et à la violence, dans tous les domaines. C’est pourquoi des personnes continuent de partir, et pourquoi Monika et sa fille sont si désespérées à l’idée d’y retourner. Cette situation n’est pas sûre pour une fille de 10 ans », a déclaré Desmarais.
« Nous sommes tellement en colère que, peu après ses excuses pour avoir refusé les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale, son gouvernement déporte une famille pour faire face à la violence néo-nazie et d’extrême droite en Europe. Dans la tradition juive il existe un concept appelé T’shuvah, qui désigne des mesures concrètes pour remédier à un acte préjudiciable, notamment un engagement ferme à ne pas répéter de tels dommages à l’avenir. Sans cet engagement, quel sens ont donc les excuses de Trudeau pour le MS St-Louis ? » a demandé Avi Gross, du groupe Voix juives indépendantes, en rapellant qu’au moins un demi-million de Roms avaient également été tués dans l’holocauste.
« Nous sommes membres de la communauté ici, beaucoup d’entre nous vivons ici depuis des années. Nous contribuons comme tout le monde, nous vivons ici : c’est chez nous. Vous dites que vous avez besoin de gens au Québec, alors pourquoi nous renvoyez-vous ? Pourquoi nous traitez-vous sans humanité ? Dix ans, ce n’est pas dix jours. Traiteriez-vous votre sœur comme ceci ? Votre fille ? Nous voulons simplement être traités comme les autres membres de la communauté », a déclaré Mohamed Barry du Comité guinéen pour un statut pour tous, expliquant que de nombreux membres de sa communauté sont également menacés d’expulsion.
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