Édition du 17 décembre 2024

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Europe

Catalogne : l’avenir du processus constituant

L’événement de ce dimanche 13 octobre aux « Fonts de Montjuïc » à Barcelone, auquel ont participé plusieurs milliers de personnes, démontre l’intérêt et l’enthousiasme suscité par le projet du « Procès Constituent » lancé en avril dernier par Arcadi Oliveres et Teresa Forcades. Cet événement était le point culminant de six mois de présentations et de mise en route d’assemblées locales et sectorielles.

Le « Procès » a deux grands mérites. Le premier c’est d’agir comme un révélateur en affirmant, au milieu de l’explosion du panorama politique catalan tel que nous l’avions connu depuis la Transition, une vocation de majorité et de rupture, combinant unité et radicalité, avec une cohérence programmatique et peu de rigidité idéologique. Il ne s’agit plus, pour la gauche, de se contenter d’être une voix minoritaire de témoignage ni, à l’inverse, d’édulcorer sa volonté de rupture et de transformation afin de trouver des raccourcis. Ce n’est pas de changements cosmétiques dont on a besoin mais bien d’un changement des bases d’un système qui ne fonctionne que pour une minuscule minorité.

En second lieu, le projet de Forcades et Oliveres a permis de propulser à grande échelle le concept de processus constituant, de plus en plus populaire après l’apparition du Mouvement du 15-M et aujourd’hui déjà patrimoine commun de larges secteurs politiques. Son mérite est de tenter d’élaborer une feuille de route stratégique pour parvenir à un tel processus, en le liant à la fois au débat sur la crise et sur l’indépendance de la Catalogne. Il cherche ainsi à tracer un horizon concret et crédible de rupture qui permette d’englober les deux grands axes de la politique catalane - le social et le national, -qui ne s’associent pas mécaniquement.

Le « Procès » démontre la nécessité d’articuler une nouvelle majorité politico-électorale, pose la question de l’unité de la gauche et de comment construire un nouvel instrument socio-politique ayant une large influence politique et sociale. Mais il va plus loin que tout cela encore. Il implique une invitation à l’auto-organisation sociale, à l’activation de ceux qui aujourd’hui encore ne sont pas mobilisés et il conçoit la politique électorale et les débats sur les sigles comme la conséquence d’un travail préalable d’en bas dans lequel il ne s’agit pas seulement d’assembler mécaniquement des pièces mais bien surtout de faire entendre et d’offrir des espaces de participation socio-politique à ceux qui n’ont pas encore trouvé de lieu où canaliser leur mécontentement et leur frustration.

Le projet de Forcades et Oliveres n’est pas un nouvel acteur de plus dans la politique catalane qui veut entrer en compétition avec les autres existants et ce n’est pas non plus une coupole commune pour les englober tous. Il se configure comme un espace politique propre, ouvert, pluriel et flexible, avec un fort discours unitaire et il a la double tâche simultanée de se construire et de se renforcer tout en dialoguant, discutant et travaillant avec d’autres composantes de la gauche politique et sociale dans le but commun de changer le monde de base. Son démarrage a été prometteur mais c’est, en partie, le plus facile. Consolider ce qui a été réalisé est le grand défi devant lui.

Nous sommes en présence d’une expérience collective, d’une proposition originale pour un moment peu habituel et qui requiert des réponses peu conventionnelles. Nous ne vivons pas en période de routines inamovibles, où la « vieille tactique éprouvée » (quelle quel soit !) va résoudre les défis énormes d’aujourd’hui. Le « Procès » n’est pas une solution en soi et il ne peut par lui-même résoudre le problème de trouver une issue dans la conjoncture actuelle qui soit favorable aux intérêts de la majorité. Mais il apporte un effet catalyseur et dynamisant dans la vie politique catalane qui, nous l’espérons, va contribuer à élargir la brèche ouverte dans la légitimité d’un système dans lequel, jours après jours, s’évaporent sans cesse nos droits, nos dignités et nos espérances.

* Source : http://blogs.publico.es/dominiopublico/7901/13osomalcarrer-mirando-hacia-un-futuro-constituyente/

* Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Rieraà

* Josep Maria Antentas enseigne la sociologie à l’Universidad Autónoma de Barcelone.

Josep Maria Antentas

Josep Maria Antentas enseigne sociologie à la Universitat Autònoma de Barcelona (UAB) et est membre de la rédaction de la revue Viento Sur.

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