Le congrès a été précédé d’intenses luttes de fractions qui se sont soldées par la condamnation pour corruption et l’exclusion du Parti de Bo Xilai, patron de la municipalité autonome de Chongqing, dans le sud-ouest du pays. Il est difficile de juger de la portée réelle de ces déchirements fractionnels derrière le langage codé propre au PCC et alors que l’information reste soit censurée soit manipulée. Mais ils annoncent peut-être d’importantes fractures au sein de ladite « gauche » (néo)maoïste.
Les courants dits « maoïstes », nationalistes et opposés à des réformes néolibérales trop prononcées, opèrent au sein du régime. Ils se réclamaient souvent du « modèle de Chongqing » garantissant (officiellement au moins) une plus grande protection sociale face au développement d’un capitalisme sauvage. Ils se sont cependant violemment divisés face à la chute de Bo Xilai et une partie d’entre eux déclarent maintenant ne plus vouloir s’aligner sur l’une ou l’autre des fractions du PCC, mais en appeler à une nouvelle révolution.
La question est d’importance. Cependant, pour l’heure, aucun courant de la « gauche » du PCC n’a remis en cause les pouvoirs autoritaires du parti. Même s’ils s’élèvent contre des procès truqués qui frappent leurs proches, ils ne défendent toujours pas une séparation des pouvoirs politiques et judiciaires. Ils affichent une sensibilité sociale, mais ne rompent pas avec le modèle d’Etat hérité du maoïsme historique.
Le monopole du pouvoir dont bénéficie le PCC est certes par ailleurs remis en cause, ou pratiquement contesté, en particulier sur la Toile, avec des blogs qui peuvent connaître une immense popularité. Mais ces milieux – comme hier les promoteurs de Charte 08 – s’en tiennent généralement à l’exigence de droits démocratiques politiques, mais restent silencieux sur les droits démocratiques sociaux. Ils expriment plus les aspirations de nouvelles élites que les intérêts des secteurs surexploités de la population.
La fusion entre les aspirations démocratiques et le combat contre les inégalités de classes n’est semble-t-il pas encore réalisée par des courants politiques d’ampleur significative. Les élites et le régime gardent la main. Cependant, les résistances sociales se multiplient et commencent même à emporter des victoires revendicatives. Surtout, la corruption généralisée interdit au Parti et à l’Etat de gérer rationnellement (de leur point de vue) le développement du nouveau capitalisme chinois.
Le régime postmaoïste est né de la corruption – de la privatisation des biens sociaux –, elle fait partie de son ADN. Tous les discours moralisateurs de congrès n’y changeront rien. C’est bien le talon d’Achille du pouvoir.
* Article écrit pour l’hebdomadaire « Tout est à nous » à paraître le 14 novembre 2012.