« Nous ne prétendons pas que le CUSM ou le CHUM sont gangrenés par la mafia et la corruption. Ce que nous constatons, c’est que les lacunes qui sont la source des problèmes dans la construction d’infrastructures publiques, l’absence de transparence, le manque d’expertise publique, les contrôles sur le privé effectués par le privé, tout ça, on le retrouve dans l’octroi de contrats externes dans nos établissements de santé. C’est la croix et la bannière pour les syndicats chaque fois qu’ils veulent obtenir une parcelle d’information », explique le vice-président de la CSN, Jean Lacharité.
C’est encore plus préoccupant au CUSM et au CHUM, ces deux mégas-hôpitaux qui ont été offerts au privé pour des dizaines d’années par l’entremise de contrats secrets en partenariat public-privé. « Le CUSM a acquis deux édifices dernièrement pour loger des services, mais ils ne pourront jamais être transformés à cause des règlements de zonage municipaux. Pour combien ont-ils été acquis ? Qu’entend-on en faire ? Comment l’administration pouvait-elle ignorer les règlements de zonage avant d’entreprendre la démolition ? Et ce n’est qu’un exemple. Il y a encore plein de zones d’ombre et nous croyons que c’est inacceptable », dénonce le président du syndicat CSN représentant 5000 employé-es du CUSM, Paul Thomas.
Les travaux pour la construction du nouveau CUSM sont très avancés. Mais le syndicat n’obtient toujours pas de réponse à des questions cruciales comme celles concernant les services alimentaires dans un hôpital où aucune cuisine n’est prévue ou encore celles concernant les services administratifs pour lesquels aucun bureau n’est prévu dans l’établissement.
Des craintes au CHUM
« Lorsqu’on voit les scandales qui éclaboussent les anciens hauts dirigeants du CUSM, qui étaient les pilotes de ce PPP, on ne peut faire autrement que de se questionner sur ce qui nous attend au CHUM. Nous n’avons pas plus de réponses à nos questions et c’est inquiétant. Nous avons un rôle majeur dans la dispensation des services ; il va de soi que nous devons être informés sur l’organisation des lieux, souligne le président du syndicat CSN du CHUM, Pierre Daoust. Nous n’avons jamais reçu les informations que nous sommes en droit de recevoir selon les termes de notre convention collective. Pourquoi nous tient-on ainsi toujours dans l’ignorance ? Qu’ont-ils à cacher ? Dans le contexte social actuel, il est renversant qu’on nous demande une profession de foi aveugle devant des investissements publics de plusieurs milliards de dollars... il me semble que la transparence devrait être de rigueur. »
Des conseils d’administration opaques
Les conseils d’administration des établissements devraient être un lieu pour examiner ce genre d’enjeux, croit la CSN. Malheureusement, très souvent, on y fait peu de place pour les syndicats, sinon pas du tout dans le cas du CUSM. En outre, on voit régulièrement des entrepreneurs du privé y siéger : ils sont peu susceptibles de remettre en question les contrats qu’ils reçoivent de l’établissement. Enfin, les séances publiques, lorsqu’elles se tiennent aux dates et aux lieux prévus, évacuent complètement ce genre de décisions les laissant en définitive dans les seules mains des hauts dirigeants des établissements.
« Lorsque nous questionnons la privatisation des services, nos interventions portent souvent leurs fruits. Le gouvernement lui-même reconnaît que nous pouvons jouer un rôle important pour assurer l’intégrité et une saine gestion des établissements puisque nous venons de conclure une entente stipulant que tous les établissements devront dorénavant transmettre les informations pertinentes aux syndicats sur tous les contrats qu’ils donnent au secteur privé, et ce, dans le but de préserver l’expertise dans le secteur public et d’éviter les dérapages que l’on connait. C’est la même logique qui devrait s’appliquer aux hôpitaux universitaires, PPP ou non » plaide le vice-président de la FSSS-CSN, Guy Laurion.
La campagne Le ver est dans la pomme
C’est pourquoi les syndicats FSSS du CHUM et du CUSM lancent aujourd’hui une campagne sous le thème Le ver est dans la pomme. Ils entendent porter des revendications en faveur des services publics dans le cadre de la construction des nouvelles installations. La campagne syndicale vise à démontrer que le secteur privé fait son chemin dans nos services publics. Les syndicats veulent informer la population des impacts négatifs de cette intrusion du privé sur les services à la population et démontrer la nécessité du maintien des emplois.
Pour les syndicats CSN, la véritable expertise se trouve chez les employé-es du secteur public. Si l’on n’y pas prend garde, il n’y aura bientôt plus que le secteur privé pour contrôler et questionner ses propres choix, ses demandes d’« extras », etc. Il faut agir dès maintenant.