Édition du 17 décembre 2024

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Planète

Catastrophes nucléaires de Fukushima : près de 880 tonnes de corium extrêmement radioactifs dans les réacteurs 1, 2 et 3 ?

tiré de :Coordination antinucléaire du sud-est (France)

Selon une étude récente de "International Research Institute for Nuclear Decommissioning" les coriums des réacteurs atomiques explosés de Fukushima-Daïchi sont de 2,5 à 4 fois plus massiques que les produits de fission initiaux mortels. De faux certificats de formation des travailleurs ont été également mis à jour, le coût financier du démantèlement est revu à la hausse : 57 milliards d’euros ont déjà été dépensés, la durée prévisionnelle du démantèlement dépasse 2 générations, le nombre de malades et les morts augmentent.

L’International Research Institute for Nuclear Decommissioning (1) a évalué la masse de corium qui se trouve dans les réacteurs atomiques qui ont explosé le 11 mars 2011 à la centrale nucléaire de Fukushima-Daïchi au Japon. Le « corium » est le mélange extrêmement radioactif constitué des produits de fission atomiques (faussement nommés « combustible ») fondus et de débris divers et variés provenant des gaines, des tuyauteries, des grappes de barres mobiles, d’éléments de béton et métalliques,...

Dans les 3 bâtiments-réacteurs (n°1, n°2, n° 3) de la centrale de Fukushima Daï-ichi, dont les cœurs atomique sont entrés en fusion, les observations réalisées par la technique des « muons » couplée à des simulations informatiques donnent froid dans le dos : la masse totale de corium voisine 279 tonnes pour le réacteur n°1, 237 tonnes pour le réacteur n°2 et près de 364 tonnes pour le réacteur n°3 qui contient le terrible « combustible » Mox à base d’oxyde de plutonium (bombe atomique) et d’oxyde d’uranium produit à Marcoule (Gard) et fourni par le français Areva sous l’égide de son actionnaire majoritaire le Commissariat à l’Energie Atomique.

Ainsi selon les réacteurs, les coriums sont de 2,5 à 4 fois plus massiques que les produits de fission initiaux mortels qui étaient déjà, en valeur nominale, de 69 tonnes dans le réacteur n°1 et de 94 tonnes dans chacun des réacteurs 2 et 3.

Les explosions et la fusion des cœurs des réacteurs ont généré un tel magma que la situation est quasi inextricable. Très très difficile d’y remédier. Les solutions techniques n’existent pas car les promoteurs de l’atomisme n’ont jamais voulu envisager qu’une telle situation puisse être de l’ordre du possible. Ils se retrouvent face à leur dogmatisme et leur incapacité intellectuelle et professionnelle, annihilés dans leurs pensées par leur croyances et leur égo.

Licences américaines et pièces à faible teneur en carbone...

Les réacteurs nucléaires de Fukushima-Daïchi sont des modèle construits sous licence états-unienne de « General Electric » pour les réacteurs 1 et 2 et par Toshiba pour le réacteur moxé n°3 (En France les réacteurs sont aussi sous licence état-uniennes Weshtinghouse).

L’enceinte de confinement primaire du cœur du réacteur nucléaire n°3, appelé à être gorgée du Mox d’Areva, a explosé alors qu’elle avait été changée à la fin des années 1990, tout comme d’autres composants principaux internes remplacés par des pièces en acier spécial « à faible teneur en carbone ». Soit-disant pour diminuer la « corrosion inter-granulaire » des métaux du cœur du réacteur (IGSCC) exposés à la radioactivité, des pressions importantes et des températures élevées de l’eau. Fiasco.

Les cuves des 6 réacteurs de la centrale de Fukushima-Daïchi, comme toutes les cuves des réacteurs nucléaires du Japon, ont été forgées par Japan Steel Works avec laquelle … Areva a signé un partenariat stratégique en 2008 pour la fabrication des grosses pièces maîtresse destinées aux réacteurs atomiques de EDF et notamment pour forger la virole porte tubulure de la cuve de l’EPR (2).

Falsifications et dissimulation

Tout comme actuellement en France aujourd’hui avec les falsifications chez Creusot-Forge-Areva, un scandale éclate en 2002 qui révèle que TEPCO a falsifié, durant dix ans au moins (entre les années 1980 et 1990) une trentaine de rapports d’inspection constatant des fissures ou des corrosions sur les enveloppes des réacteurs. Dont ceux de la centrale de Fukushima.

La direction de TEPCO est contrainte alors à la démission et plusieurs réacteurs sont alors mis à l’arrêt pour contrôle, puis relancés. Mais cinq ans plus tard, en 2007, et quatre ans avant la catastrophe nucléaire de Fukushima-Daïchi, on apprend que TEPCO a en fait dissimulé près de 200 incidents survenus entre 1984 et 2002 (4). Un scénario dont les conséquences similaires terribles pourraient bien survenir prochainement en France. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets.

Un démantèlement impossible à l’échelle d’une génération

Pour tenter d’avoir un aperçu de l’état des lieux et pouvoir agir un tant soit peu, TEPCo vient d’utiliser des drones pour faire des mesures de radioactivité au niveau de la cheminée de rejets radioactifs (rejets continus en exploitation quotidienne normale), celle commune aux réacteurs n°1 et 2. Afin de pouvoir envisager que des robots télécommandés puissent être utilisés pour un éventuel démantèlement. Démantèlement des plus difficiles voire quasi-impossible.

Mais lors de la descente des engins téléguidés au cœur de la cheminée, les spécialistes ont constaté qu’une barre installée lors de la construction et selon les plans originaux empêchait toute descente au-delà de 10 à 20 mètres sous l’embouchure. Ils n’y avaient pas pensé, voire l’ignoraient tout simplement ! Incroyable, d’autant que Tepco ne parvient toujours pas à en préciser la position exacte (5).

En avril 2015, un précédent « robot serpent » avait déjà été introduit dans un tuyau du réacteur 1, mais ses circuits électroniques avaient rapidement grillés du fait de la radioactivité ambiante. Avant fin mars 2016, Tepco voulait envoyer d’autres robots dans les tuyauteries des réacteurs 1 et 2, histoire de repérer le corium. Mais en début d’année la compagnie renonçait et reportait d’au moins un an l’opération sur le réacteur 2.

En fait le démantèlement de Fukushima est un mythe, une fiction. Au lendemain de la quadruple catastrophe, les experts patentés et autres spécialistes nucléaires affirmaient prévoir 40 années de démantèlement. Et en chiffraient le coût prévisionnel. On sait ce qu’il est déjà advenu de ce dernier. C’est qu’une réalité s’impose : le coût d’un tel accident augmente sans cesse au fil des ans. Non seulement au niveau matériel et technique mais aussi par ce que des dizaines de milliers de nouvelles personnes vont développer des maladies, longues et mortelles parfois. Les enfants et petits-enfants devront payer pour les conneries des parents.

Et cela coûte très très très cher... aux usagers et aux contribuables

18 milliards d’euros (2 000 milliards de yens ) était le coût prévu, en 2013 deux ans après la quadruple catastrophe pour le démantèlement des 6 réacteurs de la centrale de Fukushima-Daïichi. Gestion de l’eau contaminée incluse. Depuis trois ans et à la vue de ce qui se passe réellement sur le terrain de la catastrophe nucléaire il fallait que l’Etat nippon sache à quoi aujourd’hui s’en tenir. Un groupe d’experts du ministère de l’industrie a donc tenté d’en estimer le coût : il n’y est pas parvenu. Une certitude : la facture va largement exploser, elle aussi. D’autant qu’il faut y ajouter les coûts de la décontamination, des aides économiques, de l’indemnisation des victimes,…

Rien que la limitation des impacts continus des menaces des réacteurs délabrés a déjà coûté 80 milliards de yens ces trois dernières années (plus de 700 millions d’euros).

Pour éviter la faillite de Tepco le gouvernement japonais l’a nationalisé en 2012. Et fait passer ainsi la charge financière et technique sur le dos de la collectivité. Un tour de passe-passe classique dans le monde du capitalisme sauvage : privatisation des profits, nationalisation des pertes. Comme la 57ème avance financière de la structure gouvernementale de soutien à Tepco d’un montant de 400 millions d’euros (44,4 milliards de yens) vient d’avoir lieu pour de nouvelles indemnisations de victimes, le total reçu par Tepco à ce jour atteint les 57,7 milliards d’euros. Le triple des prévisions. Et à fonds perdus car jamais l’entreprise ne pourra rembourser ces avances.

A présent, le gouvernement entend donc faire porter les coûts du démantèlement par chaque usager/abonné en appliquant une taxe spéciale, en plus du coût du kwh, à la distribution de l’électricité. Et parallèlement, une nouvelle réforme de TEPCO visant à augmenter sa profitabilité est envisagée : séparer l’activité nucléaire du reste de la compagnie afin de la vendre ou de la fusionner avec celle d’autres compagnies. Cela rappelle étrangement ce qui se passe en France avec la déconfiture d’Areva et la quasi-faillite annoncée de EDF. Au Japon comme en France le but est le même : tenter contre toute lucidité et par fanatisme de sauver le soldat atomiste.

Si les autorités pouvaient par ce tour de bonneteau accélérer le redémarrage d’un ou deux réacteurs d’une centrale nucléaire à l’arrêt telle ceux de Kashiwazaki-Kariwa cela pourrait peut-être permettre selon elles de regagner la confiance de la population et celles des élus locaux qui, au Japon et à l’opposé de la France démocratique, ont leur mot à dire pour le fonctionnement des centrales nucléaires.

Une multitude de violations du droit du travail

Zerutech Tôhoku, une compagnie de Nihonmatsu, vient d’être épinglée par l’inspection du travail de Fukushima pour avoir émis de faux certificats de formation avant envoi de travailleurs sur des chantiers de décontamination et d’exposition aux rayonnements radioactifs.

Les travailleurs sont censés recevoir une formation basique de 5h30 sur les risques liés aux rayonnements et les mesures de protection à prendre. Mais comme il n’y a pas d’évaluation après formation, ni de certificat à montrer aux commanditaires : les entreprises s’en tapent. Ainsi, entre 100 et 150 faux certificats de formation avant l’envoi des travailleurs sur les chantiers de décontamination ont été découverts au sein de la Zerutech Tôhoku de Nihonmatsu, une des 118 entreprises contrôlées sur les 506 intervenant à la centrale de Fukushima Daï-ichi. 271 autres entreprises ont aussi violé le droit du travail en matière de sécurité et de santé au travail, de conditions de travail, de salaires ou primes de risque, de temps de travail… C’est une véritable stratégie d’envoi au casse-pipe des salariés que les entreprises du secteur nucléaire ont mise en place. Une stratégie de mort délibérée.

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(1) http://irid.or.jp/en/
(2) Dossier de présentation de BU Equipeent Creusot-Forge et Areva ( www.areva.com%2fmediatheque%2fliblocal%2fdocs%2factivites%2freacteurs-services%2fequipements%2fpdf-pres-creusot-vf.pdf/RK=0/RS=CKwKjXRe4YgljmfmnVzWH8lCAvg- )
(3) Repair Reports Falsified : Tepco executives to quit over atomic plant scandal », Japan Times,‎ 1er septembre 2002
(4) Kyodo News, « Tepco must probe 199 plant check coverups », Japan Times,‎ 2 février 2007
(5) http://fukushima.eu.org/controle-de-la-cheminee-de-rejet/
source :
. « Fukushima Minpo »
. http://fukushima.eu.org/environ-880-tonnes-de-corium-tres-radioactifs-dans-les-reacteurs-1-a-3/ ?

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