Dans son édition du 4 novembre, le gros titre en 1ère page de La Presse proclame : « guerre aux piqueries » et, plus bas, un autre grand titre : « Quebecor et Radio-Canada : la guerre est déclarée ».
Constamment dans le Journal de Montréal (ou de Québec), des titres sportifs parlent de « guerres » entre clubs ou entre joueurs, boxeurs, lutteurs, quand ce n’est pas entre commentateurs, tel le loufoque raciste Don Cherry à qui le Collège Militaire Royal de Kingston voulait donner un doctorat honorifique pour ses apologies constantes de la guerre et …des combats entre joueurs de hockey virils (lire : non québécois ou non européens) !
Ne contribue-t-on pas par l’usage immodéré de tels termes excessifs à édulcorer dans la population l’effet des vraies bombes ou guerres ? Notre mise en garde d’artiste pour la paix cherche à convaincre les journalistes qu’un vocabulaire inflationniste nous désensibilise face à la vraie guerre et à ses dommages plus que collatéraux. Justement à ce propos…
C’est d’autant plus choquant pour ce qui est de La Presse du 4 novembre qu’elle contenait trois excellents articles révélateurs sur
1- « la guerre entre les oreilles » de leur correspondant Michel Thibodeau en Somalie, où le titre se justifiait pleinement par rapport à un pays dévasté par une guerre totale qui laisse la population en proie à des troubles psychiatriques et à une famine qui ravage des centaines de milliers d’entre eux.
2- l’Afghanistan de la correspondante de guerre Anne Nivat, louée par Michèle Ouimet dont les propres articles sont toujours pertinents et documentés par ses nombreuses et courageuses présences sur les lieux.
3- l’ex-soldat Pascal Lacoste, se disant victime de l’uranium appauvri [1] employé par les munitions américaines en Bosnie.
Évidemment, on rêve d’une enquête ou d’un reportage télé sur celles employées en Libye, mais AUCUN article dans aucun journal (sauf l’Aut’Journal) n’est paru sur les effets délétères il est vrai mystérieux de ces bombes, ni d’ailleurs des autres bombes par exemple canadiennes employées par l’OTAN dans cette guerre où on avoue trente-mille victimes : bien sûr, la presse officielle qui n’a à peu près pas documenté ces violences, les impute à Kadhafi, tandis que des articles de Bernard Desgagné [2] dans Vigile.net ou de Michel Chossudovsky dans mondialisation.ca ciblent l’OTAN et les islamistes du Conseil national de transition libyen comme les méchants exclusifs ! Blanc ou noir, on se rassure par une surenchère verbale enfantine chez les propagandistes des deux côtés…
Quant à nous, nous allons attendre le rapport de Me Philippe Kirsch, fondateur de la Cour pénale internationale de La Haye, envoyé spécial en Libye pour faire enquête sur les violations de droits humains et sur les massacres de part et d’autre. Mais on peut parier que sans trop de dérives idéologiques, nous arriverons à la conclusion que cette guerre rejoindra celles d’Irak et d’Afghanistan dans le tableau des horreurs. Nul n’est besoin de déifier Kadhafi pour déplorer les dérapages de l’OTAN. Si le seul fait qu’il était au pouvoir depuis 43 ans sans élections en faisait à nos yeux un tyran inacceptable, comme la dynastie Assad en Syrie, de là à déclencher une guerre aussi dévastatrice en pertes civiles, il y aurait eu d’autres avenues à explorer, telle l’offre de médiation par Hugo Chavez du Vénézuela…
Maintenant, le degré d’hostilité entre Israël et l’Iran reste l’objet majeur de nos préoccupations pour la paix.
Pierre Jasmin