Premier de deux textes. La suite la semaine prochaine.
Une critique constructive, c’est une critique d’ami, non une critique qui vise à détruire, mais à bonifier. C’est donc dans cet esprit que j’entreprends cette tâche. « 10 objectifs et 5 propositions : des pistes de recherche ouvertes au débat », voilà l’intitulé qui précède la présentation du corps du Pacte écologique. J’aimerais donc profiter de l’invitation.
Avant de m’y lancer cependant, j’aimerais insister sur un point : la notion même de développement durable. Je ne crois pas que cette notion soit appropriée. C’est une notion réductrice du sociétal. Une société humaine a plusieurs dimensions : l’économique, le social, le culturel, le politique et le signifiant (les valeurs et le sens que se donne la société). Réduire le social, le culturel, le politique et le signifiant à un social englobant revient à donner une importance trop grande, démesurée à l’économique. « Occidentalisant » est donc une autre caractéristique du développement durable.
Il faudrait peut-être y préférer la notion d’un développement intégral permettant à d’autres civilisations de ne pas être que sous-développées, sous-occidentalisées. Les relations intersociétales ont, à leur tour, diverses déclinaisons selon les environnements sociaux, culturels, politiques et signifiants. Enfin, la société, groupe humain, s’insère elle dans un ensemble plus grand, celui du vivant et du non-vivant. Elle y participe. L’écologique, c’est l’art d’y participer. L’écologique post-industriel est caractérisé par la démultiplication des humains et un épuisement relatif des ressources nécessaires à leur survie. C’est là la réalité. L’écologisme d’action, c’est quoi faire ?
Une taxe à la transition énergétique
La deuxième proposition du Pacte, c’est l’instauration d’une « taxe carbone ». L’objectif avoué de la taxe, c’est de réduire la consommation de carburants fossiles. En préambule, on explique qu’il n’y a pas de source d’énergie qui puisse nous sortir du pétrin. L’objectif d’une taxe sur le carbone doit être triple : serrer la ceinture à la consommation d’énergie, financer la restructuration énergétique et contraindre la restructuration énergétique. Autrement dit, ce qui manque, c’est la taxe pourquoi ? Pourquoi veut-on imposer une taxe sur les carburants fossiles ? Ce n’est évidemment pas pour simplement jouer à l’ascète, mais bien pour sortir du buttoir pétrolier et reconvertir nos systèmes économiques et technologiques à ce qui sera la nouveauté. Si l’on ne croit pas que la nouveauté soit encore arrivée, eh bien, une part importante des revenus fiscaux devraient aller au développement et à la recherche en ce domaine. L’autre part en revanche devrait aller à l’investissement en matière d’énergies alternatives, éolienne, solaire et même nucléaire, car la transition sera difficile – j’attends les pierres de ceux qui n’ont jamais péché ! – et l’on ne pourra peut-être pas se passer de cette source si facilement que l’on aimerait le croire. Qu’est-ce qui est mieux, vivre dans une serre, ou enfouir nos déchets toxiques mille pieds sous terre ? Je n’ai pas la réponse, mais il y a des questions, des voies, qu’il conviendra de débattre une fois que l’on a les ressources pour mener à terme cette révolution.
Je rappelle que l’empire anglais fut fondé sur la maîtrise du charbon, que celui des Américains est fondé sur le pétrole, et que celui de l’avenir sera fondé sur une autre source d’énergie, voire un cocktail bien brassé de plusieurs sources. Laquelle sera la principale est une question non déterminée, mais entre-temps, je suis prêt à concéder, dans certains pays, sur le nucléaire. Au Québec, ce sera peut-être le développement de l’hydro-électricité. Il ne faudra donc pas seulement trouver d’autres sources, moins polluantes, car elles le sont toutes d’une façon ou d’une autre, mais aussi développer des technologies pour les rendre plus vertes. L’avenir n’est cependant pas dans le charbon et le biodiesel, ni dans le nucléaire, mais le biodiesel et le nucléaire pourraient faciliter la transition. Il y a aussi une autre question intimement liée à celle-ci : le contrôle des populations humaines. Il est clair qu’il faudra éventuellement avoir une entente sur comment et combien. Comment contrôler les populations humaines, et à quelle responsabilité pour qui ?
C’est bien d’valeur, mais le premier problème écologique de la Terre, c’est l’humain. Je préfère la notion de « taxe à la transition énergétique » pour dire que c’est là le défi d’envergure qui confronte l’humain. S’il n’utilise pas une partie des ressources énergétiques qui lui reste pour reconvertir le système en pénurie de pétrole, il n’aura pas les moyens pour le faire le temps venu. Il y aura d’autres guerres, d’autres Bushs, d’autres Ben Ladens, et d’autres prophètes du désert comme Nicolas Hulot. Il serait peut-être intelligent, de les écouter, ces prophètes, pour une fois.
Une Organisation mondiale de l’environnement
Le Pacte écologique propose de créer une Organisation des Nations Unies pour l’environnement. Ici, j’aimerais plutôt proposer la voie d’une Organisations mondiale de l’environnement. Je ne crois pas que l’ONU soit le meilleur lieu pour discuter de ces choses. L’ONU est une organisation datant de la Seconde Guerre Européenne, qui s’est étendue au monde, mais ce n’est pas un lieu de pouvoir démocratique. Là où les décisions se prennent, c’est au FMI, à la Banque mondiale et à Washington, là, ce qui mène, c’est l’argent. Le monde est structuré sur une logique plutocratique, et les institutions internationales qui ont un impact réel, pas seulement celles qui protestent et ensuite vont nettoyer le dégât des États-Unis, eh bien, elles se fondent sur un principe plutocratique.
L’OMC est une exception, à demi, car, en principe, il y faut un consensus, mais en pratique, c’est une organisation pro-commerce. C’est un peu comme si l’on n’avait qu’un ministère de l’économie, dans un État. Il y a aussi une Banque centrale (FMI-BM) et un Parlement sans pouvoir (ONU). Je propose donc de court-circuiter l’ONU et de créer une Organisation mondiale de l’environnement, avec comme premier mandat : organiser la coopération pour la restructuration énergétique. Il y a là de quoi occuper le temps.
Cette organisation devrait se fonder sur deux principes : toute entité politique devrait pouvoir y adhérer (ville, État fédéré ou État) et le vote y est double, à demi fondé sur les ressources contribuées, à demi fondée sur le poids démographique de l’entité. L’entité peut nommer ses représentants plutocratiques, mais il doit assurer que la sélection des représentants démocratiques soit faite, évidemment, sur un fondement démocratique. La dimension plutocratique devrait de plus s’effriter avec le temps, pour transformer l’institution en véritable organe de démocratie mondiale.
Les plus grandes entités ne peuvent cependant concentrer les pouvoirs entre les mains de quelques personnes, il faut donc que les représentants des deux types soient multiples, selon la taille de l’État. Un représentant par dix millions d’habitants, à titre de proposition initiale. Évidemment, les petits États auraient un représentant avec une fraction de vote. Voilà pour la constitution. Pour les principes de coopération : le premier est que les ressources sont concentrées pour mener ensemble des recherches et des projets de développement de technologies écologiquement viables ; ensuite, les résultats sont aussi partagés, sans discrimination sur le fondement de la richesse, ces technologies deviennent la propriété partagée des membres. Les projets sont aussi destinés à tous les membres, mais il serait peut-être préférable de ne pas concentrer toutes les ressources au centre, il faut que chaque État utilise la taxe à la transition énergétique pour financer ses propres projets.
Le montant de la taxe doit cependant faire l’objet d’une entente et elle doit être graduellement augmentée. Cette augmentation permettra de mener à terme la transition, en internalisant au prix du pétrole les externalités dommageables et inconséquentes pour l’environnement. Mener à terme cette transition, c’est changer de monde, technologiquement, économiquement, politiquement. C’est là le plus grand défi qui se pose à l’humanité de ce début de siècle. Et ce sera peut-être là aussi le projet par lequel les États-tribus deviendront une humanité digne de ce nom, avec des institutions dignes de ce nom.
Le pourcentage des revenus accordé à l’Aide publique au développement (APD) proposé par le Pacte Hulot doit aussi être rejeté. Il ne convient pas aux Occidentaux arrogants d’aider les trois quarts du monde, non, qu’ils soient solidaires, qu’ils contribuent un pourcent de leur PIB à la solidarité internationale (SI), certes, et qu’ils le fassent en fondant une Organisation mondiale du développement, avec des ressources concentrées, et un fonctionnement à demi-démocratique, voilà ce qui serait un progrès.
Revenons cependant à la question de la transition énergétique, il y a là une autre chose à souligner : il ne peut pas y avoir une solution État par État. Cette question est beaucoup plus large, et il faudra qu’il y ait une solution coopérative. Une telle organisation est donc requise non seulement pour émettre des avis et promulguer des déclarations, mais aussi pour agir. Une telle unité, une telle unification est nécessaire. Il y a là un beau défi. Mais par tous les dieux, qu’on ne cherche pas dans la structure organisationnelle de l’ONU l’avenir de l’humanité. Que la France donne l’exemple, étant membre du Conseil de sécurité, qu’elle soit la première à en sortir, et à rejoindre le XXIème siècle.
Le Pacte écologique se trouve à l’adresse suivante : http://www.pacte-ecologique-2007.org