Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Chili

Chili. « Pour récupérer la mémoire historique » (VI)

Après avoir fixé le cadre dans lequel Allende peut mettre en place le gouvernement d’Unité populaire, sous surveillance de l’armée, Luis Vitale énumère ce qui représente pour lui, dans la première phase du gouvernement de l’UP, les principales conquêtes socio-économiques et politiques, ainsi que la dynamique et la structure des forces du mouvement populaire. Pour ce qui est l’ouvrage dont sont extraites ces contributions et sur la place et le rôle de l’auteur, nous renvoyons à l’introduction publiée le 31 mai. (Réd. A l’Encontre)

Tiré de A l’Encontre
6 juin 2023

Par Luis Vitale

Les premières mesures du président Allende : novembre 1970-juillet 1972

Les principales mesures adoptées par Allende du 4 novembre 1970 à la mi-1972 ont marqué, à notre avis, la première phase du gouvernement de l’Unité populaire. La deuxième phase a commencé avec la grève patronale d’octobre cette même année et s’est terminée par la tentative de coup d’État appellée le « tanquetazo » en juin 1973. La troisième, quant à elle, s’est terminée par le coup d’État militaire du 11 septembre 1973, des phases que nous allons maintenant développer en détail.

Le triomphe de l’Unité populaire a eu lieu à un moment où les mouvements sociaux en Amérique latine étaient en plein essor : la rébellion des étudiants et des travailleurs argentins exprimée dans le « Cordobazo » de 1968, plusieurs grèves générales en Uruguay, les luttes des paysans et des travailleurs en Bolivie, qui ont abouti à l’Assemblée populaire, pendant le gouvernement national anti-impérialiste du général Juan José Torres [octobre 1970-août 1971] et des manifestations dans presque tous les pays d’Amérique latine à l’occasion de la tournée de Nelson Rockefeller [envoyé spécial de Nixon en Amérique latine dès mai 1969]. En fait, un processus vers le changement social était en cours dans le Cône Sud. Le Chili n’était pas une exception avec la « voie chilienne vers le socialisme ».

Des partisans de l’Unité populaire (UP) ont caractérisé l’administration Allende comme un gouvernement de « transition dans la transition », d’autres comme un gouvernement ouvrier, et d’autres encore ont parlé d’un gouvernement bourgeois de type Front populaire, une caractérisation historiquement incorrecte, car dans le Front populaire chilien de 1938 un parti bourgeois, le Parti radical, dirigeait l’alliance. En revanche, le gouvernement de l’Unité populaire résultait d’une coalition hégémonisée par les partis de gauche, Parti communiste et Parti socialiste. Les secteurs résiduels de la bourgeoisie ayant initialement soutenu Allende, comme le Parti radical, se sont divisés lorsque ce parti a fait scission et qu’une des fractions est passée dans l’opposition.

Le Parti communiste a interprété la victoire d’Allende comme la confirmation de sa thèse sur la « voie pacifique » vers le socialisme, alors qu’il était clair que les hommes d’affaires et le capital étranger, soutenus par les États-Unis, mettaient en doute dès le début la victoire politico-électorale de la gauche, en menaçant d’une intervention armée. En 1971, les Etats-Unis ont alloué 2,5 millions de dollars pour subventionner la presse d’opposition. Puis ils ont réduit l’aide économique étatsunienne de 80 millions de dollars en 1969 à 8,6 millions de dollars en 1971 ; l’aide militaire de 11,8 millions de dollars en 1969 à 5,7 millions de dollars en 1971 et l’aide totale des autres agences internationales de 76,4 millions de dollars en 1970 à 15,4 millions de dollars en 1971, des chiffres qui ont encore baissé en 1972 et 1973.

Les « quarante premières mesures fondamentales » annoncées par Allende se sont rapidement traduites par des investissements sociaux dans l’éducation, la santé et le logement et par le respect du droit du travail, jusqu’alors violé par les dirigeants entrepreneuriaux des villes et des campagnes. Le Chili a rétabli ses relations diplomatiques et commerciales avec Cuba. Le gouvernement d’Allende a adhéré aux principes universels de non-intervention et du droit à l’autodétermination des nations, proclamant le Chili pays non aligné.

En 1971, a été approuvée la principale mesure promise par Allende : la nationalisation des mines de cuivre, puis de salpêtre et de charbon, l’étatisation de la banque et la nationalisation de la compagnie des téléphones (ITT) [29].

La nationalisation du cuivre

En janvier 1971, le pouvoir exécutif a envoyé au Parlement le projet de réforme constitutionnelle relatif à l’exploitation des grandes mines de cuivre, qui proposait essentiellement la nationalisation des mines exploitées par les sociétés étrangères : ce projet déduisait de la compensation précédente [la chilénisation du cuivre sous Frei] les bénéfices comptables excessifs réalisés par les sociétés dans le cadre de la loi du « Nuevo Trato ». Après un long débat, le 11 juillet 1971, le Congrès a approuvé à l’unanimité la proposition historique du président Allende.

L’indemnisation à verser aux mines nationalisées devait passer par les procédures suivantes : la Cour des comptes de la République [Contraloría General de la República] était chargée d’évaluer la valeur comptable des entreprises au 31 décembre 1970, en déduisant de ce chiffre les réévaluations effectuées à partir du 1er janvier 1965, la valeur des actifs mal utilisés et ce que le président considérait comme une rentabilité excessive : il s’agissait de récupérer pour l’État la « rente économique » perçue ces dernières années par les entreprises étrangères. La réforme constitutionnelle a également établi que les parties avaient le droit de faire appel de la décision de l’organisme de contrôle auprès d’un tribunal spécial.

En conséquence, les indemnités accordées à chaque entreprise ont été les suivantes, en dollars :

« Les sociétés Exotica et Andina sont entrées en activité en 1971, elles n’étaient donc pas soumises à la décote pour rentabilité excessive. Anaconda possédait 75% des parts d’Exotica et avait droit à une compensation de 7,6 millions de dollars ; Cerro possédait 70% des parts d’Andina et avait droit à une compensation de 12,8 millions de dollars. Selon la décision de la Cour des comptes, aucune compensation n’était due dans les cas de Chuquicamata, El Salvador et El Teniente » [30].

Ces chiffres étaient le résultat de la déduction de la compensation fixée de la somme de 774 millions de dollars pour les rendements excessifs, un montant qui, ajouté aux remises établies par l’organisme officiel de contrôle, faisait que les entreprises étrangères devaient verser 375 millions de dollars à l’État chilien. Il convient de noter que ce total n’inclut pas les quelque 100 millions de dollars que les entreprises devaient au titre de la participation aux bénéfices, ni les métaux précieux tels que l’or, l’argent, le molybdène et autres qu’elles avaient sortis de notre pays sans que l’État reçoive aucune rétribution.

Bien que certaines mines aient vu leur production augmenter, la chute du prix du cuivre sur le marché mondial a affecté la rentabilité des entreprises, ce qui a été aggravé par la pénurie d’intrants et de technologies précédemment importés des États-Unis et par l’échange inégal traditionnel des grandes nations capitalistes avec celles du Tiers Monde.

D’autres mesures de nationalisation : salpêtre, fer et charbon

En 1971, le gouvernement Allende a finalisé le processus de nationalisation du salpêtre en procédant à l’étatisation de la Compañía Salitrera Alemania et de la Sociedad Química y Minera, une entreprise mixte appartenant à des capitaux étasuniens et à l’État, dans laquelle ce dernier détenait une participation de 37%. L’achat de la Sociedad Química y Minera, qui possédait les salpêtrières d’Anglo-Lautaro et de Victoria, signifiait que toute la production de salpêtre restait entre les mains de l’État chilien.

Par ailleurs, le processus d’étatisation des sociétés d’exploitation du minerai de fer a aussi été achevé. Il était jusqu’alors limité au gisement d’Algarrobo, administré par la Cía. de Acero del Pacífico. En 1971, l’État en a pris le contrôle, par l’intermédiaire de la Corporación de Fomento de la Producción, de toutes les actions de la Cía. de Acero del Pacifico, en nationalisant les opérations de Bethelhem Iron Mines, qui exploitait El Tofo et El Romeral, ainsi que les sociétés Santa Bárbara et Santa Fe. Ainsi, en 1971, l’État en est venu à contrôler 95% de la production de fer et de son processus de commercialisation, si l’on ajoute l’étatisation de la société Lota-Schwager Carboniferous Company.

Approfondissement de la réforme agraire

Dans les 18 premiers mois de son gouvernement, Allende a procédé à l’expropriation de 371 229 hectares de terres arables irriguées, 877 553 hectares de terres arables de culture pluviale et 4 045 974 hectares d’irrigation de base ; au total 5,5 millions d’hectares expropriés et distribués aux paysans qui, cumulés aux expropriations effectuées lors du gouvernement Frei [31], ont conduit à la quasi-extinction des grandes propriétés au Chili. Une recherche effectuée au début de l’année 1972 indique : « Le gouvernement a rendu public son désir de mettre fin aux grandes propriétés – ce qui impliquera l’expropriation de 2000 à 2500 parcelles – dans deux années supplémentaires, c’est-à-dire avant la fin de l’année 1973 » [32].

Il convient de noter que les expropriations de terres étaient strictement conformes aux dispositions de la loi sur la réforme agraire de 1967 et aux recommandations de la Conférence régionale de la Comission économique pour l’Amérique latine (CEPAL), en 1970.

Selon des spécialistes reconnus en la matière, « la superficie ensemencée n’a pas diminué dans les exploitations réformées, mais a plutôt augmenté dans certaines régions, tandis que la valeur de la production agricole globale a augmenté d’environ 5% en 1970-1971 à 6,1% en 1971-1972. (…) Si l’on compare le processus de réforme agraire au Chili avec des processus similaires dans d’autres pays d’Amérique latine ou du monde, on est impressionné par le succès relatif obtenu. (…) Au Chili, un changement rapide a été opéré dans le système foncier, éliminant pratiquement les grandes propriétés, définis par la loi comme des propriétés de plus de 80 hectares. En outre, il a été procédé à certains changements dans l’accès au crédit, dans la commercialisation et dans la fixation des prix. Les paysans ont été plus impliqués dans le processus qu’auparavant. (…). Les paysans et l’État contrôlaient environ 35% des terres agricoles (cultivées). Cependant, près de 30% des terres agricoles demeuraient dans des mains privées, avec des parcelles comprises entre 40 et 80 hectares. (…) En 1965, on comptait environ 4876 parcelles de plus de 80 hectares, soit l’équivalent de 2% des propriétés foncières, comptant pour environ 55% des terres fertiles. Au milieu de l’année 1972, il restait environ 200 de ces grands domaines avec moins de 3% de la surface productive » [33].

Cependant, le revenu agricole moyen par personne était encore inférieur à la moyenne nationale, malgré d’importantes subventions gouvernementales. La planification agricole gouvernementale a été assez inefficace. L’organisation technologique, économique et sociale encore traditionnelle des paysans bénéficiaires comportait de sérieuses lacunes, en grande partie parce que les partis de l’Unité populaire n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur des règles institutionnelles claires pour les terrains occupés et les Centres de la réforme agraire (CERA). De plus, « la concentration dans les villes de la grande majorité de la bureaucratie a conduit à une structure administrative ayant peu à voir avec les besoins actuels du pays et paralysant de nombreuses initiatives du président » [34].

Les Centres de la réforme agraire (CERA) ont été conçus comme « une grande coopérative » qui unifierait plusieurs parcelles de terrain « dans un terrain de taille économique optimale », incorporant le nombre maximum de membres permanents, afin de résoudre le problème du chômage. Contrairement à la colonie, « le Centre de la réforme agraire se caractérisait par l’égalité économique et sociale des différents groupes de paysans travaillant dans le lotissement, qui étaient tous des membres égaux et de plein droit de la coopérative. Contrairement à la colonie, le Centre de la réforme agraire a donné aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes pour la première fois dans l’histoire rurale chilienne. (…) C’était une combinaison d’éthique socialiste et d’incitations capitalistes. Les travailleurs se voyaient garantir le même salaire minimum égal et recevaient des dividendes si leur productivité était plus élevée » [35]. Bien que le nombre de familles regroupées dans les Centres de la réforme agraire ait été plus faible que prévu, dépassant à peine les 3000 familles en 1973, ce fut une expérience pertinente d’autogestion paysanne.

Les Centres de production étaient des entreprises d’État dotées d’une meilleure technologie et tenaient compte du soin de l’écosystème, offrant ainsi de meilleures possibilités d’emploi stable. C’était une variante de la ferme d’État, mais sans la bureaucratie de l’administration traditionnelle et avec la participation active des travailleurs. Les petites exploitations ont également été regroupées en coopératives, notamment dans la région Mapuche. Une autre mesure importante, prise en avril 1972, consistait à transformer les grands vignobles en entreprises communes.

Quoi qu’il en soit, il subsistait encore un pourcentage élevé de petites exploitations et un pourcentage considérable du chômage paysan traditionnel car le gouvernement était incapable de dégager des ressources pour moderniser les activités agricoles, alors même que le budget de la réforme agraire avait été doublé en 1971 par rapport à celui de 1970.

L’étatisation des banques et de la compagnie de téléphones International Telephone & Telegraph

Les principales banques ont été récupérées par l’État après les mesures d’étatisation des banques étrangères et des banques privées chiliennes. Jusqu’en 1970, 10% de ces banques monopolisaient plus de 50% des crédits et des investissements ; 3 banques seulement concentraient 45% des dépôts, 55,1% des bénéfices et 44,3% des crédits [36]. De même, 52 directeurs des 5 plus grandes banques privées occupaient 316 sièges dans les conseils d’administration de sociétés anonymes, tandis qu’un directeur de la Banque du Chili, en février 1971, occupait le même poste dans 113 sociétés anonymes. De leur côté, les investisseurs étrangers ont bénéficié de l’obtention de crédits à des taux inférieurs à ceux pratiqués dans leur propre pays.

L’étatisation des banques privées a commencé en janvier 1971, par l’achat d’actions par la Corporación de Fomento de la Producción, l’organisme habilité par les gouvernements précédents à remplir cette fonction, qui a délégué ses pouvoirs à la Banque centrale, laquelle a alloué 400 millions d’escudos à ce titre. Par le biais de cette action légalement établie, dans la moitié des 23 banques privées nationales, l’État est devenu propriétaire de plus de 50% des actions.

Dans le même temps, a commencé l’achat des actions des plus importantes banques étrangères, comme la First National Bank, la Bank of London et des banques françaises et italiennes. « L’opération a été menée avec le plein accord des parties. L’achat de ces banques s’est fait par le biais d’un crédit que les banques étrangères ont accordé aux banques nationales acheteuses et avec une durée qui variait, selon le cas, entre 5 et 7 ans » [38].

Par conséquent, la destination des crédits a changé en faveur des moyens et petits producteurs urbains et ruraux, avec des taux réduits de 18% à 12% si le crédit était demandé par des colonies, des coopératives et d’autres organisations agraires coordonnées par l’Instituto de desarrollo Agropecuario. Ainsi la politique de démocratisation de la distribution du crédit a commencé à être mise en œuvre.

Au même moment, la Compañía de Teléfono y Telégrafo, propriété de l’International Telephone & Telegraph, a été nationalisée, affectant les importants investissements étatsuniens au Chili, un fait qui a intensifié l’offensive du Département d’État contre le gouvernement de l’Unité populaire.

Les changements dans le domaine de la commercialisation et de la distribution

Jusqu’à la fin de l’année 1970, ces activités étaient monopolisées par des entreprises oligopolistiques telles que Williamson Balfour, Weir Scott, Gibbs, Duncan Fox et Codina. Le gouvernement Allende a décidé en 1971 de créer des entreprises d’État chargées de la commercialisation et de la distribution, en créant des organismes comme ENAVI, ECA, DINAC, SOCOAGRO, DINATEX, pour garantir la commercialisation par secteurs productifs et réorienter la distribution nationale, ce qui a porté atteinte aux intérêts des monopoles, mais sans remplacer les commerces de détail.

Le gouvernement a promu la création des Conseils d’approvisionnement et de contrôle des prix [Juntas de Abastecimientos y Precios] constitués dans chaque commune par les habitants eux-mêmes, ce qui a généré un processus d’autogestion dans la distribution des aliments aux secteurs les plus déshérités. Les entreprises de l’Aire de propriété sociale (APS) ont distribué leurs produits directement aux populations selon le montant que ces Conseils avaient demandé aux organismes d’État cités précédemment, bientôt rejoints par la Direction de l’industrie et du commerce (DIRINCO) [39].

Création de l’Aire de propriété sociale

L’Area de Propriedad Social (APS) a été constituée à partir des entreprises nationalisées, telles que le cuivre, le salpêtre, le charbon, la téléphonie et la télégraphie, ainsi que les firmes qui avaient déjà été étatisées (plus de 90 nouvelles entreprises ont étatisées entre novembre 1970 et fin 1972).

Dans son message au Congrès du 4 mars 1971, le président Salvador Allende a affirmé : « La mise en place du secteur de la propriété sociale est l’un de nos objectifs. L’incorporation en son sein de la plus grande partie de nos ressources essentielles, du système bancaire, des grandes propriétés, de la plus grande partie de notre commerce extérieur, des monopoles industriels et de distribution, est un chantier déjà entamé, que nous devons approfondir. (…) L’importance du secteur public est traditionnelle dans notre pays. Environ 40% des dépenses sont publiques. Plus de 70% des investissements proviennent de l’État. Le secteur public a été créé par la bourgeoisie nationale pour favoriser l’accumulation privée, pour consolider les structures productives concentrées du point de vue technologique et patrimonial. (…) Notre gouvernement entend le rendre quantitativement encore plus important, mais aussi qualitativement différent ».

Le processus d’étatisation des entreprises émanait des gouvernements précédents, en raison des nouvelles fonctions assumées par l’État depuis les années 1930 jusqu’à l’administration de droite de Jorge Alessandri, et s’est accéléré sous le gouvernement d’Eduardo Frei avec la « chilenisation » ou « nationalisation concertée » des entreprises étrangères de cuivre. L’État était ainsi habilité à nationaliser et à acheter des entreprises, conformément aux réformes constitutionnelles préexistantes, approuvées par le Congrès.

La justification de cette mesure se basait sur le processus de concentration monopolistique qui avait eu lieu depuis les années 1950, et surtout jusqu’à la fin des années 1970. De manière contradictoire, le processus d’étatisation et de concentration des monopoles industriels, mené précédemment par les gouvernements de la classe dominante, a facilité la création par l’Unité populaire de l’Aire de propriété sociale (APS), sur des bases légales et strictement constitutionnelles [40]. Des lois oubliées et jamais abrogées ont été sauvées – dont celle adoptée non pas pendant la brève « République socialiste » (du 4 au 16 juin 1932), comme on l’a dit, mais sous le gouvernement centriste également bref de Carlos Dávila : le décret-loi n° 520 du 30 août 1932, donnant naissance au Commissariat général aux subsistances et aux prix – devenu populaire sous le nom de « brèches juridiques ».

Dans le domaine de la propriété sociale et mixte, des opérations de « marché ouvert » ont été réalisées par l’État par le biais de la Corporation de développement, comme cela s’est produit dans le cas de la banque ; l’intervention directe dans certaines entreprises, garantie par des dispositions constitutionnelles [41], ainsi que l’intervention dans des entreprises en cessation de paiement, dans celles qui ne respectaient pas l’obligation de produire et de distribuer des produits de première nécessité, mais qui spéculaient sur les prix.

Le gouvernement Allende a soumis au Parlement, fin 1971, un projet de loi sur les domaines de l’économie et de la participation des travailleurs, explicité au début du mois d’avril 1972, en complément des observations faites au pouvoir exécutif par deux sénateurs de droite dans le projet de réforme constitutionnelle.

Les parlementaires de la droite et du centre ont tenté de faire obstacle à son approbation et de limiter les ressources, en faisant obstacle à l’adoption de la loi budgétaire de 1972. De surcroît, en 1972, la Démocratie chrétienne a présenté un projet de loi visant à bloquer le développement de l’Aire de propriété sociale et mixte, modifiant l’article 10, paragraphe 10, faisant référence aux garanties constitutionnelles sur la propriété, et l’article 44 sur les pouvoirs du Congrès. L’objectif de la DC était de « priver le gouvernement de la possibilité de décider quelles entreprises devaient être nationalisées ». De plus, cela supprimait les mécanismes dont le gouvernement avait besoin pour procéder à des étatisations sans passer par le Parlement, puisque, selon le projet de loi, l’exécutif ne pourrait pas acquérir des actions ou des droits sur des sociétés sans autorisation parlementaire ». Comme justification, le sénateur Juan Hamilton [PDC, ancien ministre des Mines sous Frei] a invoqué « l’inefficacité et le gaspillage », en plus d’une critique inhabituelle : « La gestion étatique et centralisée commence à étouffer la libre créativité des travailleurs » [42].

Sur les 90 entreprises à nationaliser, 74 appartenaient au secteur industriel, 6 au commerce de gros, 4 à l’électricité, au gaz et à l’eau et 6 aux transports et aux communications. La Corporation de développement, chargée de canaliser l’Aire de propriété sociale et mixte, a créé les Comités sectoriels de développement : agro-industrie, sidérurgie, métallurgie, textiles, énergie, sylviculture, pêche, automobile et chimie. Dans les industries de l’Aire de propriété sociale, la production a augmenté de 15% au cours de l’année 1971, selon l’Institut d’économie de l’Université du Chili. Les plus fortes augmentations ont été enregistrées dans les secteurs de la chimie et de l’alimentation et, surtout, dans l’une des zones industrielles les plus importantes : Concepción, où la production a augmenté de 21% en 1971, contre moins de 3% pour la période 1967-70 [43].

La participation des travailleurs dans ces entreprises était inégale, entre autres en raison de la différence d’opinions au sein de la Centrale unique des travailleurs et dans les syndicats de base, où les militants des partis de l’Unité populaire se disputaient le contrôle, se comportant de manière sectaire et verticale. Quoi qu’il en soit, la pression des travailleurs intéressés par cette alternative – qui allait au-delà du contrôle ouvrier et facilitait la gestion des entreprises – a permis d’obtenir en 1972 la participation active de 150 000 salariés dans 120 entreprises du secteur social, dont 35 avaient des Comités de production, 30 avaient des Comités de coordination des travailleurs et plus de 40 avaient des Comités d’administration, notamment dans le textile et la métallurgie [44].

Ce nombre est plus élevé si l’on considère les autres secteurs de la propriété sociale : 71 000 travailleurs sont intervenus dans la gestion des entreprises par le biais des Conseils d’administration, 44 000 ouvriers et employés participaient aux Comités de coordination et environ 100 000 étaient représentés dans les Comités de production. Toutefois, ce chiffre était faible par rapport à la main-d’œuvre totale et aux adhérents des syndicats et de la Centrale unique des travailleurs (CUT).

Les mouvements sociaux et leur degré d’autonomie

Le salariés, aussi bien que les ouvriers et les employés, ont atteint un haut degré de conscience de classe et aussi de conscience politique de classe à cette époque, car non seulement leurs revendications économiques (salaires et retraites) étaient plus claires, mais ils avaient aussi un programme politique de changement social, une conscience politique de classe massive, rarement atteinte dans des processus qui ne mènent pas à la révolution et à la prise réelle du pouvoir, ce qui ne s’est pas produit sous le gouvernement de l’Unité populaire, pendant lequel a eu lieu une période pré-révolutionnaire frustrée par la politique « étapiste » des partis de gauche et par le coup d’État militaire.

La conscience politique de classe avait déjà existé à certaines périodes de l’histoire chilienne avec la création du Parti ouvrier socialiste dirigé par Luis Emilio Recabarren [1876-1924, le POS a été créé en 1912], du Parti communiste dans les années 1920 et du Parti socialiste dans les années 1930, interrompue par la politique de collaboration de classe sous le Front populaire. Elle a retrouvé une vitalité nouvelle avec la création de la Centrale unique des travailleurs, présidée par Clotario Blest, et celle-ci a dépassé les cadres traditionnels de l’économicisme syndical pour s’élever à un niveau politique national, avec la Déclaration de principes de 1953, affirmant que la Centrale unique des travailleurs aspirait à remplacer le système capitaliste. Elle a acquis un degré encore plus important de conscience politique lorsque les exploités et les opprimés ont donné la première majorité électorale à Allende, puis ils ont acquis une identité plus solide encore lorsqu’ils ont identifié comme putschiste la classe dirigeante, en tant qu’alliée des forces armées.

La conscience de classe a été renforcée pendant le gouvernement de l’Unité populaire avec plusieurs avancées. L’une d’entre elles a été le processus de syndicalisation, passé à 27% dans le secteur privé et à 95,7% dans le secteur des travailleurs de l’État, selon l’étude de Clotario Blest [45], en sachant qu’à l’époque, peu de pays, même en Europe, atteignaient ce chiffre.

Une autre étape dans l’identité de classe et l’adhésion syndicale a été le processus accéléré des grèves. En 1971, il y a eu 2709 grèves, et dans la première moitié de 1972 environ 1760 grèves, non seulement pour des revendications économiques, mais aussi pour intervenir dans l’expropriation des entreprises monopolistiques. Le mouvement s’est étendu aux campagnes, où en 1971, il y a eu des grèves sur 1758 exploitations, avec 1278 « confiscations » de domaines, dont beaucoup « à portes fermées » afin d’empêcher les propriétaires de récupérer les machines et le bétail, avant d’être touchés par les dispositions de la réforme agraire.

Les Mapuches ont repris leur lutte ancestrale pour la récupération de leurs terres, qui leur avaient été enlevées par les « huincas » exploiteurs [terme mapuche pour désigner les Blancs, et plus particulièrement les conquérants espagnols du XVIe siècle, et incluant, par extension, les concepts d’usurpateur, de conquérant, d’envahisseur, de voleur et de menteur] pendant plus de quatre siècles. Depuis 1972, on constate une augmentation significative d’occupations d’usines, de domaines et de terrains dans les poblaciones pauvres de la périphérie urbaine.

Les Cordons industriels et les Commandos communaux débordent le verticalisme des partis de l’Unité populaire

Les Cordons industriels ont été les organisations de base les plus importantes du mouvement syndical pendant le gouvernement Allende, reprenant l’expérience territoriale des Mancomunales du début du XXe siècle [structures mutualistes régionales visant à l’amélioration de la situation matérielle et intellectuelle des travailleurs]. Ils étaient structurés sur une base zonale, comme les sept Cordons de Santiago, comprenant Vicuña Mackenna, San Joaquín, Cerrillos et d’autres communes de Santiago, ainsi que celles des provinces, notamment Concepción et Valparaíso. Ils n’étaient pas organisés par les organisations syndicales mais par des syndicats de base dans toutes les usines et entreprises de la Commune. C’est pour cette raison que la réponse de la Centrale unique des travailleurs était incorrecte : les Cordons industriels provoqueraient la division du mouvement syndical ; une critique contestée par les dirigeants des Cordons : « Les unions des différents syndicats de la Commune, regroupés dans notre organisation territoriale, ne se sont pas désaffiliées de leurs fédérations respectives intégrées à la Centrale unique des travailleurs ; par exemple, les syndicats textiles Hirmas, Yarur et autres continuent d’appartenir à la Fédération Textile de la Centrale unique des travailleurs, ainsi que les syndicats de la Fédération Métal, Chimie et Alimentation ».

Pour renforcer leur organisation territoriale, les Cordons industriels se sont associés aux Commandos communaux, formés par les habitants de la même commune ou zone que les syndicats. De cette manière, ils sont parvenus à former un mouvement local vigoureux qui, à mesure que la lutte des classes s’intensifiait, est devenu l’embryon d’un pouvoir local, que certains ont confondu avec une dualité de pouvoir avec le gouvernement Allende, alors qu’en fait ils soutenaient, avec certes quelques critiques, le président de la République.

En effet, les Cordons industriels ont débordé les partis de l’Unité populaire à plusieurs reprises car ils étaient structurés à partir de la base, avec des syndicalistes combatifs sans parti ou sympathisants de gauche. Leurs résolutions n’étaient pas adaptées aux aléas et aux tactiques du gouvernement et de la Centrale unique des travailleurs, mais aux décisions démocratiques de la base, qui souhaitait s’orienter vers des objectifs plus définis et plus radicaux que ceux du gouvernement lui-même, réaffirmant ainsi son autonomie. Il existe des recherches exhaustives sur le sujet – notamment le livre volumineux et documenté de Miguel Silva, Los Cordones Industriales y el socialismo desde abajo (1990) – démontrant le rôle fondamental joué par ces organisations en termes de contrôle ouvrier et d’administration des entreprises collectives.

De plus, elles allaient souvent au-delà des exigences économiques, s’élevant à un niveau socio-politique d’importance nationale à des moments cruciaux. Le journal Aurora de Chile, dans son édition de juillet 1973, après le « tanquetazo » (29 juin 1973) ou tentative de coup d’État dirigé par le lieutenant-colonel Roberto Souper Onfray, déclare : « Les Cordons industriels incorporent de nouveaux contingents de classe que la Centrale unique des travailleurs n’intègre pas, les syndicats non affiliés, les travailleurs sans organisation syndicale, les employés du secteur tertiaire. Les Cordons industriels ne sont pas incorporés à la légalité bourgeoise. (…) Ce sont les seules organisations de classe capables de s’incorporer à un pouvoir territorial, dans une situation de confrontation directe avec la bourgeoisie, avec tous les avantages stratégiques que cela implique » [46].

Lorsque les partis de l’Unité populaire parlaient de la classe ouvrière, ils ne faisaient référence qu’aux ouvriers et employés organisés dans les syndicats. C’est pourquoi l’une de leurs faiblesses est de ne pas avoir pris en compte les aspirations des travailleurs non organisés, notamment dans les petites entreprises, avec 101 000 personnes travaillant dans l’artisanat et 175 000 dans les petites et moyennes entreprises, ainsi que des dizaines de milliers de travailleurs urbains non industriels, comme ceux du commerce. Mario Durán a déclaré : « Le projet de l’Unité populaire de créer l’Aire de propriété sociale ne concernait que quelque 180 000 travailleurs. Le nombre de travailleurs des petites entreprises et des artisans atteignait environ 280 000 et la grande majorité de la classe ouvrière, ajoutée au nombre énorme de sous-employés et de chômeurs, soit environ 400 000, donnait un total approximatif de 700 000 travailleurs qui n’étaient pas associés au projet politique » [47].

Quoi qu’il en soit, un pas important vers la démocratisation des syndicats a été franchi en 1972 lorsque la Centrale unique des travailleurs a été appelée à des élections nationales directes pour élire une nouvelle direction. Jusqu’alors, et comme c’était la tradition dans tous les pays, la direction nationale de la centrale syndicale était élue indirectement, par le biais de délégués représentant un certain nombre de membres. En 1972, les travailleurs chiliens ont voté sur leur lieu de travail, un événement démocratique sans précédent dans l’histoire du mouvement syndical mondial. Le résultat fut le suivant : les délégués syndicaux proches du Parti communiste ont obtenu 173 068 voix, du Parti socialiste 143 140, du Parti démocrate-chrétien 147 531, du Mouvement d’action populaire unitaire 25 983, du Parti radical 21 910, du Front des travailleurs révolutionnaires (MIR, Frente Revolucionario et autres groupes) 10 192, de l’Union socialiste populaire 5420, du Parti communiste révolutionnaire 3390 et de la Gauche chrétienne 3126 [48].

Cette élection démocratique a montré que la gauche traditionnelle conservait sa force au sein de la Centrale unique des travailleurs tandis que la Démocratie chrétienne augmentait son influence dans la base syndicale, tout comme la toute nouvelle organisation politique, le Mouvement d’action populaire unitaire (MAPU). Le plus frappant a été la faible votation en faveur de la gauche révolutionnaire, montrant une faible influence dans le secteur des travailleurs organisés.

Le processus de radicalisation des travailleurs, tant au niveau de la conscience de classe que de la conscience politique, a permis la réponse militante au lock-out d’octobre 1972, lorsque les travailleurs ont réussi à briser les cadenas des usines et à les mettre en service de manière autogestionnaire, démontrant ainsi que les entreprises pouvaient fonctionner sans avoir besoin de leurs patrons, un événement sans précédent dans l’histoire du mouvement ouvrier international. La défaite sociale du lock-out des patrons par l’action déterminée de la classe ouvrière a développé un embryon de conscience de classe révolutionnaire, qui est l’un des plus hauts degrés de la conscience des salariés. Cet embryon a atteint son apogée en juin-juillet 1973, après le coup d’État militaire avorté du lieutenant-colonel Souper. À ce moment-là, de vastes secteurs de la classe ouvrière ont pris conscience que le pouvoir était en jeu et que, s’ils ne s’armaient pas massivement, la bourgeoisie porterait le coup décisif.

Certains courants politiques étaient d’avis que c’était le moment clé pour avancer vers la prise réelle du pouvoir, bien que cela soit en contradiction avec la stratégie de l’Unité populaire, dont la plupart des dirigeants ont opté à ce stade pour des négociations avec la Démocratie chrétienne. D’autres analystes ont estimé que le moment décisif pour le progrès politique était la défaite de la grève patronale en octobre 1972, car le rapport de force était encore en faveur des opprimés, un moment où l’opposition n’avait pas encore défini la tactique du coup d’État militaire en raison de la division au sein des forces armées entre le secteur constitutionnaliste, dirigé par le général Carlos Prats, et les militaires, convaincus de l’illégitimité du gouvernement « allendista ».

En outre, il y eut des analystes, bien après les événements, qui ont jugé que le moment clé pour progresser dans la légalité était le résultat des élections d’avril 1971, dans lesquelles l’Unité populaire a remporté 50,1% des voix pour les conseils municipaux, un vote démocratique jamais atteint auparavant par la gauche mondiale. Sans sous-estimer l’importance de la défaite du lock-out patronal en 1972, Gabriel Smirnow soutient [dans son ouvrage de 1977] que trois conditions étaient réunies en avril 1971, et que celles-ci ne se reproduiraient plus jamais : « La majorité de l’électorat était en faveur de l’Unité populaire, l’opposition bourgeoise n’avait pas réussi à reconstituer son unité puisque les deux modèles alternatifs restaient valables et différenciés, et la majorité de l’appareil répressif restait fidèle au régime constitutionnel » [49].

Il faut souligner dans le contexte de la mobilisation populaire que Salvador Allende a soutenu le mouvement des femmes comme aucun des précédents présidents du Chili ; et cela par des actes et non par des promesses paternalistes, malgré le rejet du Parti national et du Parti démocrate-chrétien, et même le mécontentement de la plupart des dirigeants de l’Unité populaire elle-même, influencés par l’idéologie patriarcale traditionnelle.

Sensible aux demandes des femmes, Allende a encouragé leur participation dans divers domaines :

a) dans les entreprises où le contrôle et l’administration de la production avaient lieu ;
b) dans les Conseils d’approvisionnement et de contrôle des prix ;
c) dans l’auto-construction de logements et de polycliniques ;
d) dans les Conseils de voisins et les Commandos communaux.

De cette manière, les relations entre les femmes et les hommes ont été plus transparentes, bien que ces derniers aient montré un certain ressentiment lorsque la femme, par exemple, payait à l’avance le cinéma ou l’invitation à dîner, car elle était en mesure de le faire grâce à l’augmentation des salaires au cours des deux premières années du gouvernement.

Allende est allé jusqu’à proposer alors la création du ministère de la Condition féminine ; il envisageait de nommer Carmen Gloria Aguayo comme ministre, mais il n’a pas pu le faire en raison de la résistance des partis de l’Unité populaire. Quoi qu’il en soit, il a créé en 1971 le Secrétariat de la femme, qui faisait partie intégrante du gouvernement. La même année, il a encouragé l’adoption d’un nouveau statut de la famille qui prévoyait :

– le droit des femmes de conclure des contrats, d’aliéner et d’hypothéquer leurs biens sans l’autorisation de leur mari ;
– de partager la garde et l’entretien des enfants avec leur conjoint ;
– la filiation simple, mettant fin à la distinction entre enfants légitimes et illégitimes ;
– un nouveau statut juridique pour l’union stable des couples non officiellement mariés par l’état civil ;
– des tribunaux de la famille composés d’un psychologue, d’un travailleur social et d’un avocat, pour favoriser le divorce après une période raisonnable de séparation, sans les obliger à fournir des témoignages humiliants.

En parallèle, le gouvernement a cherché à alléger la charge des femmes à la maison en finançant des cantines populaires dans les usines et dans le très fréquenté bâtiment de la Cnuced – [la IIIe Conférence de l’ONU sur le commerce et le développement dans le Tiers Monde a eu lieu au Chili en 1972 ; à présent, le bâtiment est devenu le Centre culturel Gabriela Mistral, ndt] – au centre de Santiago, ainsi que le « Programme de repas préparés », qui a mis à la disposition des femmes salariées du secteur social plus de 150 000 plats préparés qu’elles pouvaient acheter et emporter chez elles. Au total, 467 000 nouveaux emplois destinés aux femmes ont été créés.

D’autres mesures ont été prises : un demi-litre de lait pour les femmes enceintes et allaitantes, une augmentation du « fuero maternal » [avantage dont bénéficie une femme qui travaille depuis le début de la grossesse et jusqu’à un an et 84 jours après la date de l’accouchement. Pendant cette période, elle ne peut pas être licenciée, ndt] et l’obligation pour les entreprises de plus de 20 femmes d’avoir des crèches, une augmentation du congé postnatal passé de 45 à 90 jours, et l’ouverture, en 1971, du premier centre de soins post-natals pour les femmes rurales. Construction de 73 nouveaux jardins d’enfants et rénovation de 400 autres. Inauguration de l’espace appelé « Tour des femmes » dans le bâtiment de la Cnuced, appelé plus tard Diego Portales ; encouragement à la syndicalisation des employées de maison, ainsi que recommandation de 8 heures de travail et l’autorisation d’étudier dans des écoles proches du lieu de travail.

En 1971, de nombreuses femmes ont formé des brigades de santé, qui collaboraient avec les polycliniques des poblaciones les plus défavorisées. En 1972, les femmes de la commune de Barrancas de Santiago ont fondé un centre pilote pour aborder collectivement les problèmes de santé, de logement, d’éducation et de transport. Ces initiatives et d’autres ont été soutenues avec enthousiasme par les parlementaires María Elena Carrera et Laura Allende. Cette dernière a été attaquée en 1973 par un commando d’extrême droite alors qu’elle voyageait dans sa Citroën 2 CV.

En août de cette année-là, des assemblées de paysannes se sont réunies sur les rives de la rivière Bíobío pour faire connaître les Centres de la réforme agraire, où les femmes avaient, pour la première fois dans l’histoire du Chili, les mêmes droits à la terre que les hommes. « La participation des femmes a été rendue possible aussi bien par la nécessité de définir la composition des unités réformées que par la portée du processus décisionnel. (…) L’une des critiques les plus fréquentes faites aux Centres de la réforme agraire (CERA) était précisément qu’ils permettaient la participation des femmes » [50].

Suite à la grève patronale d’octobre 1972, les femmes des poblaciones de José María Caro et Santa Roza con Joaquín (Santiago) ont brisé les cadenas des magasins UNICOOP pour contrer les pénuries, déclenchées artificiellement par la droite. De même, les travailleurs de la SOPROLE ont occupé l’entreprise pour garantir la distribution de lait, en augmentant la production à 70 000 litres pendant quelques jours, grâce au travail volontaire. Regroupées au sein d’un Front patriotique, les femmes se sont prononcées contre les menaces de coup d’État. En 1972 et 1973, les affrontements entre les femmes anti-Allende de la haute et moyenne bourgeoisie et les femmes des poblaciones et salariées qui travaillaient au centre de Santiago étaient monnaie courante, les intérêts politiques primant sur les intérêts de genre.

En bref, le protagonisme social des femmes sous l’Unité populaire a pris des dimensions massives comme jamais auparavant dans l’histoire du Chili. Ainsi, la conscience de classe politique s’est approfondie atteignant un niveau plus élevé que la conscience de genre, en raison de l’absence d’organisations féministes puissantes, même si l’on avait connu des théoriciennes de grande qualité comme Julieta Kirkwood et des féministes disposant de l’expérience d’une Elena Caffarena et d’une Olga Poblet, fondatrices du Mouvement d’émancipation des femmes chiliennes dans les années 1930.

Un autre secteur discriminé, les peuples originels, a eu plus d’espace pour exprimer ses revendications ancestrales pour son territoire ou son habitat millénaire. Les Mapuches ont occupé des domaines qui leur appartenaient, ils ont consolidé de nouvelles organisations, élu de nouveaux lonkos, weipifes et machis [autorités ancestrales des communautés mapuches] qui conservaient la tradition orale des luttes de Lautaro à Panguilef, inspirateur de la République indigène, durant la « République socialiste » de 1932. Ils ont conquis de nouveaux espaces publics pour exprimer leur vision du monde et ont obtenu que les Centres de réforme agraire (CERA) écoutent et, dans certains cas, acceptent leurs revendications. En septembre 1972, Salvador Allende – qui fut le premier président à rendre officiellement visite au peuple mapuche, selon un témoignage oral transmis à l’auteur (LV) – a promulgué une nouvelle loi indigène qui modifiait progressivement celle adoptée en 1961.

Toutefois, malgré ces avancées, les Mapuches ne revendiquaient pas encore leur statut de nation originelle ou de peuple-nation au sein de l’État chilien, cette approche a vu le jour sous de nouveaux dirigeants dans les années 1980-1990. En outre, pendant le gouvernement de l’Unité populaire, ils n’appréciaient pas que les militants des partis de gauche tentent de s’immiscer dans leurs problèmes internes, en essayant de mener des luttes pour la récupération de leurs terres depuis l’extérieur de leur habitat, selon les confessions ultérieures de certains exilés Mapuches et les écrits qu’ils ont publiés pendant les premières années après la dictature militaire.

Dans le Norte Grande [une région naturelle du nord du Chili], les Aymara ont à nouveau fait sentir leur présence, délibérément omise après la guerre du Pacifique [1879-1884, au cours de laquelle le Chili a affronté la Bolivie et le Pérou] car ils avaient habité aussi bien en Bolivie qu’au Pérou, et de nouveaux dirigeants ont émergé au sein de la communauté où était né Pedro Humires, un poète et un enseignant exemplaire d’école primaire. De la province négligée de Magallanes [extrême sud du Chili], les derniers descendants des Onas, Alacalufes (Kaweskar), une branche des Tehuelches (Selk’nam) et des Yámanas ou Yaganes – dont les familles ancestrales avaient été exterminées par la conquête des terres dont le but était de pouvoir exploiter la nouvelle « toison blanche », les moutons, importés par les Menéndez Behety et Menéndez Braun, porte-parole du capitalisme britannique – ont fait entendre leur voix.

Pendant le gouvernement d’Allende, le mouvement des pobladores a participé de manière très large, que ce soit par de nouvelles « saisies » de terres, pour la première fois non réprimées de manière arbitraire, ou par la mise en place d’organisations telles que les « Camp Lénine » à Talcahuano et « Che Guevara » à Santiago, appelé plus tard « Nueva La Habana », et encore d’autres, avec une organisation autogestionnaire, comprenant des tâches d’auto-construction et de réhabilitation de maisons, de cantines collectives et de cours d’éducation primaire et d’alphabétisation. Dans plusieurs camps, où le MIR avait gagné en influence sous la direction de Víctor Toro et Herminia Concha, des milices populaires ont été organisées, mais avec une faible structure politico-militaire, pour faire face au coup d’État à venir. Cependant, l’activité la plus importante du mouvement des pobladores a été de coordonner les Commandos communaux avec les Cordons industriels, au niveau zonal, la base d’un pouvoir populaire embryonnaire qui a commencé à émerger avec une force relative au cours de l’année 1972 [51].

Le mouvement étudiant a connu un développement inégal. Il est parvenu à consolider ses organisations dans les universités et dans le secondaire pendant le gouvernement de l’Unité populaire, à réaffirmer sa demande d’autonomie universitaire, encouragée par le gouvernement lui-même, à réclamer des concours pour faire place à de nouveaux et meilleurs professeurs, à créer de nouvelles chaires parallèles, à exercer concrètement sa participation de 25% aux décisions de la communauté universitaire, à obtenir des cours du soir pour les travailleurs qui voulaient entrer à l’université, à étendre les tâches de diffusion ou d’extension universitaire aux secteurs populaires, à occuper de nouveaux espaces de liberté, à renforcer l’unité travailleurs-paysans-étudiants conquise sous l’administration Frei. Cependant, en confondant l’ensemble du corps étudiant avec l’avant-garde étudiante, de graves erreurs sectaires ont été commises envers les étudiants qui ne partageaient pas les positions des partis de gauche, allant jusqu’à créer des « cours de conscientisation », acceptés par les autorités de diverses universités, au plus grand déplaisir des étudiants sans parti ou de l’opposition, qui avaient le sentiment de subir un « lavage de cerveau ».

Cette attitude sectaire et l’érosion de l’influence du gouvernement sur les classes moyennes – dont les enfants fréquentaient les universités et constituaient la majorité du corps étudiant – ont conduit à une profonde division du mouvement étudiant, non pas tant en raison de leurs revendications académiques, mais pour des raisons de polarisation politique.

Ce phénomène a pu être observé clairement en mai 1972, à l’occasion de l’élection du recteur de l’Université du Chili, où le candidat de la Démocratie chrétienne et de la droite, Edgardo Boeninger, a triomphé non seulement dans la catégorie des professeurs mais, à la grande surprise, dans le corps étudiant sur le total des voix obtenues par les autres candidats : Felipe Herrera pour les partis de l’Unité populaire, socialiste, communiste et radical ; Andrés Pascal du MIR et Luis Vitale pour le Frente Revolucionario et le Parti communiste révolutionnaire. La division du mouvement étudiant est devenue de plus en plus aiguë en 1973, entraînant des affrontements entre lycéens et étudiants. Ce processus regrettable a également été encouragé de manière sectaire par l’opposition et les putschistes de droite, ravis par le développement du « gremialismo », dirigé par Jaime Guzmán, qui avait gagné en influence non seulement à l’Université catholique mais dans de nombreuses universités du pays. De son côté, la Fédération des étudiants secondaires de Santiago dirigeait le mouvement dans les établissements du secondaire par l’intermédiaire de son président G. Yungue (affilié à la Démocratie chrétienne).

Le mouvement des Chrétiens pour le socialisme, né sous le gouvernement démocrate-chrétien, a connu un essor relatif, touchant des secteurs de la population d’inspiration chrétienne et surtout la base du Parti démocrate chrétien et il a fini par rompre avec son parti pour former la Gauche chrétienne. Mais le sectarisme des partis de l’Unité populaire a encouragé la division verticale au sein du Mouvement d’action populaire unitaire (MAPU).

À la fin du mois d’avril 1971, le groupe Chrétiens pour le socialisme a organisé une réunion à laquelle ont participé les prêtres Gonzalo Arroyo, Pablo Richard, Santiago Thijsen, Renato Giavio de la Población de la Victoria, Esteban Gumucio de la Poblacion João Goulart, Alfonso Baeza du Mouvement ouvrier d’action catholique, Nelson Soucy de la Población Mussa, José Arellano de la Población San Joaquín, Hernan Leenrijse de San Bernardo et d’autres, avec la présence d’un invité spécial, Gustavo Gutiérrez, du Pérou, l’un des plus importants théoriciens de la Théologie de la libération. L’un des principaux accords auxquels ils sont parvenus était de soutenir les mesures du président Allende. Ils se sont rapidement étendus à Valparaíso, Antofagasta, Curicó, Talca, Concepción et Puerto Montt. Lors de cette réunion, Santiago Thijsen a déclaré : « Nous ne sommes pas le Mouvement d’action populaire unitaire, nous ne voulons pas l’être ; en tant que groupe, nous ne sommes d’aucun parti, nous militons pour le socialisme ».

Le 2 avril 1972, la première rencontre latino-américaine des Chrétiens pour le socialisme s’est tenue au siège du syndicat de l’usine textile Hirmas. Les délégués, dont 250 prêtres, y compris l’éminent théologien mexicain Sergio Méndez Arceo, ont décidé de soutenir l’administration de Salvador Allende. Le 17 octobre 1971, le groupe Communauté des chrétiens révolutionnaires [Comunidad de Cristianos Revolucionarios] est né à Viña del Mar. Du 24 au 26 novembre de cette année-là, l’Assemblée des Chrétiens pour le socialisme s’est tenue à Padre Hurtado, en présence de 140 prêtres, 80 religieuses, 20 pasteurs évangéliques et 130 laïcs. Le 7 juillet 1972, la réunion « La lutte des classes et l’Évangile de Jésus-Christ » a été inaugurée, le père Roberto Bolton a été invité, et un dialogue intéressant entre chrétiens et marxistes a eu lieu. Dans le théâtre municipal de Santiago, en février 1973, s’est déroulé un hommage au prêtre guérillero colombien Camilo Torres ; le discours principal a été prononcé par le père Martín Gárate, secrétaire général des Chrétiens pour le socialisme, qui a déclaré : « Nous, chrétiens, ne serons plus utilisés par les classes dirigeantes » (Journal La Nación, février 1973).

Face à l’intensification de la lutte politique et à l’offensive de la droite, les Chrétiens pour le socialisme ont fait une déclaration importante le 19 avril 1973 dans laquelle ils affirmaient : « Nous ne voulons pas dire que le christianisme et le marxisme sont une seule et même chose. Nous voulons seulement montrer que le christianisme ne peut jamais être un obstacle pour que les pauvres sortent de leur situation de misère » (Journal Noticias de última hora, 19 avril 1973). Quelques jours plus tard, le 27 du même mois, face aux menaces de coup d’État, ils ont souligné catégoriquement : « Il est de notre devoir de montrer à nos camarades, évangéliques et catholiques, que l’utilisation de la religion voulue par la droite est contre la libération du peuple et, par conséquent, contre la libération que le Christ a prêchée ».

Après le coup d’État militaire, les membres du « mouvement des Chrétiens pour le socialisme » ont déclaré qu’ils se sentaient parfois utilisés par les partis de l’Unité populaire qui, malgré leur méfiance à l’égard de tout ce qui sentait la soutane, les utilisaient sans comprendre la contribution politique apportée à la gauche et au peuple par les partisans de la Théologie de la libération.

À cet égard, il convient de rappeler que la gauche chilienne était une héritière « cohérente » de la tradition libérale du XIXe siècle et qu’elle continuait à être viscéralement anticléricale, notamment les socialistes membres de la franc-maçonnerie. Il est connu que plusieurs présidents du Chili étaient des sympathisants de la franc-maçonnerie – c’est le moins que l’on puisse dire. Parmi eux, Carlos Ibáñez del Campo, Pedro Aguirre Cerda, Juan Antonio Ríos, Gabriel González Videla et, comme il est de notoriété publique, Salvador Allende. Le Chili est l’un des rares pays d’Amérique latine où la franc-maçonnerie a exercé un certain pouvoir de facto au niveau politique, atteignant une influence notoire dans les universités et, en général, dans les différents domaines de la culture. Elle a même influencé des secteurs de l’armée, de la marine et de l’aviation, comme la génération des années 1920-1930, à commencer par les jeunes officiers qui ont pratiquement gouverné le pays de 1925 à 1932, de Carlos Ibáñez à Marmaduke Grove. Il n’est donc pas étonnant que les Chrétiens pour le socialisme aient été observés avec suspicion par la gauche. Je me souviens que lorsque, en 1966, nous avons proposé, au sein du Comité central du MIR, de collaborer avec les sympathisants de la Théologie de la libération, nous avons été regardés comme des « hurluberlus », précisément par des jeunes dont les parents étaient francs-maçons. Des années plus tard, un groupe de Chrétiens pour le socialisme, comprenant des prêtres et des religieuses, a rejoint le MIR.

Des progrès dans la démocratisation de la culture et dans les droits de l’homme les plus fondamentaux : santé, logement et éducation

Le gouvernement de Salvador Allende a poursuivi le processus de démocratisation de la culture – commencé avec les gouvernements du Front populaire et poursuivi jusqu’à celui d’Eduardo Frei Montalva – tant aux trois niveaux de l’enseignement que dans la promotion des différentes expressions artistiques, en favorisant l’accès aux concerts publics, au théâtre, aux expositions de peinture et autres expressions artistiques.

Il a mis l’accent sur la diffusion des livres à des niveaux jamais atteints en Amérique latine, en soutenant la publication des classiques de la littérature mondiale et des œuvres de sciences sociales, dans des éditions de plus de 50 000 exemplaires par auteur.

Il a investi dans les services de santé, de logement et d’éducation. En 1971, 131 écoles ont été construites, avec 1884 salles de classe pour servir 83 000 nouveaux élèves, en assurant le petit-déjeuner scolaire, des mesures qui ont été encore plus importantes en 1972 et 1973. Au cours de la première année du gouvernement de l’Unité populaire, a commencé la construction de 76 000 logements.

Rien qu’en 1971, six nouveaux hôpitaux ont vu le jour et des réparations ont été effectuées dans la plupart des anciens hôpitaux du Service national de santé, tout en stimulant la participation des infirmières et des fonctionnaires à la gestion de tous les domaines de la santé. Nombre d’entre eux, dont un important secteur de médecins, ont participé activement à la création de centres de santé dans les communes qui avaient le plus besoin de soins médicaux à Santiago, Valparaíso, Concepción et dans d’autres provinces.

Il a ouvert de nouveaux espaces de liberté pour la moitié de la population, les femmes, et d’autres secteurs discriminés, comme les Mapuches, les Aymaras et autres peuples originels, des aspects qui témoignent d’une préoccupation constante pour les droits humains les plus essentiels des citoyens. (Traduction Ruben Navarro et Hans-Peter Renk) (A suivre le 8 juin)

Notes

[29] Sergio Ramos, Chile ¿Una economía en transición ?, Cuadernos CESO, Université du Chili, Santiago, 1972.

]30] Institut d’économie de l’Université du Chili, La economía chilena en 1971, Santiago, 1971, p. 569 et 570.

[31] Solon Barraclough y Alminio Affonso, « Diagnóstico de la Reforma Agraria (noviembre 1970-junio 1972) », Cuadernos de la Realidad Nacional (CEREN), N° 16, avril 1973, p. 71.

[32] René Billaz y Eugenio Maffei, « La Reforma Agraria chilena y el camino hacia el socialismo. Algunas consideraciones », Cuadernos de la Realidad Nacional (CEREN), N° 11, janvier 1972, p. 69.

[33] Ibid., pages 72, 75 et 77.

[34] Ibid., pages 75 et 76.

[35] Cristóbal Kay y Peter Winn, « La Reforma Agraria en el gobierno de la Unidad Popular », Sociedad y Desarrollo, N° 3, juillet-septembre 1972, CESO, Université du Chili, pp. 14 et 15.

[36] Rapport du CIAP, Banco Central, Santiago, février 1971.

[37] Jorge Leiva y Alejandro Gutiérrez, « Consideraciones acerca de la estatización de la banca », Mensaje, N° 197, Santiago, 1971.

[38] Lillian Collyer y Eliana Sianyu, « Proceso de Estatización del Sistema Bancario », La economía chilena en 1971, Instituto de Economía, Universidad de Chile, Santiago, 1972, pp. 580 à 585.

[39] Pour plus d’informations, consulter Marta Harnecker, « JAP y Poder Popular », Chile Hoy, N° 39, Santiago, 15-3-1973.

[40] Kalki Glauser, « Áreas de Propiedad bajo el gobierno de la Unidad Popular », Cuadernos de la Realidad Nacional (CEREN) », N° 9, Santiago, 1971 et Oscar G. Garretón, « La importancia del Área de Propiedad Social y la definición de las áreas », ibid. N° 11, p 251.

[41] Eduardo Novoa Monreal, « Vías legales para avanzar hacia el socialismo », Mensaje, N°167 et, du même auteur, article dans la Revista de Derecho Económico, mars 1971.

[42] Danielle Ponchelet, « El proyecto de Reforma Constitucional de la Democracia Cristiana : una crítica », La economía chilena en 1971, op. cit. Pages 466 et 467.

[43] Claes Croner et Oriana Lazo, « El área de Propiedad Social en la Industria », La economía chilena en 1971, op. cit., p. 421.

[44] La economía chilena en 1971, op. cit., p 423.

[45] Clotario Blest, « El estado actual de la clase trabajadora », Punto Final, N° 177, Santiago, février 1973.

[46] Aurora de Chile, N° 33, Santiago, 27-7-1973.

[47] Mario Durán Vidal, El proceso político de la UP, Bielefeld, Allemagne Fédérale, 1978, p. 69.

[48] Francisco Zapata, Las relaciones entre el movimiento obrero y el gobierno de Salvador Allende, Ed. El Colegio de México, 1974, p 26.

[49] Gabriel Smirnow, La Revolución Desarmada. Chile 1970-73, ed. ERA, México, 1977, p. 28.

[50] Patricia Garret, « La Reforma Agraria, organización popular y participación de la mujer en Chile (1964-1973) », dans Magdalena León, Las trabajadoras del agro, Ed. ACEP, Bogotá, 1982, Vol. I, p. 288.

[51] E. Pastraña y M Threlfall, Pan, techo y poder. El movimiento de pobladores en Chile (1970-1973), Ed. Siap-Planteos, Buenos Aires, 1974 et Jorge Giusti, Organización y participación popular en Chile, Ed. FLACSO, Buenos Aires, 1973.

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