Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

De grâce, ne nous faites pas brailler Mme Pelletier

Je viens de lire votre chronique intitulée L’Hôpital juif de Montréal où vous prônez le maintien de cet hôpital ethnique et religieux au nom de la mémoire de l’histoire du peuple juif et de son installation à Montréal dans le contexte du Québec du début du XXe siècle.

Malgré le respect que j’ai pour votre personne et notamment pour votre action féministe au cours des dernières décennies je m’insurge contre votre approche que je trouve tordue et démagogique bien qu’inspirée par les meilleurs sentiments. Tout en comprenant les conditions de la naissance de l’Hôpital juif au moment de sa création je ne puis personnellement accepter dans le Québec moderne sa perpétuation comme celle des autres établissements de santé, d’éducation, centres communautaires ou autres à caractère ethnique et/ou religieux, y compris les établissements catholiques, financés par l’état.

Nous sommes au Québec une société en voie de laïcisation depuis la Révolution tranquille à laquelle je pense vous avez personnellement adhéré, et cette laïcisation doit se poursuivre au nom de la cohésion sociale de notre pays le Québec et de notre peuple francophone qui vit dans un contexte minoritaire en Amérique du nord, et également au diapason de d’autres sociétés dans le monde dont plusieurs pays d’immigration comme plusieurs pays européens. Nous avons aboli le caractère catholique de nos écoles et de nos établissements de santé publics qui étaient encore dirigés il y a quelques décennies par des congrégations religieuses. Nous accueillons aujourd’hui dans nos écoles les enfants de toutes les origines ethniques ou religieuses contrairement à l’époque où nous exercions une sélection comme continuent à le faire directement ou indirectement plusieurs écoles ethniques et/ou religieuses qui existent aujourd’hui à Montréal. Pourquoi ce que nous avons fait dans nos institutions n’est-il la chose à faire pour les institutions appartenant à d’autres groupes ethniques et/ou religieux ? Pourquoi deux poids deux mesures ? Nous ne pouvons nous permettre de tolérer et d’encourager un fractionnement sans fin de notre société au nom du respect de croyances religieuses et d’origines ethniques différentes. La juxtaposition de mini-sociétés isolées les unes des autres n’est pas notre choix collectif. Je me rappelle lorsque je faisais de la radio avoir rencontré des jeunes Juifs dans leur école juive de l’ouest de Montréal. Je leur ai demandé s’ils connaissaient et fréquentaient des jeunes Québécois. Ils m’ont répondu qu’ils avaient passé une journée à Drummondville pour aller à leur rencontre...

Je pense personnellement qu’il nous faut poursuivre par étapes la laïcisation de la société québécoise et en arriver à moyen terme à voir disparaître les établissements de santé et les écoles à caractère ethnique et/ou religieux qui existent en grand nombre à Montréal, incluant les établissements catholiques. Ou tout au plus pourrions-nous tolérer leur existence sans qu’elles ne reçoivent aucun argent public pour leur financement et qu’elles soient totalement privées. Les lieux de culte et les centres communautaires sont les endroit où une communauté peut se retrouver tout en vivant le reste avec tout le monde.

Je ne pense pas qu’en justifiant l’existence d’établissement à caractère ethnique et/ou religieux par le manque d’ouverture de notre société dans le passé et la victimisation des gens de certaines communautés que nous arriverons à favoriser leur meilleure intégration. Nous sommes à l’heure de choix collectifs qu’il nous faut assumer courageusement. Nous serons pour un moment divisés entre nous mais j’ai bon espoir que nous en sortirons à moyen terme plus unis que jamais, Québécois de toutes origines, et que nous nous donnerons ainsi un pays à l’image de ce que nous sommes et voulons devenir pour nous et pour le monde.

Yves Chartrand

Yves Chartrand

Intervenant social
Montréal

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