Question pour un champion : quel est le montant réel de la réduction de la dette accordée à la RDC au point d’achèvement ? La réponse diffère selon les sources. C’est 12,3 milliards de dollars américains, selon le communiqué conjoint FMI-Banque mondiale publié au terme de la réunion des 29 juin et 1er juillet 2010. 10,8 milliards Usd, selon le ministère des Finances. 10,95 milliards de dollars américains, selon la Banque centrale du Congo. 10,7 milliards de dollars, enfin, selon la cellule économique de la Primature.
Face à toutes ces réponses, l’examinateur - à l’occurrence le peuple congolais - ne sait plus à quel saint se vouer. L’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE a certes résolu un problème, celui du caractère insoutenable de la dette de la RDC. Mais, elle a, en même temps, relancé la polémique sur le contenu réel de la dette extérieure congolaise. Le débat est vif sur le sujet. Il s’articule essentiellement autour du mécanisme mis en oeuvre depuis des années pour s’assurer une gestion transparente de la dette congolaise.
Le mystère
En avril dernier, le ministre des Finances, de retour des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, annonce au cours d’une conférence de presse que le traitement du dossier de la RDC est conditionné par une étude sur la viabilité de la dette diligentée en même temps par les services du FMI et de la Banque mondiale. Selon le ministre, cette étude préalable à l’atteinte du point d’achèvement devait déterminer dans un premier temps le stock total de la dette de la RDC, et ensuite, dégager le montant à annuler au point d’achèvement.
Les conclusions de cette étude ne seront jamais rendues publiques. Et, contre toute attente, le FMI et la Banque mondiale inscriront malgré tout le dossier RDC à l’ordre du jour de leurs conseils d’administrations des 29 juin et 1er juillet 2010.
Le communiqué conjoint diffusé à cet effet par le FMI et la Banque mondiale fixe le cadre de cette réduction. « Les décisions prises par les Conseils d’administration de deux institutions conduiront à un allégement total du service de la dette de 12,3 milliards de dollars EU, dont 11,1 milliards de dollars EU au titre de l’initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et 1,2 milliards de dollars EU au titre de l’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM).
L’allégement de la dette de la part du FMI atteindra 491 millions de dollars EU et celui de l’IDA 1.832 millions de dollars EU, le reste devant venir de créanciers bilatéraux et commerciaux. En conséquence, la RDC ne sera plus confrontée à une lourde charge du service de la dette par rapport à ses recettes et à ses réserves de change », lit-on dans ce communiqué.Ainsi, pour le FMI et la Banque mondiale, l’allégement approuvé par leurs conseils d’administration en faveur de la RDC porte sur un montant de 12,3 milliards de dollars américains. Cependant, à Kinshasa les chiffres rapportés par des officiels congolais divergent avec ceux présentés autant par le FMI que la Banque mondiale.
Le premier à se prononcer officiellement sur le sujet est le Président de la République qui en fait mention dans son message du 4 juillet 2010 à la Nation. Prudent, sans doute, le Chef de l’Etat ne se hasarde par sur le terrain des chiffres. Son message est centré sur le geste posé en faveur de la RDC. Aussi, déclare-t-il à ce propos : « Je viens, en effet, vous annoncer solennellement qu’à l’issue de leurs réunions qui se sont respectivement tenues le 29 juin et le 1er juillet 2010, le Conseil d’Administration du Fonds Monétaire International et celui de la Banque Mondiale ont prononcé l’admission de notre pays au Point d’Achèvement de l’initiative PPTE ».
Le seul chiffre évoqué par le chef de l’Etat est celui portant sur l’encours global de la dette. Pas un mot sur l’enveloppe réelle annulée. « La dette extérieure de notre pays, estimée à 13 milliards de dollars américains, vient d’être annulée à 90 % ». « C’est manifestement une grande victoire pour le peuple congolais », note le chef de l’Etat, qui se félicite des sacrifices consentis à tous les niveaux pour arriver à ce résultat.
Dans les instances officielles, le montant de la partie annulée de la dette ne sera qu’évoquer en premier lieu que par le Premier ministre, recevant alors à la Primature, différents représentants des organismes internationaux accrédités en RDC. Les premières divergences apparaîtront déjà à ce niveau.
L’on parle alors de 10,7 milliards Usd de dette annulée contre 12,3 milliards Usd comme évoqué officiellement par le FMI et la Banque mondiale.
Point focal de suivi des programmes avec les institutions du FMI et de la Banque mondiale, le ministre des Finances reviendra sur le sujet dans une conférence de presse organisé dans son cabinet. Là encore, l’argentier national se risquera sur le terrain des chiffres. « L’atteinte du point d’achèvement permet à la République démocratique du Congo de bénéficier d’un allégement de 10,8 milliards de dollars américains sur une dette nominale de 13,7 de dollars américains arrêtée à fin décembre 2009 », notera le ministre des Finances, avant de faire observer que « sans cet allégement, s’il nous était demandé de payer aujourd’hui toute cette dette, il nous aurait fallu y consacrer 125% de notre PIB. Grâce à l’allégement, ce poids est ramené à 25% du PIB ».
Même sur le stock total de la dette de la RDC, le FMI est paru d’avis contraire avec le gouvernement. Dans le communiqué qui sanctionnait la conclusion en décembre 2009 d’un nouvel accord formel avec la RDC, le FMI notait déjà ce qui suit : « La RDC reste surendettée. L’encours de la dette extérieure est voisin de 13,1 milliards de dollars EU. Fin 2008, la valeur actuelle de la dette extérieure contractée ou garantie par l’État est estimée à 93 % du PIB, soit 150 % des exportations et 502 % des recettes publiques (à l’exclusion des dons), bien au-dessus des seuils de référence ».
La problématique de la gestion de la dette
Ces divergences sur les chiffres traduisent le désordre dans lequel la dette publique (intérieure et extérieure) a été gérée depuis des années.
En paralysant pendant une dizaine d’année l’Office de gestion de la dette publique (actuelle Direction de gestion de la dette publique), la RDC s’est privée de tout repère dans la gestion de sa dette extérieure.
Ce n’est pas pour rien que le FMI et la Banque mondiale avaient prévu une étude sur la viabilité de la dette extérieure de la RDC, avant de se pencher en Conseil d’administration sur le cas de la RDC. De leurs discussions, il en est sorti un effacement de 12,3 milliards Usd, là où Kinshasa n’en voit que 10,8 milliards Usd. Qu’est-ce qui explique cette différence des vues ? La question est au centre de discussions dans différents milieux économiques et financiers du pays.
Comme toujours, seul le gouvernement a l’obligation de trancher pour éviter que la polémique ne prenne des dimensions disproportionnées. Il s’agit, dans l’urgence, de mettre de l’ordre dans la gestion de la dette.
Et, dans l’avenir, il sera plus prudent d’impliquer d’autres institutions du pays telles que le Parlement dans les procédures de la dette.
1. L’encours en fin de période comprend la plupart de la dette envers le Club de Londres (environ 1,2 milliard de dollars EU en 2008), qui devrait être rachetée avec une forte décote au moyen de dons de l’IDA, et les arriérés accumulés.
2. Les estimations et les projections sont fondées sur l’AVD 2009 et s’entendent après prise en compte de l’assistance intérimaire au titre de l’initiative PPTE. Comprend l’assistance au-delà des conditions de l’initiative PPTE renforcée accordées par certains créanciers du Club de Paris. Les exportations sont une moyenne mobile rétrospective sur 3 ans ; les projections supposent que la RDC atteigne le point d’achèvement de l’initiative PPTE au premier semestre 2010.
Congo-Kinshasa : Au-delà de l’allègement de la dette
Tiré de : http://fr.allafrica.com/stories/201007270641.html
Par Faustin Kuediasala - allAfrica.com
26 Juillet 2010
Kinshasa — Un nouveau danger guette la RDC : les fonds vautours, prévient le CADTM
Le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) a fait observer que l’effacement de la dette de la RDC n’est pas un cadeau des bailleurs des fonds. C’est plutôt, pense-t-il, la reconnaissance d’une « dette odieuse » qui a été imposée depuis des décennies à la RDC. Mais, au-delà de cette réduction de la dette, la RDC doit se mesurer à un nouveau danger : les fonds vautours.
« L’allègement de la dette de la République Démocratique du Congo n’est pas un cadeau offert par les bailleurs des fonds. Le Congo a dû remplir certaines conditions pour y arriver », a déclaré Renaud Vivien, membre du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde (CADTM) à Radio Okapi, à l’issue de sa mission au Katanga.
Pour Renaud Vivien, les Congolais et les décideurs doivent continuer à se mobiliser pour que cette dette soit complètement annulée, car, ajoute-t-il, elle n’avait pas profité aux populations locales.
Le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-monde (CADTM) est une structure internationale présente dans 29 pays dont la RDC. Son rôle est de mobiliser et sensibiliser les populations et les décideurs des pays endettés pour des actions pouvant conduire à l’annulation de leurs dettes. Il fait aussi un plaidoyer auprès des pays donateurs.
Pour ce comité, la dette extérieure de la RDC est illicite et le Congo était en droit de refuser de la payer, indique Renaud Vivien : « C’est une dette odieuse parce que les créanciers ont prêté, sachant que ces prêts seraient détournés par Mobutu. Il y avait de nombreux rapports, dont le rapport Blumethal, qui mettaient en garde les créanciers sur les détournements systématiques faits par Mobutu. Donc, la RDC n’est pas redevable aujourd’hui de cette dette. Elle doit être annulée, sans condition et totalement ».
L’allégement de cette dette n’est donc pas un motif de satisfaction pour ce comité car un autre danger guette la RDC : les fonds vautours. Il faut des garde-fous pour éviter que les nouveaux investissements destinés à la RDC soient récupérés par ces fonds vautours. Renaud Vivien explique encore : « En Belgique, les parlementaires ont adopté une loi qui dit que de la coopération au développement ne peuvent pas être saisis par les fonds vautours. La RDC n’a pas toujours ce type de loi. Les parlementaires ont vraiment intérêt à adopter cette loi pour bloquer cette action néfaste de ces fonds prédateurs qu’on appelle fonds vautours ».
L’annulation doit bénéficier aux populations locales
Les Conseil d’administration du FMI et de la Banque mondiale ont confirmé l’atteinte par la RDC du « point d’achèvement » de l’initiative PPTE, l’initiative d’allégement de la dette des pays les plus pauvres et les plus endettés, fait partie la RDC. Cette décision porte sur un allègement de dette de 12,3 milliards Usd, soit plus de 80% de la dette congolaise, ce qui devrait permettre de dégager des fonds additionnels pour le développement de la RDC en réduisant le service annuel de la dette de 920 à 194 millions Usd.
Cependant, cette décision n’aboutit qu’après de multiples reports et plusieurs années de réformes supervisées par les institutions financières internationales. Ainsi, après une restructuration de la dette congolaise opérée dès 2002, la RDC avait entamé le parcours de l’initiative PPTE en espérant bénéficier d’un allégement de sa dette dès 2006.
Mais c’était sans compter avec de nombreuses conditions liées à ce « point d’achèvement » : d’un taux d’inflation trop élevé au contrat chinois jugé excessif, en passant par la révision contestée des contrats miniers, comme celui de la firme canadienne First Quantum, des justifications n’ont pas manqué pour annoncer un report de l’allégement de dette prévu
C’est finalement grâce à la signature d’un nouveau programme triennal avec le FMI et le respect des sept (7) critères définis dans ce cadre que la RDC a enfin atteint le « point d’achèvement ».
Par ailleurs, la RDC continuera d’assumer une partie de sa dette dont la viabilité à terme n’est pas assurée. En effet, une part de la dette annulée n’était de toute façon pas payée, du fait que la RDC n’avait pas les moyens d’assumer toutes ses dettes. L’impact sur le financement du développement congolais risque donc d’être plus limité que prévu.
Pourtant, la dette congolaise, essentiellement issue de la dictature de Mobutu, était une dette « odieuse » selon le droit international, c’est-à-dire contractée par un régime non démocratique, sans bénéfice pour la population locale et en connaissance de cause des créanciers. Cette dette aurait donc dû être décrétée nulle et non avenue, comme ce fut encore le cas récemment avec la dette irakienne, mais les créanciers ne l’ont pas entendue de la même oreille.
Cette opportunité ayant manqué, il restait désormais à s’assurer, d’une part, que l’annulation de la dette congolaise bénéficie aux populations locales et, d’autre part, que le pays n’entame pas à nouveau un cycle d’endettement insoutenable. Cela implique de mettre en place un audit permanent de la dette congolaise et d’adopter les principes de la Charte pour un financement responsable définie par Eurodad, afin d’éviter la reconstitution de dettes illégitimes et d’un nouveau cycle d’endettement insoutenable.
Le but étant de s’assurer que les nouveaux prêts qui surviendront à l’avenir soient opérés de manière soutenable. Cela implique ensuite de se prémunir contre les fonds vautours, ces fonds qui achètent avec décote de vieilles dettes sur le marché secondaire en vue d’attaquer en justice le pays débiteur lorsqu’il retrouve des marges de manoeuvre financières. La RDC est en effet régulièrement attaqué par ces prédateurs financiers.
C’est pourquoi les deux coupoles des Ong belges, le CNCD-11.11.11 et 11.11.11-KVNZB, demandent, au-delà de l’annulation de la dette congolaise, le démantèlement des fonds vautours et la mise en place de politiques de financement responsable garantissant durablement le financement du développement de la population congolaise.