Tiré de Médiapart.
La mégapole de Shanghai, centre économique et financier chinois, est paralysée depuis plus d’un mois en raison des mesures strictes prises pour lutter contre la pandémie et Pékin, la capitale du pays, s’inquiète déjà après la détection de plusieurs cas. Subira-t-elle le même sort ?
La Chine de Xi Jinping se vantait d’avoir maté le Covid-19. Elle en avait fait un motif non seulement de fierté mais d’affirmation de la supériorité du « socialisme à caractéristiques chinoises » sur les démocraties occidentales, dont le bilan était brocardé – tous les jours, le journal télévisé de CCTV, le grand rendez-vous de 19 heures, donne le chiffre de personnes contaminées et de morts aux États-Unis.
Mais les Occidentaux, qui ont choisi de vivre avec le virus grâce à la vaccination obligatoire et à l’immunité collective, résistent désormais beaucoup mieux à la vague d’Omicron – plus contagieuse, même si elle est moins mortelle – et ne vivent plus dans la crainte du confinement généralisé.
La politique « zéro Covid » prônée par les autorités chinoises prend l’eau de toutes parts, car son coût économique et social est de plus en plus élevé. Elle est de moins en moins acceptée par la population, dont la colère s’exprime régulièrement sur les réseaux sociaux malgré la censure.
La capitale chinoise, jusque-là relativement épargnée, est touchée depuis vendredi après la découverte de six cas. Quelque vingt millions d’habitants – soit 90 % de la population – vont être testés d’ici samedi dans 11 des 16 districts de la ville, ont annoncé lundi soir les autorités locales. Jamais depuis le déclenchement de la pandémie début 2020 une opération d’une telle ampleur n’avait été menée dans cette ville du nord du pays.
Mass Covid testing in #Beijing today. Testing has expanded from Chaoyang to 11 out of the city’s 16 districts. Line for this testing site stretches for over a kilometre. pic.twitter.com/k6pm8Fi3kR
— Michael Yuxuan Zhang 張雨軒 (@YuxuanMichael) April 26, 2022
© Michael Yuxuan Zhang 張雨軒
Cai Qi, secrétaire du Parti communiste de Pékin et responsable du comité chargé de la lutte contre la pandémie, a qualifié la situation de « grave et complexe » et appelé la cité à « se mobiliser d’urgence ». Les autorités pékinoises semblent avoir tiré les leçons des erreurs commises à Shanghai, où les habitant·es avaient souffert de pénuries et du manque d’informations.
Selon le Quotidien de Pékin, Cai Qi a décidé de veiller à « ce que les grands supermarchés et les magasins de proximité travaillent main dans la main pour garantir un approvisionnement suffisant et des prix stables », alors que de nombreux habitants et habitantes se sont rué·es dans les commerces pour constituer des stocks et ont dévalisé les rayons.
Le journal, organe officiel du Parti communiste de la ville de Pékin, souligne également la nécessité pour les dirigeants locaux de s’assurer « de la diffusion en temps utile d’informations sur l’épidémie, de la réponse aux préoccupations sociales et de la réponse immédiate aux demandes des citoyen·nes, créant ainsi une bonne atmosphère d’unité dans la lutte contre l’épidémie ».
Lors d’un point-presse lundi soir, le porte-parole de la municipalité, Xu Hejian, a annoncé que les mesures de détection seraient étendues. Il a également demandé aux employeurs de favoriser le travail à domicile et « autres modalités de travail flexibles ».
Le South China Morning Post explique qu’un certain nombre d’activités publiques, comme les événements sportifs, les expositions, les forums, les cérémonies de mariage, ont été suspendues.
À Shanghai, la situation est toujours aussi tendue. La colère des personnes confinées ou envoyées de force dans des centres de contrôle surgit régulièrement sur les réseaux sociaux malgré la censure. Dernier exemple en date, une vidéo intitulée « Voix d’avril » (voir ici) est impitoyablement nettoyée.
Sur des images de Shanghai prises depuis un drone, on peut entendre des conversations liées au confinement strict de la ville : des habitant·es se plaignent auprès de fonctionnaires, des marques de solidarité se font jour, mais ce qui ressort surtout, c’est beaucoup de frustration. Inacceptable pour le régime à quelques mois du XXe Congrès du Parti communiste qui doit adouber de nouveau Xi Jinping, le maître tout-puissant du pays.
François Bougon
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