"Quand les bandits sont au pouvoir, la place d’un honnête homme est en prison." Michel Chartrand
La phrase est célèbre et aujourd’hui, tristement d’actualité. Commentant la nomination du juge qui a aujourd’hui condamné Gabriel Nadeau-Dubois, André Noël écrivait déjà dans La Presse en 2005 ; « Nommé à la Cour supérieure en 2004, Denis Jacques était pressenti pour être candidat libéral dans Québec aux élections de 2004. Il était alors conseiller juridique pour les libéraux de cette circonscription. » Il s’agit de plus d’un donateur du parti de longue date…. et on commence à savoir à Montréal ce que ça veut dire par les temps qui courent.
Dès lors, le conflit d’intérêt était questionné et la décision d’aujourd’hui y ajoute l’inadmissible car faut-il le rappeler, Gabriel Nadeau-Dubois risque maintenant une peine d’emprisonnement !
Légitime de respecter les votes de grève
Au printemps, avec le soutien du gouvernement de Jean Charest et des grands médias, les tribunaux ont tôt fait de contourner les décisions démocratiques des associations étudiantes en accordant plusieurs injonctions individuelles qui devront tôt ou tard être jetées aux vidanges car totalement contraires à la loi.
Ces injonctions en effet faisaient valoir les « droits » de certains d’avoir accès à leurs cours alors qu’eux mêmes, étaient membres d’associations étudiantes en grève. Faut-il le rappeler, les associations étudiantes ne sont pas de simples « associations », elles dont reconnues par la « Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves ou d’étudiants » (la fameuse loi 32) qui lie les membres des associations aux décisions adoptées démocratiquement par la majorité et qui oblige l’institution scolaire à ne reconnaitre l’association étudiante que comme seule représentante des étudiants. On pourrait comparer la logique des injonctions printanières à celle qui permettrait à un juge d’accorder une injonction à un individu concernant toute décision gouvernementale sur la base qu’il n’a pas voté pour le parti au pouvoir !
Les paroles de Gabriel Nadeau-Dubois qui faisaient valoir la légitimité du système démocratique et des décisions des associations étudiantes dans ce contexte n’avaient rien de révolutionnaires. N’importe quel juge qui se respecte aurait dû à l’origine rejeter les requêtes d’injonctions du revers de la main. Mais ce ne fut pas le cas…
Une clause Gabriel Nadeau-Dubois pour punir la désobéissance
On le sait, les gouvernements de toutes allégeances ont peur de la désobéissance et de la mobilisation populaire. Par l’adoption de la désormais célèbre loi 78, Le gouvernement Charest annulait toutes les injonctions préalablement accordées, tout en maintenant les procédures pour outrage au tribunal, un article surnommé « clause Gabriel Nadeau-Dubois ». Pauline Marois qui a annulé la loi 78 s’est aussi bien gardé de revenir sur la question laissant Gabriel Nadeau-Dubois seul à la merci des tribunaux.
« Nous avons planté ce printemps les graines d’une révolte qui ne germera peut-être que dans plusieurs années. »
Toutes ces questions semblent techniques et elles le sont. Car l’offense de Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas là. Sa faute est dans l’inspiration que lui et les autres leaders étudiants ont contribué à insuffler à la société québécoise. Le printemps érable "est une faille dans "l’establisment" québécois" et il importe sans doute pour plusieurs que la matraque légale achève maintenant ce que celle en caoutchouc dur n’a pas su faire.
Car pour citer Gabriel en terminant, ce sont « les mêmes personnes, avec les mêmes intérêts, les mêmes groupes, les mêmes partis politiques, les mêmes instituts économiques. Ces gens-là, c’est une seule élite, une élite gloutonne, une élite vulgaire, une élite corrompue, une élite qui ne voit l’éducation que comme un investissement dans du capital humain, qui ne voit un arbre que comme une feuille de papier et qui ne voit un enfant que comme un futur employé.
Ces gens-là ont des intérêts convergents, un projet politique convergent, et c’est contre eux que l’on doit se battre, pas seulement contre le gouvernement libéral. Et je peux vous transmettre le souhait, je crois, le plus cher des étudiants et des étudiantes qui sont en grève au Québec : c’est que notre grève serve de tremplin à une contestation beaucoup plus large, beaucoup plus profonde, beaucoup plus radicale de la direction que prend le Québec depuis les dernières années. »
Voir en ligne : Lire "Faits et causes" sur la cause de GND