Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Comprendre la vague orange au Québec - 1ère partie

Première partie : Un havre socialiste ?

Simon Tremblay-Pepin est chercheur à l’institut IRIS. Nous reproduisons ici la première partie d’une série de trois articles publiés en anglais sur le Blog du Centre canadien des politiques alternatives Behind the numbers. http://www.behindthenumbers.ca/2011/07/26/understanding-quebec%E2%80%99s-orange-wave-part-one-a-socialist-haven/

Vu de l’extérieur, on pourrait croire que la majorité des québécois(es) se sont convertis à la social-démocratie et au fédéralisme asymétrique lors des dernières élections fédérales. Cette analyse vise à démontrer les failles d’une telle interprétation, sans diminuer pour autant les espoirs de collaboration potentiels entre les progressistes au Québec et dans le reste du Canada.

Dans cet article (le premier d’une série de trois) je tenterai de démontrer qu’il n’existe pas de corrélation entre la vague NPD au Québec et une croissance de l’appui aux idées de gauche. Le prochain article portera sur le Québec, le NPD et la souveraineté. Et le dernier offrira une contre-analyse sur les raisons qui ont conduit les québécois(es) à voter NPD et comment en tant que progressistes, nous pouvons toujours continuer ensemble sur plusieurs enjeux.

Le spectre politique du Québec

Commençons par un aperçu des principaux acteurs de la situation politique actuelle, de la droite à la gauche :

ADQ  : Un parti de droite dirigé pendant des années par Mario Dumont. Il a traversé une crise après un épisode désastreux en tant qu’opposition officielle et son dirigeant actuel, l’ex-journaliste Gérard Deltell, tente de remettre le parti sur ses rails. L’ADQ met l’emphase sur la réduction de l’intervention de l’état et de son appareil et vise à réduire la force syndicale.

PLQ : Le plus vieux parti au Québec, le parti Libéral est un parti classique de centre-droit. Il a traversé récemment une série de scandales concernant son organisation et son financement. Son programme est centré sur la promotion du fédéralisme et la planification du développement de l’économie capitaliste, ce qui signifie par conséquent la réduction de la taille de l’état.

PQ : Ce parti souverainiste et centriste (avec un récent penchant vers la droite) traverse présentement une crise importante. Cinq de ses députés viennent de quitter le caucus, contestant le leadership de Pauline Marois. Le parti a été créé dans le but premier de réaliser la souveraineté, mais semble hésitant à en faire la promotion. Ses convictions sociales demeurent également en marge de ses propositions.

PVQ  : Le Parti Vert n’existe pratiquement pas au Québec. Sa dernière assemblée générale comptait quelques douzaines de participants(es) et son dirigeant nouvellement élu est plus ou moins inconnu. Tentant de défendre une position de neutralité sur l’échiquier des questions fédéralisme/nationalisme et gauche/droite, sa proposition centrale consiste à adapter l’économie actuelle aux enjeux environnementaux.

QS : Ce parti de gauche âgé de cinq ans n’a qu’un seul député, Amir Khadir, mais réussit souvent à se situer au centre du débat politique. Québec solidaire se présente comme un parti de gauche souverainiste, féministe, pacifiste et une altermondialiste.

Où en sommes-nous maintenant ?

Si la vague orange qui a frappé le Québec lors de la dernière élection fédérale était le résultat d’un appui grandissant et largement répandu pour les options politiques de gauche, ne devrions-nous pas voir ses effets dans les résultats électoraux au Québec également ? Dans les derniers résultats électoraux, pouvons-nous constater une montée de Québec Solidaire ou du Parti Québécois centriste ?

Graphique 1 : Résultats électoraux au Québec depuis 2008

Source : Moyenne mensuelle des intentions de vote selon Léger et Crop de décembre 2008 à juin 2011

Comme on peut le constater, même si Québec Solidaire a connu une montée constante durant les derniers trois ans, on est loin de l’accession au pouvoir avec une moyenne de 11%-12% des intentions de vote. Initialement, le PQ se dirigeait vers une victoire probable lors des prochaines élections, mais ses crises internes se sont traduites par à une tendance à la baisse durant la dernière année. En juin, il a même enregistré des intentions de vote plus bas que l’impopulaire parti libéral de Jean Charest.

Est-ce que la vague orange a eu des répercussions sur les intentions de vote au Québec depuis la dernière élection provinciale ? On peut penser que cela a eu des conséquences sur la crise du PQ (amplifiée par le sort du BLOC), mais une chose est certaine : cela n’a pas signifié un tournant majeur à gauche.

Un tout nouveau Legault

En dehors de l’implosion du PQ (sans être étrangère à celle-ci) une autre reconfiguration politique d’importance se dessine au Québec. François Legault, ancien ministre sous le règne de Lucien Bouchard et Bernard Landry, envisage de former un nouveau parti politique. Les médias font grands cas de son actuelle Coalition pour l’avenir du Québec, qui fait l’objet également de nombreuses spéculations. Il a clairement déclaré récemment qu’il avait l’intention d’avoir un parti politique fonctionnel pour les prochaines élections provinciales, même à l’automne. Où François Legault loge-t-il politiquement ? À l’intérieur du PQ, il était clairement lié à l’aile droite – avec Joseph Facal et Guy Chevrette. Il est beaucoup plus en faveur de solutions technocratiques que ne le croyait l’ADQ, et beaucoup moins populiste. Bon entrepreneur arrivé en politique dans les années ’90, Legault veut appliquer des réformes dans le secteur public en lien avec la philosophie du secteur privé. Ses mots d’ordre sont : performance, compétition, diminution des coûts etc.

Alors, quel sera le portrait si Legault arrive dans notre havre socialiste ? Quelles répercussions cela aura-t-il sur les intentions de vote ? Voici les résultats d’une enquête menée seulement un mois après les élections fédérales.

Graphique 2 : L’hypothèse Legault

Source : Léger Marketing, La politique provinciale et fédérale au Québec, 11 juin 2011.

Comme le graphique l’illustre, si les deux organisations politiques de droite fusionnent, elles pourraient potentiellement atteindre 41% du vote populaire (presqu’autant que le PQ et le PLQ ensemble). Le PQ et le PLQ pourraient perdre environ un tiers de leur soutien avec ce nouveau joueur sur l’échiquier. Ce sondage demeure de la politique fiction, nos conclusions doivent donc demeurer prudentes. Elles ne reflètent certainement pas ce que seraient les résultats après une campagne.

Cependant, on peut voir que le goût du changement au Québec ne favorise pas la gauche en ce moment au niveau provincial. Fondamentalement, tous les sondages au niveau provincial nous indiquent que la vague orange n’a rien à voir avec un enthousiasme majeur pour la gauche au Québec.

Traduction, André Frappier

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